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CONTRIBUTION / L’INDUSTRIE FERROVIAIRE EN ALGÉRIE : Un gage du développement des territoires pour l’optimisation de la logistique 

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Cette publication a fait l’objet d’un thème d’une conférence présentée, par l’auteur, lors du Salon international de l’industrie et des infrastructures ferroviaires  »Salon Algeria Rail Expo 2025 », qui a clôturé ses portes ce samedi, au Centre des conventions  »Mohamed Benahmed » d’Oran.

Par le professeur Arezki Chenane *

Introduction 

L’Algérie, consciente du rôle structurant du transport ferroviaire, a engagé une profonde transformation de ce secteur.  Avec un réseau de 4 200 km dont seulement 20% électrifié, le pays mise sur le rail comme solution durable pour désenclaver ses territoires et optimiser ses chaînes logistiques. Cette analyse démontre comment le ferroviaire devient l’épine dorsale du développement économique national.

Le ferroviaire comme instrument d’aménagement du territoire (le SNANT 2030) ; Le développement du transport ferroviaire en Algérie s’inscrit dans une stratégie visant à optimiser les coûts logistiques ; désengorger les routes et renforcer la compétitivité économique ;

 Une meilleure maîtrise de ces coûts passe par Des infrastructures modernisées ; une gestion optimisée des flux et une intégration multimodale. 

I. Les orientations stratégiques du SNAT : les nécessaires jonctions entre viabilisation des zones d’activités et les réseaux du transport ferroviaire

Le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT) en Algérie vise à structurer le développement territorial de manière équilibrée et durable. Parmi ses orientations, la viabilisation des zones d’activités et leur jonction avec les réseaux de transport ferroviaire occupent une place importante pour renforcer la compétitivité économique, la connectivité interrégionale.  

•Viabilisation des zones d’activités

Les zones d’activités (industrielles, logistiques, commerciales) doivent être aménagées avec des infrastructures de base (électricité, eau, assainissement, routes), une accessibilité optimale pour faciliter les flux de marchandises et de personnes et une intégration environnementale (gestion des déchets, énergies renouvelables).

•Connexion avec le transport ferroviaire 

Le SNAT prévoit de relier les zones d’activités au réseau ferroviaire pour désengorger le transport routier et réduire les coûts logistiques, favoriser le fret ferroviaire, notamment pour les pôles industriels et les ports (comme Alger, Oran, Béjaïa, Annaba) et intégrer les corridors régionaux et transcontinentaux (ex : liaison Maghreb-Europe et Afrique).

•Axes stratégiques du SNAT en matière de transport 

Développement des plateformes multimodales (combinaison rail-route-port), ; Modernisation du réseau ferroviaire (électrification, nouvelles lignes) et renforcement des hubs logistiques près des grandes villes et zones industrielles.

4.Objectifs globaux 

Rééquilibrer le territoire en réduisant les disparités régionales ; Stimuler l’investissement grâce à une meilleure connectivité ; Promouvoir une croissance durable en limitant l’impact environnemental. À titre d’exemple : la zone industrielle de Bellara (Jijel) reliée au port et au futur réseau ferroviaire ; Le projet de ligne ferroviaire Biskra-Touggourt pour désenclaver les zones économiques du Sud ; L’extension du métro d’Alger vers les zones d’activités périphériques.

Le SNAT cherche à optimiser la synergie entre les zones d’activités et le transport ferroviaire, en faisant du rail un levier de développement économique et territorial.  Cependant, la réalisation effective dépend des investissements publics et privés, ainsi que d’une planification intégrée entre les différents acteurs (ministères, collectivités, entreprises). L’Algérie a engagé ces dernières années une politique ambitieuse de développement du transport ferroviaire, visant à moderniser son réseau, renforcer son industrie locale et améliorer la mobilité des personnes et des marchandises. Ce secteur stratégique s’inscrit dans les plans de relance économique et d’aménagement du territoire (SNAT 2030).  

II. L’industrie ferroviaire en Algérie : état des lieux et réalisations

1. État des lieux du secteur ferroviaire algérien 

A. Infrastructure et réseaux existants

• Réseau ferroviaire total : Environ 4.200 km de voies (dont une minorité électrifiée).  – Écartement des voies : Majoritairement 1.435 m (standard international).  – Couverture géographique : Principalement concentré dans le Nord, avec des extensions progressives vers le Sud (ex : Biskra-Touggourt).  

– Problématiques majeures :  Vétusté d’une partie du réseau ; Faible électrification (moins de 20%) ; Absence de connexion entre certaines grandes villes (ex : Constantine-Annaba).  

B. Acteurs clés du secteur 

• SNTF (Société Nationale des Transports Ferroviaires) : Gère l’exploitation des trains voyageurs et fret;

• ANESRIF (Agence Nationale d’Études et de Suivi de la Réalisation des Investissements Ferroviaires) : Pilote les grands projets ;

– Entreprises publiques et partenariats étrangers :  

– Ferrovial (Espagne) et Siemens (Allemagne) pour les locomotives et la signalisation ;  

– CRRC (Chine) pour la fourniture de rames et matériel roulant.  

2. Réalisations et projets majeurs 

• Modernisation et extension du réseau 

• Lignes nouvelles en cours  

– Ligne Biskra-Touggourt (212 km) : Désenclavement du Sud et soutien aux zones économiques.  – Ligne Boughezoul-Laghouat (170 km) : Future connexion vers le Sahara.   – Ligne Sétif-Béjaïa : Renforcement du transport de marchandises vers le port de Béjaïa.  

• Électrification et rénovation :  – Modernisation de la ligne Alger-Oran (électrification partielle).  

– Doublement des voies sur les axes Alger-Constantine et Alger-Annaba.  

B. Développement du transport urbain et périurbain  

– Métro d’Alger (en extension) :  – Ligne 1 (18 km, 14 stations) opérationnelle depuis 2011.  – Ligne 2 en construction (vers Baraki et Ain Naadja).  – Projet de RER d’Alger (trains régionaux express).  

– Tramways :  – Alger, Oran, Constantine, Sétif, Ouargla, Mostaganem (plus de 100 km cumulés).  – Projets supplémentaires à Annaba, Tlemcen, Batna. 

• C. Industrie locale et fabrication de matériel roulant   

• Création d’usines de montage  

– Siemens-Algérie (production de locomotives à Annaba).  

• CRRC-Algérie (fabrication de wagons à Oran). 

-Développement de la maintenance 

– Centres de maintenance à Alger, Oran et Constantine.  

– Formation de techniciens via l’Institut National des Transports Ferroviaires (INTF).  

A. Principaux défis 

-Financement : Coût élevé des projets (dépendance partielle aux partenariats étrangers).  – Retards dans les chantiers : Problèmes de gestion et de coordination.  – Intermodalité insuffisante : Manque de connexions fluides entre rail, ports et routes.  

B. Perspectives d’avenir (Vision 2030-2040)  

– Objectif : 12.000 km de voies (dont 3 000 km électrifiées).  

 • Intégration du fret ferroviaire pour désengorger les routes (notamment pour les hydrocarbures et les mines).  

– Lignes à grande vitesse (LGV) : Études en cours pour Alger-Oran et Alger-Constantine.  

– Développement du transport de marchandises vers les ports et zones industrielles.  

L’Algérie a engagé une modernisation significative de son secteur ferroviaire, avec des réalisations concrètes (métro, tramways, nouvelles lignes) et une stratégie industrielle locale. Cependant, des défis persistent (financement, retard des chantiers, intermodalité).  La réussite dépendra de la continuité des investissements et d’une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés.  

III. L’industrie ferroviaire au service du développement des territoires. Cas du méga projet de Gara Djebilat (minerais de fer) et de Tebessa (phosphate)

L’Algérie dispose d’importantes ressources minières, notamment les gisements de fer de Gara Djebilet (près de Tindouf) et de phosphate à Tébessa. Pour exploiter pleinement ces richesses et impulser le développement économique des régions concernées, le gouvernement algérien a lancé des projets ferroviaires structurants visant à désenclaver ces zones, faciliter l’exportation et stimuler l’industrialisation locale.  

1. Le projet ferroviaire de Gara Djebilet : Relier le Sahara aux ports méditerranéens  

 • Contexte et enjeux 

Gisement :   Réserves estimées à 3,5 Milliards de tonnes de minerai de fer (l’un des plus grands au monde).  Problématique majeure : Enclavement géographique (désert, éloignement des ports). 

 • Objectifs du projet ferroviaire :  Transporter le minerai vers les ports (Béchar-Oran puis extension vers Tindouf) ; Alimenter la sidérurgie nationale (complexe de Bellara à Jijel) ; Dynamiser l’économie saharienne  (emplois, infrastructures)

B. Réalisations et projets en cours  

– Ligne Béchar-Tindouf-Gara Djebilet (environ 1 000 km) :  

– Phase 1 (Béchar-Tindouf) : Déjà opérationnelle (transport de marchandises).  

– Phase 2 (Tindouf-Gara Djebilet) : En cours d’études (défis techniques : sable, climat).  

 • Connexion aux ports méditerranéens  

– Ligne Oran-Béchar : Modernisation en cours pour augmenter la capacité fret.  – Port de Bethioua (Oran) : Aménagements pour l’exportation du minerai.  

C. Impacts économiques et territoriaux 

Création d’emplois (construction, exploitation minière, logistique); Développement industriel (usines de transformation, sidérurgie); Intégration du Sud-Ouest dans l’économie nationale.  Défis : Coût élevé, conditions climatiques extrêmes, nécessité de partenariats étrangers.  

 • 2. Le projet ferroviaire de Tébessa : Exploitation et exportation du phosphate :   

A. Contexte et enjeux :  

– Gisements de phosphate de Tébessa :  

– Potentiel de 2 milliards de tonnes (utilisé pour engrais, industrie chimique).  

– Projet de méga-usine de transformation à Souk Ahras.  

– Objectifs ferroviaires :  

– Relier les mines aux ports (Annaba, Skikda).  

– Optimiser le fret minéral (moins de camions, plus de trains).  

B. Réalisations et projets en cours    – Ligne Tébessa-Annaba (modernisation et électrification partielle);   Nouveaux embranchements miniers vers les sites d’extraction;  Interconnexion avec le port d’Annaba (terminal dédié aux minéraux).  

C. Impacts économiques et territoriaux 

Développement de l’industrie chimique (engrais, produits dérivés); Réduction des coûts logistiques (fret ferroviaire moins cher que la route).

Dynamisation de l’Est algérien (emplois locaux, infrastructures); 

Défis : Coordination entre mines, chemins de fer et ports.  

 • Synergies et vision globale

A. Intégration dans le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT 2030)

– Corridors miniers ferroviaires :

 • Axe Ouest (Gara Djebilet → Oran) pour le fer. 

 • Axe Est (Tébessa → Annaba) pour le phosphate.  

 • – Intermodalité :  

 • Ports + trains + routes pour une logistique optimisée.  

 • Zones industrielles connectées (ex : Bellara, Souk Ahras).  

B. Perspectives futures 

 • Extension du réseau vers d’autres zones minières (Hoggar, Ouenza).  

 • Partenariats public-privé (PPP) pour accélérer les investissements.  

 • Développement de la maintenance locale (formation, centres techniques).  

 • Les mégaprojets ferroviaires de Gara Djebilet et Tébessa illustrent comment l’industrie ferroviaire peut servir de levier pour le développement territorial en Algérie. En désenclavant les régions minières et en les connectant aux ports et zones industrielles, ces projets stimuleront :  

 • L’économie locale et nationale (exportations, industrialisation).  

 • L’intégration des territoires sahariens et de l’Est.  

 • La transition vers une logistique durable (moins de camions, plus de trains).  

 • Cependant, leur succès dépendra de :  

 • La continuité des financements  

 • La maîtrise des défis techniques (sable, distance).  

 • Une coordination efficace entre acteurs (SNTF, mines, ports).

IV. La maitrise des coûts logistiques dans le cadre du développement du transport ferroviaire

Le développement du transport ferroviaire en Algérie s’inscrit dans une stratégie visant à optimiser les coûts logistiques, désengorger les routes et renforcer la compétitivité économique. Une meilleure maîtrise de ces coûts passe par des infrastructures modernisées, une gestion optimisée des flux et une intégration multimodale.  

1. Enjeux des Coûts Logistiques en Algérie  

A. Problématiques actuelles : Dépendance excessive au transport routier (plus de 90% du fret) ; Coûts élevés de maintenance routière et de carburant ; Saturation des axes principaux (Alger-Oran, Alger-Constantine) ; Retards et pertes économiques dus à une logistique peu fluide.  

B. Avantages du ferroviaire pour réduire les coûts 

Moins cher à long terme que le transport routier (économie d’échelle); Plus écologique (réduction des émissions de CO₂) ; Capacité de fret massif (minerais, hydrocarbures, conteneurs).  

2. Stratégies pour Maîtriser les Coûts Logistiques par le Ferroviaire 

A. Modernisation des Infrastructures 

 • Électrification des lignes (réduction des coûts d’exploitation).  

 • Doublement des voies (fluidification du trafic).  

 • Nouveaux corridors fret (ex : Gara Djebilet-Oran, Tébessa-Annaba).  

B. Optimisation de la Gestion des Flux  

 • Systèmes de signalisation modernes (ERTMS, gestion centralisée).  

 • Trains plus longs et plus lourds (meilleur rendement).  

 • Plateformes logistiques multimodales (ports + rail + route).  

C. Développement du Fret Ferroviaire  

 • Tarifs préférentiels pour les industriels (incitation à utiliser le rail).  

 • Contrats longs termes avec les grands exportateurs (minerais, hydrocarbures).  

 • Interconnexion avec les ports (Béjaïa, Oran, Annaba).  

D. Réduction des Coûts d’Exploitation 

 • Maintenance préventive (éviter les pannes coûteuses).  

 • Formation des personnels (efficacité opérationnelle).  

Partenariats public-privé (PPP) pour partager les investissements. 

• Cas des projets structurants  

A. Projet Gara Djebilet (Transport de Minerai de Fer) 

• Ligne dédiée au fret lourd (1 000 km vers les ports).  

• Économies estimées : Réduction de 30% des coûts par rapport au camionnage.  

• B. Axe Tébessa-Annaba (Phosphate)  

• Trains minéraliers optimisés pour le phosphate.  

 • Gains logistiques : Temps de transit divisé par deux.  

 • C. Ports et Intermodalité 

 • Terminaux ferroviaires dans les ports (Béjaïa, Skikda).  

 • Réduction des ruptures de charge (moins de manutention).  

 • Défis et Perspectives 

A. Obstacles à surmonter 

 • Investissements initiaux élevés (nécessité de financements durables).  

 • Coordination entre acteurs (SNTF, ports, mines).  

 • Modernisation du matériel roulant (locomotives, wagons).  

B. Opportunités Futures  

 • Intégration régionale (lignes transsahariennes, connexion Afrique).  

 • Digitalisation (suivi en temps réel des marchandises).  

Énergies renouvelables (trains solaires ou hybrides).  

 • La maîtrise des coûts logistiques par le ferroviaire en Algérie repose sur :  

 • Des infrastructures modernes et dédiées au fret.  

 • Une gestion optimisée des flux et une intermodalité efficace.  

 • Des partenariats stratégiques entre secteurs public et privé.  

 • Avec une planification rigoureuse, le rail peut devenir le moteur d’une logistique compétitive, réduisant les coûts pour les entreprises et boostant l’économie nationale. 

Conclusion et recommandations

L’Algérie construit méthodiquement un système ferroviaire moderne qui : Rééquilibre le développement territorial, divise par deux les coûts logistiques des industries lourdes, positionne le pays comme hub régional de transit. Avec une mise en œuvre rigoureuse du plan SNAT 2030, le rail algérien pourrait générer 2.5% de PIB supplémentaire et créer 150.000 emplois directs d’ici 2035.

Recommandations clés 

Accélérer les PPP dans les infrastructures, créer une agence dédiée au fret ferroviaire et harmoniser les normes avec le réseau maghrébin et africain. 

Par le professeur Arezki Chenane 

Enseignant-chercheur à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou

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