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Bouira : l’addiction, un combat de tous les instants

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DrogueLes fléaux sociaux ont fait, avant- hier, l’objet de deux communications, suivies d’un large débat sur le même sujet, à la maison de la Culture. Intervenaient à cette occasion le président de l’association Wafa, (Fidélité et solidarité) et un inspecteur de l’école primaire. Disons tout de suite que le premier a étonné par son discours teinté d’une forte coloration politique, et le second par une intervention, où n’apparaissaient pas de chiffres et n’embrassait pas tout le sujet. Cependant, ayant fait acte de présence à cette journée d’étude et à rendre compte de l’essentiel qui s’y est dit ou fait, nous nous astreignons à la nécessité d’en résumer l’esprit, à défaut de la lettre.Au moment où nous pénétrons dans la salle remplie aux trois quarts d’étudiants, l’orateur était lancé dans une violente diatribe contre un régime responsable non seulement de l’appauvrissement d’une grande partie du pays, mais du dysfonctionnement dans la gestion des secteurs clefs, dont celui de la santé. A propos de la paupérisation qui gagne l’ensemble de la population, à l’exception de la classe bourgeoise, il s’est appuyé sur la pauvreté grandissante en milieu rural et dans les périphéries des villes et des villages.
Selon lui, la situation prévalant à Boumerdès, laisse terriblement à désirer en matière de prise en charge, alors qu’elle est présentée par les autorités comme largement satisfaisante. Incriminant les médias lourds de se focaliser essentiellement sur les faits divers, il regrettait qu’il ne fasse pas un large focus sur la réalité telle qu’elle est vécue réellement dans les villes, les villages et les campagnes. Et de s’interroger sur les milliards et les milliards octroyés au ministère de la Solidarité à titre de budget sans qu’on voie leur traduction sociale et concrète sur le terrain. à titre d’exemple, s’adressant à l’assistance qui suivait attentivement cette sortie inattendue de la part d’une association en quête de structuration, si on savait que la femme au foyer bénéficiait d’un don de trente millions ? Et comme la salle, dans une rumeur confuse, faisait savoir que non, l’orateur confirmait que ce don existait, mais seulement de façon tacite.
Enfin, dernière pique lancée contre les ministres du Travail et de la Solidarité qui refusent d’écouter et de prêter main forte à l’association Wafa qui les informait de la situation d’extrême paupérisation vécue du pays par les canaux algériens, et son responsable aborde le secteur le plus sensible de tous, celui de la Santé. à l’entendre, rien ne va plus. La vie du citoyen est en danger. La prise en charge au niveau des hôpitaux est alarmante, selon lui. Les opérations chirurgicales les plus délicates, celles qui nécessitent des mains et un savoir spécialisés seraient confiés à de jeunes médecins sortis frais émoulus des universités, sans réelles expériences. D’où, à ses dires, «les boucheries collectives» auxquelles on assiste au niveau de certains établissements hospitaliers. Un exemple : le responsable de Wafa se rendait, un jour, dans l’un d’eux, à Constantine. Constat : il y avait 30 opérés «dans la salle n°1, au premier étage». Une semaine après, il n’y en avait que 14 ! Déduction : les autres étaient
passés ! Dans une explosion de colère, notre conférencier invitait poliment les jeunes chirurgiens en formation à pratiquer la vivisection avant de passer à la chirurgie. Et devenu accusateur, il faisait observer que les hauts responsables envoient leurs familles se soigner à l’étranger, montrant par là, le peu de confiance qu’ils gardent pour les structures de santé du pays.
Appelant dans une courte péroraison à venir renforcer les rangs de cette association qui ambitionne de se planter dans les quatre coins du pays, l’orateur a fait savoir que celle-ci va se doter bientôt de moyens audiovisuels propres pour mener son combat contre la misère et les maladies, rappelant les services qu’elle a rendus partout où elle a été sollicitée.

Violence en milieu scolaire
La communication commence, tambour battant sur le tabagisme. On apprend à fumer au contact des grands, par snobisme et désir de s’affirmer à son tour en tant que grand. Pas un mot de l’addiction que l’on contracte vis-à-vis de ce fléau, jugé comme mineur. Il est vite écarté, car, il n’est pas considéré non plus comme un facteur pouvant induire en violence. Les ennemis, c’est le vin est la drogue. Mais les boissons alcoolisées eux sont évoquées par l’intervenant sans trop s’y attarder. Son attention se concentre sur la drogue, responsable à ses yeux de tous les maux en milieu se colère. Se référant à des psychologues et des spécialistes des chiffres dont il ne citait ni les noms ni les travaux, dénonçait les drames sévissant en famille et l’absence de dialogue qui font rejeter très tôt les ados dans les rues où ils découvrent un dérivatif à leur incompréhension et à leur isolement. La fugue est soulignée comme la seule issue pour une jeune qui ne peut plus respirer dans une atmosphère familiale devenue oppressante pour lui. Mais si la rue le renvoie à l’école, l’école le renvoie à la rue, car, les établissements sont atteints du même mal : la drogue s’y vend et s’y achète comme ailleurs. Et notre conférencier par de cadeau empoisonné sans qu’on sache qui le fait. Et quand il parle de victime, on ne connait pas vraiment les coupables. à moins d’incriminer la société et la famille ? Nous ne connaitrons pas davantage les types de drogues auxquels il faisait allusion. Mais il est aisé de s’en faire une idée en se fiant au rapport de la police sur ce sujet. La drogue qui circule le plus, c’est le cannabis, la moins destructrice. Fumer un joint pour un enfant, c’est s’affranchir de la peur et des soucis lancinants qui le hantent partout.
Cependant, si la drogue explique l’échec scolaire par la fatigue du corps, la baisse de l’attention, une sorte d’abêtissement, il reste que les choses n’en restent, malheureusement pas là. En effet, les affaires liées à la délinquance juvénile et qui sont traitées en justice proviennent essentiellement de l’usage du kif. La violence, le vol ont leur origine dans la drogue.
Autre souci : la misère, les conflits conjugaux, le besoin d’étendre le «marché» de la drogue, font que tous ces facteurs se combinent pour permettre à la drogue de passer du CEM et du lycée, où elle était confinée, à l’école primaire. L’enfant découvre ainsi très tôt l’usage des stupéfiants et sy adonnent à un âge de plus en plus jeune. Mais il serait naïf de croire, selon notre inspecteur, que les filles soient épargnées par se fléau. Elles aussi sont ciblées, autant que les garçons. Si l’on répertorie moins de cas de violence chez elles, il n’en demeure pas moins qu’elles soient confrontées au même échec scolaire. En clair, les filles qui étaient autrefois un modèle de sagesse, de sérieux, d’application dans leurs études, elles sont entrain d’égaler les garçons par le nombre d’échecs qu’elles essuient dans leur scolarité. Quelques propositions sont faites par le conférencier pour amener les enfants et les adolescents à sortir de cette ornière et à renouer avec l’effort et le succès en milieu scolaire. C’est la tâche et la mission du psychologue de réparer les accrocs faits dans les relations entre l’enfant et sa famille, l’enfant et l’enseignant. Cela ne peut se faire qu’à travers un dialogue franc et direct entre les différents acteurs engagés dans la formation et le développement de l’enfant.
Avant l’entame des débats, la journée d’étude a vu la distribution de quelques cadeaux, notamment à une responsable de la DJS, secteur qui a été encensé pour ses efforts en faveur de l’association et les activités de jeunesse. Cette distribution a été elle-même suivie par une compétition entre le lycée Krim BelKacem et le lycée Ouamrane, sélectionnés pour les résultats au bac jugés les meilleurs à travers la wilaya. Il faut signaler que les deux établissements se situent à Bouira et non loin l’un de l’autre. Une dizaine d’élèves de chaque lycée étaient présents ce jeudi.

Ce qui a été omis d’être dit
Une journée d’étude est un travail sérieux. Ce n’est pas une tribune politique au service d’un parti qui vise à se propulser au devant de la scène nationale. Elle exige un travail sérieux et les communicants doivent être des experts. Aborder une thématique comme celles des fléaux sociaux et ne pas cerner dans sa globalité et sa complexité la problématique qu’elle pose, est-ce réaliste et surtout est-ce crédible ? L’absence, d’autre part, de statistiques qui appuient le discours et le rendent plus éloquent et plus convaincant est donc, un autre des points faibles constatés lors de cette rencontre.

Au plan parental
La dégradation du climat familial est le premier facteur qui perturbe l’enfant dans son développement et dans sa scolarité. Les disputes fréquentes entre les parents, le divorce ou la séparation conduisent l’enfant à chercher la paix qu’il ne trouve pas à la maison. C’est ainsi que commencent les fugues, puis l’absentéisme à l’école. Une manière de dire aux parents assez, je n’en peux plus de vos problèmes d’adultes.
Chez l’adolescent, avec la prise de conscience des nouvelles forces qu’il sent naître en lui, la première chose est de s’affirmer autant à l’extérieur qu’à la maison. Et alors que dehors, l’affirmation en tant que jeune homme se fait par rapport aux camarades, à la maison, elle se fait par rapport aux parents, dont on remet en cause l’autorité. L’adolescent conteste les droits qu’ils détiennent sur lui. Il saisit toutes les occasions pour refuser d’obéir aux ordres et pour contester toutes les décisions qui le concernent, sans en avoir pris part. La tension devient vite palpable et l’atmosphère devient insupportable. L’adolescent se sent mieux écouté et compris dehors avec des potes avec lesquels on partage un joint ou une canette de bière qu’avec ses géniteurs. Et le fossé ne cesse de grandir jusqu’à devenir infranchissable.

Au plan héréditaire
Un enfant dont le père est alcoolique a une très forte chance de le devenir lui-même, une fois grand. L’alcoolisme est héréditaire, comme le diabète et ne pas tenir compte de cette donnée, c’est ignorer une partie de la problématique liée aux maux sociaux. L’alcool détruit notre santé autant qu’il détruit les relations familiales. Il est la première cause des divorces et la première certainement des violences conjugales. Il est prouvé que les bagarres, les voies de faits qui sont enregistrés par la police, après plainte, ont leur origine dans les états d’ébriété. D’autre part, l’alcool pris sans modération, exerce autant de ravages sur le cerveau que les drogues elles-mêmes.
Avant d’apprendre donc à fumer et à boire dans la rue, l’enfant, mais surtout, l’adolescent, tient ces deux vices de son père, ou, -cas vraiment très rare chez nous, de la mère lorsqu’elle est portée sur la bouteille.

Au plan addictif
Croire qu’il suffisait qu’un adulte ordonne à un adolescent devenu fumeur, buveur ou sniffeur de cesser de s’adonner au tabac, à l’alcool ou à une drogue pour que sur le champ celui-ci se libère de leur emprise, c’est ignorer les effets néfastes qu’ils ont eus sur lui. C’est ignorer les habitudes qui se sont installées chez lui, les nouveaux comportements qui sont apparus et modifiés une partie de sa personnalité. Devenu dépendant à ces drogues, il ne peut lutter seul pour échapper à leur influence. Une cure de désintoxication est nécessaire. Et elle ne peut être menée avec quelque chance de succès que si le médecin et le psychologue associent leurs efforts pour un long combat.
Ce sont les missions que s’assignent les cellules de prise en charge psychologique que l’on voit au niveau des polycliniques et des hôpitaux et qui travaillent en étroite collaboration avec un psychiatre. La thérapie est longue et la guérison lente parfois incertaine. C’est une affaire de volonté et de coopération de la part du sujet atteint. Mais une affaire de milieu. La cure n’a de chance de porter ses fruits que si le milieu où il vit est sain.
Dans une famille où le père fume ou boit, dans un collège ou un lycée où la drogue circule librement, les chances de s’en sortir pour un adolescent présentant des signes d’addiction sont quasi nulles. Le combat contre l’addiction doit être, comme on le voit, multidirectionnel : il doit ciblée les parents s’ils sont fumeurs et buveurs qui doivent eux-mêmes subir une désintoxication ; il doit viser les établissements scolaires pour démanteler les réseaux de dealers et étendre mener de front une action thérapeutique et pédagogique de longue haleine.
Du succès de ces missions dépend de la coordination de tous les efforts des acteurs engagés dans cette lutte multiforme : anti tabac, anti alcool et anti drogue. L’organisation d’une journée comme celle-là sur les fléaux sociaux est, certes, une bonne initiative, mais encore fallait-il en maitriser totalement le sujet, c’est-à-dire faire appel d’un côté à de vrais spécialistes, et présenter, de l’autre, des statistiques qui montrent que ces phénomènes sont, soit en régression suite à la lutte qui est menée dans ce domaines, soit en pleine croissance, suite à l’échec des combats engagés en l’occurrence.
Ali D.

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