Derrière une grande banderole «Bienvenue aux réfugiés», plusieurs milliers de personnes ont manifesté, lundi 5 janvier en début de soirée, dans les rues de Berlin. Parmi elles, Heiko Maas, le ministre (SPD) de la Justice. Pas question pour la gauche ni pour la majorité des partis politiques allemands de laisser la rue aux «pegidistes», ces «patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident» qui, chaque lundi, manifestent dans plusieurs villes à l’appel du mouvement Pegida, parti de Dresde (Saxe). Comme c’est souvent le cas, les contre-manifestants étaient nettement plus nombreux à Berlin que les quelques centaines de pegidistes, même si les associations turques, qui avaient annoncé vouloir réunir 10 000 manifestants devant la porte de Brandebourg, n’en ont rassemblé que quelques dizaines. Déjà, fin décembre, 12 000 personnes avaient manifesté dans les rues de Munich contre Pegida, un mouvement pourtant quasi inexistant dans la capitale bavaroise. Ils étaient 10 000 à Munster lundi, 8 000 à Stuttgart et 4 000 à Hambourg.
Critique de la chancelière
Ce lundi 5 janvier, le principal opposant à Pegida n’a même pas eu besoin de descendre dans la rue. Pour montrer son désaccord avec les thèses extrémistes de ce mouvement, le cardinal Woelki, responsable de la cathédrale de Cologne, a décidé d’éteindre l’éclairage de cet édifice devant lequel les pegidistes avaient prévu de défiler. Il ne pouvait faire davantage contre les manifestants qui, souvent, brandissent une grande croix aux couleurs de l’Allemagne : le parvis relève des seules autorités municipales. Cette initiative a inspiré un mouvement intitulé «Pas de lumière pour les racistes». A Cologne, outre la cathédrale, c’est toute la vieille ville qui a été plongée dans le noir par la mairie, ainsi que les ponts que devaient emprunter les manifestants. À Dresde, où Pegida a rassemblé 18 000 manifestants – un record à ce jour –, l’opéra de la ville, le célèbre Semperoper, est resté dans l’obscurité, tout comme les bâtiments de Volkswagen. «Nous sommes en faveur d’une société ouverte, libre et démocratique» a expliqué le groupe automobile pour justifier son engagement. Même la porte de Brandebourg à Berlin a été éteinte lundi soir.
Lors de ses vœux, le 31 décembre, Angela Merkel avait surpris en critiquant, sans le nommer, ce mouvement qui prétend «défendre l’Occident» et manifeste aux cris de : «Nous sommes le peuple», le slogan des opposants à la RDA en 1989. «Ils disent : nous sommes le peuple. Mais en fait, ils veulent dire : vous n’en faites pas partie, à cause de la couleur de votre peau ou de votre religion», a déclaré la chancelière. Quelques jours plus tôt, dans le Spiegel, l’ancien ministre de l’intérieur Hans-Peter Friedrich, membre de l’Union sociale-démocrate (CSU) qui siège au gouvernement, avait rendu la politique trop centriste d’Angela Merkel directement responsable de la montée de Pegida. «Je crois que dans le passé, nous nous sommes trop peu préoccupés de la question de l’identité de notre peuple et de notre nation», avait-il déclaré. Manifestement, la chancelière n’en a tenu aucun compte. Mardi 6 janvier, le quotidien populaire Bild s’est à son tour clairement engagé contre Pegida, publiant un appel de 50 personnalités, la plupart issues de la politique, des affaires, du sport et du spectacle contre ce mouvement.