Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian a assuré jeudi que son pays œuvrait pour « l’unité du monde musulman », à l’occasion de son premier déplacement officiel en Arabie saoudite depuis le rapprochement diplomatique de ces deux puissances rivales du Moyen-Orient.
L’Iran, pays à majorité chiite, et l’Arabie saoudite, à majorité sunnite, entretiennent des relations tendues depuis des décennies, soutenant des camps adverses dans les conflits de la région. Mais les relations entre ces deux poids lourds, qui ont repris après un accord conclu en mars après sept ans de rupture, « vont dans la bonne direction », a déclaré le chef de la diplomatie iranienne. Il s’exprimait lors d’une conférence de presse à Ryad aux côtés de son homologue saoudien Fayçal ben Farhane, évoquant une coopération économique et sécuritaire, sans plus de détails. Les deux hommes se sont réunis dans une salle appelée « Solidarité islamique », « prélude à la rencontre des chefs des deux Etats », a ajouté Hossein Amir-Abdollahian, sans préciser quand le président Ebrahim Raïssi se rendrait en Arabie saoudite à l’invitation du roi Salmane. « Nous sommes sûrs que toutes ces rencontres et cette coopération contribueront à l’unité du monde musulman », s’est félicité le responsable iranien. Hossein Amir-Abdollahian a par ailleurs profité de l’occasion pour réaffirmer le soutien de la République islamique à la cause palestinienne, au moment où les Etats-Unis, bête noire de Téhéran, cherchent à normaliser les relations entre l’Arabie saoudite et l’entité sioniste. De son côté, Fayçal ben Farhane a confirmé la reprise des activités de l’ambassade saoudienne à Téhéran, la qualifiant de « nouvelle étape dans le développement des relations entre les deux pays ».
« Nombreux points de friction »
L’Iran et la riche monarchie pétrolière du Golfe avaient rompu leurs relations en 2016 après l’attaque de missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants dans la République islamique, en réaction à l’exécution par Ryad d’un influent religieux chiite. Après de longues tractations, via l’Irak notamment, les deux puissances rivales ont accepté de reprendre leurs relations diplomatiques dans le cadre d’un accord conclu en mars avec l’entremise de la Chine. Hossein Amir-Abdollahian effectue « un voyage d’une journée », accompagné d’Alireza Enayati, le nouvel ambassadeur de Téhéran en Arabie saoudite, selon l’agence de presse officielle iranienne Irna. Cette visite et la réouverture des ambassades respectives représentent « d’importantes mesures », a estimé Anna Jacobs, spécialiste du Golfe au centre de réflexion International Crisis Group. Mais le rapprochement « n’en est qu’à ses débuts et la manière dont les deux parties aborderont leurs nombreux points de friction n’est pas encore très claire », a-t-elle ajouté à l’AFP. La République islamique a rouvert sa mission diplomatique à Ryad le 6 juin. Mi-juin, Fayçal ben Farhane a effectué une visite officielle en Iran, une première pour un ministre saoudien des Affaires étrangères depuis 2006. Autre première depuis le dégel irano-saoudien, des responsables militaires des deux pays se sont rencontrés à Moscou en marge d’une conférence sur la sécurité, selon un média d’Etat iranien.
« Occasion pour dialoguer »
Ce réchauffement diplomatique a suscité des espoirs d’un apaisement régional, à l’heure où l’Arabie saoudite tente de se sortir de la guerre au Yémen, pays pauvre voisin où elle intervient depuis 2015 pour appuyer les forces pro-gouvernementales contre les Houthis, des rebelles proches de l’Iran. Les efforts diplomatiques récents n’ont pas permis d’avancer vers une résolution du conflit, même si les combats ont largement diminué. Quant à la Syrie, autre pays arabe de la région où l’Iran est très influent, l’Arabie saoudite a surtout permis en mai le retour en grâce au sein de la Ligue arabe de Bachar al-Assad. Damas avait été suspendu de l’organisation panarabe après la répression violente des manifestations antigouvernementales ayant déclenché la guerre civile en 2011. Les relations saoudo-iraniennes restent toutefois compliquées, notamment en raison d’un différend sur un champ gazier que les deux pays revendiquent. Téhéran menace de poursuivre l’exploration du gisement que le Koweït et l’Arabie saoudite se disent seuls « légitimes » à exploiter. Mais, selon l’analyste Anna Jacobs, ce dossier « ne devrait pas représenter un obstacle majeur à l’amélioration des relations et pourrait même être une occasion pour dialoguer ».