Dans son dernier ouvrage intitulée «Cubaniya», Jaoudet Gassouma explore la littérature de voyage et invite son lecteur à découvrir la capitale cubaine, ses habitants, leur mode de vie, les similitudes avec la ville d’Alger, tout en s’esseyant à une analyse de ce qui reste de la révolution castriste.
Ce roman de 144 pages, paru aux éditions «Chihab» et écrit à la première personne, raconte le voyage d’un petit groupe de reporters partis d’Alger à la découverte de la Havane, cette ville fantasmée, traversée, comme le sud de l’Algérie, par le tropique du cancer. Comme dans un carnet de voyage, l’auteur brosse le tableau de longues heures de vol qui le mènent à Cuba en compagnie de ses collaborateurs, tout en dressant un portrait, souvent caricatural, de passagers et de membres de l’équipage comme pour plonger le lecteur dans la torpeur de ce microcosme. Une fois foulé le sol cubain, Jaoudet Gassouma porte un intérêt particulier à l’humain, décrivant dans le détail les agents de police de l’aéroport, les passants, les artistes de rues, les tenues vestimentaires, souvent «très légères et parfois folkloriques» des cubains, tout en faisant une longue digression sur la richesse architecturale de la Havane, une ville vieille de cinq siècles. Dans cette ambiance enfumée au cigare cubain et arrosée au rhum, deux produits symboliques de l’île caribéenne, l’auteur invite le lecteur à se perdre dans les légendes urbaines d’Alger tout en se promenant dans le centre historique de La Havane pour y rencontrer le P’tit Omar ou croiser le regard de la belle Hassiba. L’auteur évoque également le «Che», «El Khou» comme il aime à l’appeler dont les «portraits déclinés à l’infini habillent les murs» de la ville à tel point que le mythique guérilléro en devienne un personnage presque banal, dont l’effigie orne tous les objets proposés aux touristes dans les boutiques de souvenirs. A côté de La Havane touristique, destination des riches occidentaux en quête d’exotisme, se dessine dans la douleur et la misère une autre Cuba «en quête de lait amer» forçant l’incontournable questionnement sur «ce qui reste des slogans et des révolutions», écrit l’auteur. Jaoudet Gassouma décrit une société «nourrie de ladite révolution et qui a remplacé son pain, son lait et sa viande en les transfigurant en palabres», en évoquant les slogans révolutionnaires qui tapissent les murs décrépits de la ville, même s’ils n’ont plus leur sens dans la société cubaine actuelle. A la manière d’un reporter, l’auteur se penche sur cette «nouvelle résilience» et le sens inné du «contournement des lois» des cubains qui «inventent» une «agriculture alternative dans les friches et terrasses urbaines» de l’île, et une «nouvelle culture (…) qui ne demande qu’à vivre et qui (…) fascine par sa force», admet l’auteur. Cubaniya, également traversé par des histoires d’amours nées à Cuba et d’autres abandonnées à Alger, est présenté dans une couverture représentant l’image stéréotypée de Cuba avec une photo de vieilles voitures américaines des années 1950 surmontée par le portrait du célébrissime Comandante. «Cubaniya» a été écrit dans le cadre du projet artistique «Tropique du cancer», élaboré et financé par le photographe Karim Abdeslam, et qui a permis d’organiser des résidences de création, en 2015 à Cuba, pour plusieurs artistes algériens dans différents domaines créatifs dont la photographie d’art, la vidéo, la musique, la peinture ou encore l’écriture. Plasticien, Jaoudet Gassouma a publié son premier roman «Zorna!» en 2004, avant «La Kabylie, le coeur entre les montagnes», son deuxième livre sorti en 2014.