À travers sa médiation auprès des pays voisins du Niger, membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avec une approche politique pacifique de sortie de crise sans effusion de sang dans la région, l’Algérie a-t-elle, d’ores et déjà, réussi à calmer l’ardeur démesurée des va-t-en guerre et éviter un embrasement général dans la région ?
Connue pour ses principes et valeurs diplomatiques inchangeables, son refus des ingérences étrangères (militaires ou politiques), dans les affaires internes de pays souverains, et surtout pour sa « neutralité positive » dans la résolution des conflit quel que soit sa complexité en traitant tous les belligérants sur le même pied d’égalité sans aucune préférence pour telle ou telle partie, l’Algérie cherche toujours à gagner en premier lieu la confiance nécessaire de toutes parties, condition sine qua non, pour une possible ouverture d’un dialogue serein et responsable ou toute partie a le droit de dire ce qu’elle a à dire pour au final arriver à une issue consensuelle qui pourrait satisfaire toutes les parties en conflit.
La diplomatie algérienne, avec plusieurs succès à son actif depuis les années 70, semble avoir eu gain de cause auprès des membres de l’organisation ouest-africaine. Toutefois, et en dépit de sa souplesse dans le règlement des conflits, Alger reste inflexible et intraitable quand il s’agit du respect des résolutions onusiennes ou de l’Union africaine d’où sa condamnation sans équivoque du coup d’État au Niger, réaffirmant son attachement au respect des règles légales en usage de l’Union africaine (UA), instaurées lors du Sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) tenu à Alger en 1999, visant à traiter le fléau des changements anticonstitutionnels de gouvernements.
L’Algérie croit dur comme fer à la solution pacifique
Dépêché par le président Abdelmadjid Tebboune dans une mission de « déminage », le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, s’est rendu au Nigéria, au Bénin et au Ghana, tous membres de la CEDEAO. Le diplomate algérien est porteur d’une approche politique de sortie de crise en douceur. La feuille de route algérienne semble avoir trouvé une oreille attentive auprès de ces pays et a été favorablement accueillie.
Une approche à quatre critères
L’approche algérienne repose sur quatre critères clairement définis par le chef de l’État algérien qui consistent en le respect total et strict du cadre juridique africain lié aux changements anticonstitutionnels de gouvernements, le retour à l’ordre constitutionnel au Niger, et la réhabilitation totale de la gouvernance démocratique dans ce pays frère, préserver les acquis réalisés par le Niger au cours de la décennie écoulée aussi bien sur le plan de la concrétisation du modèle démocratique que sur le plan de la lutte contre le terrorisme et le soutien de la stabilité dans le pays de manière directe et dans la région de manière indirecte, et éviter au Niger, et à toute la région, les répercussions du recours à la force, et les dangers des interventions étrangères qui risquent d’embraser la situation dans ce pays et dans la région toute entière ».
Dans une déclaration à la presse, le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, a déclaré que la CEDEAO, et l’Algérie, sont sur une même ligne de travail, qui consiste en la coordination des efforts pour aboutir à la réalisation d’un objectif commun qui est la restauration de l’ordre constitutionnel au Niger », assurant que la restauration de l’ordre constitutionnel au Niger est un « objectif commun » de l’Algérie avec ces pays qui « sont actuellement dans le temps de la recherche d’une solution politique » à la crise nigérienne. Depuis la mise en branle de la machine diplomatique algérienne, l’organisation ouest-africaine, semble s’éloigner, peu à peu, du discours « militaire » menaçant envers le Niger priorisant la voie diplomatique tout en restant ferme sur le retour à l’ordre constitutionnel. En effet, la CEDEAO cherche à présent une solution pacifique au coup d’État au Niger comme l’atteste les déclarations, tenues vendredi, de Omar Touray, président de la commission de ce groupe économique. La CEDEAO avait annoncé, par le passé, que toutes les tentatives pacifiques engagées auprès des nouveaux maîtres de Niamey ont échoué et qu’il est désormais question d’intervenir militairement pour déloger de forces les putschistes.
Une option que l’Algérie n’a jamais partagée, assurant qu’une issue pacifique à la crise nigérienne est toujours possible. Le temps semble lui avoir donné raison ralliant à sa cause les membres de la CEDEAO y compris parmi les pays les plus chaud pour une intervention militaire, comme le Bénin.
Retour à la raison
S’exprimant lors d’une conférence de presse, Omar Touray a déclaré que la CEDEAO n’a pas déclaré la guerre au peuple nigérien et qu’il n’existe aucun plan, comme cela a été prétendu, d’envahir le pays, assurant que cette organisation ne fait qu’appliquer à grande échelle des sanctions contre les dirigeants militaires du Niger, sans toutefois fermer les portes du dialogue .
« La région utilise d’autres éléments de ses instruments et s’engage avec les autorités militaires », a-t-il assuré, tout en espérant que les efforts diplomatiques avec la junte militaire au Niger aboutissent, à un retour à l’ordre constitutionnel, et rendront ainsi inutile le déploiement de la force qui reste une option maintenue en cas d’échec des tractations. Il a souligné qu’à l’heure actuelle, il n’est pas trop tard pour que l’armée nigérienne reconsidère la demande de la CEDEAO, mais que le plan de transition sur trois ans proposé par la junte nigérienne est inacceptable et que le régime civil doit être rétabli le plus rapidement possible.
Les putschistes mobilisent le peuple et réclament le départ des forces étrangères
En interne, notamment du côté des militaires putschistes, l’Organisation de masse pour le patriotisme, l’ancrage de la citoyenneté et pour le travail (COMPACT-NIGER) a organisé samedi un grand meeting sous le thème ‘’Un million de personnes avec le Drapeau du Niger’’, au stade général Seyni Kountché de Niamey dans le cadre de la célébration des 30 jours de l’avènement du conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), a rapporté l’Agence nigérienne de presse (ANP) ou les intervenants parmi le staff de la nouvelle équipe dirigeante ont promis de travailler pour servir le peuple et ses intérêts tout en promettant un châtiment contre les corrompus .
La rencontre d’hier a réuni quelque 20 000 personnes qui se sont rassemblées, à Niamey, pour réaffirmer leur soutien aux militaires putschistes au lendemain de l’ultimatum donné à l’ambassadeur de France pour quitter le Niger.
Le peuple du Niger s’est rangé dès le début du côté des militaires comme l’atteste les récentes manifestations observées dans la capitale nigérienne où des milliers de personnes ont apporté leur soutien aux militaires du Conseil national de sauvegarde de la nation (CNSP) et clamé leur rejet de la présence militaire et autre de l’ancienne puissance coloniale en sont une illustration sans équivoque. Ils se sont même déclarés prêt à porter des armes pour défendre leur pays contre toute agression d’où qu’elle vienne.
Dans une déclaration rendue public le jour même, le comité régional de soutien au Conseil national pour la sauvegarde du pays (CNSP), a dénoncé la présence des bases militaires étrangères au Niger particulièrement celles qui manipulent la CEDEAO, notamment la France et ses alliés pour des sanctions illégitimes et illégales prises par l’organisation ouest africaine contre le Niger.
Le comité régional de soutien au CNSP a également dénoncé la présence de la base militaire américaine d’Agadez. Il a, par ailleurs, et demandé le départ sans délai de toutes les forces d’occupation étrangères basées au Niger.
Le torchon brûle entre Paris et Niamey
Entre temps, le bras de fer continue entre la France qui dispose d’une force militaire de 1 500 éléments stationnés au Niger et la nouvelle équipe dirigeante dans ce pays de la sous-région. En effet, après avoir mis fin aux accords militaires avec la France, réclamant le départ de ses troupes du pays, les militaires nigériens reviennent à la charge et donnent 48heures à l’ambassadeur français à Niamey, Sylvain Itté pour quitter le pays pour avoir refusé de répondre à une invitation pour consultation et « d’autres actions du gouvernement français contraires aux intérêts du pays, selon le communiqué du ministère nigérien des Affaires étrangères.
Paris a réagi en affirmant que la décision du Conseil militaire est illégitime tout comme la suspension des accords militaires avec la France et qu’elle ne reconnait pas la nouvelle équipe à Niamey issue d’un coup d’État.
À noter, par ailleurs, que les dirigeants nigériens ont nié avoir demandé aux ambassadeurs des États-Unis et de l’Allemagne de quitter le pays.
Le 26 juillet, un groupe de militaires a annoncé à la télévision nationale la destitution du président Mohamed Bazoum. En réaction, la CEDEAO a imposé une batterie de sanctions, notamment la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre le Niger et ses États membres. Outre les sanctions, l’organisation a menacé les militaires au pouvoir par une intervention armée et les chefs militaires des membres de la CEDEAO se préparent actuellement en vue d’un éventuel usage de la force en cas d’échec de la voie diplomatique.
Brahim O.