Les signataires des Accords d’Abraham présentaient cette soumission à l’ordre américano-israélien comme un signe de bonne volonté des Arabes pour faire avancer la solution des deux États.
Mais la grande arnaque est que l’entité sioniste ne se sentait pas liée par les conditions fixées dans le préambule de ces accords, entre autres celle de garantir la droit du peuple palestinien à un État aux frontières reconnues conformément aux résolutions de la communauté internationale. Israël présentait ces accords qui lui profitaient comme un arrangement entre les Américains et certains pays arabes. Le chargé du bureau de liaison Israélien au Maroc David Govrin, l’a d’ailleurs rappelé dans un de ses échanges avec une de ses conseillères en communication interrogée par le site d’un opposant marocain. « Nous ne nous sentons pas liés par ces accords qui ont été conclus entre certains pays arabes et les USA », avait-il soutenu. Un aveu que ne semble pas avoir saisi ceux qui avaient accouru pour se vendre au diable car ce qui n’apparaît pas dans ces accords est qu’ils sont le plan directeur de la nouvelle configuration du Moyen-Orient dont les USA avaient défini des priorités. Morceler les pays comme la Syrie et l’Irak, maintenir le statu quo au Liban, encourager les groupes armés qui infestent le Sinaï quitte à leur permettre de parvenir à une sécession avec l’Égypte, déstabiliser les monarchies basées sur des fondements religieux à l’instar de l’Arabie saoudite, la Jordanie et curieusement le Maroc dont le roi s’attribue une descendance du prophète. Cette étape serait suivie par une seconde qui viserait l’Algérie par une exacerbation des tensions dans la région du Sahel, le maintien de l’instabilité en Libye. Toute cette recomposition permettrait à Israël d’annexer les territoires occupés en 1967, une partie du Golan, une partie de la Jordanie et également Ghaza. Cela ferait d’elle le partenaire en puissance des USA dans sa tentative de soumettre l’Iran qui dispose d’un potentiel pour se doter de l’arme nucléaire.
La résistance palestinienne déjoue le complot
Le mérite du coup de force de la résistance palestinienne est d’avoir ébranlé les fondements de ce plan, remis sur le tapis la question palestinienne et mis les normalisateurs face à leurs opinions publiques et leurs peuples. Ils sont aujourd’hui sommés de dénoncer ces accords car il y va non seulement de leur crédibilité mais aussi du devenir de leur souveraineté plus que menacée par leur acharnement à rester dans la neutralité complice dans laquelle ils se sont fourvoyés en signant ces accords. Israël ne se sent pas liée par les engagements supposés des accords Abraham, et aujourd’hui la solution à deux États pour une solution juste et équitable du conflit au moyen Orient s’éloigne car, forte du soutien des USA et des occidentaux, elle estime qu’elle a les mains libres pour dessiner une nouvelle géographie de la région conforme à ses velléités expansionnistes.
La Jordanie et l’Égypte signataires des accords de Camp David et de Wadi araba, se retrouvent aujourd’hui otages d’une part de la volonté de l’entité sioniste de contraindre à l’exil, aujourd’hui, de milliers de Palestiniens de la bande de Ghaza et demain de milliers d’autres de la Cisjordanie. Ces deux pays ont négocié une paix qui ne leur accorde qu’une souveraine tronquée sur les territoires récupérés à la faveur de ces accords. Pour comprendre la situation, il faut savoir que l’armée égyptienne doit négocier avec Israël l’armement de ses éléments stationnés au Sinaï. Lors de la flambée de violence terroriste qu’avait connue le Sinaï, il y a quelques années, les Égyptiens pour y déployer quelques véhicules blindés ont négocié fort avec Tel-Aviv et ont pu faire des concessions pour avoir la permission. La monnaie d’échange était plus de restrictions sur les passages de Palestiniens depuis le poste de Rafah. Les Jordaniens pour leur part se voient contraints de délimiter une zone délimitée de plusieurs kilomètres sur la rive Orientalle du fleuve Jourdain qui constitue sa frontière avec l’entité sioniste.
L’échec de la conférence du Caire
Aujourd’hui les normalisateurs ont découvert qu’ils sont les dindons d’une farce de mauvais goût. Le réveil est dur aujourd’hui aussi bien pour ceux qui ont négocié des accords séparés avec Israël que ceux qui ont paraphé les accords Abraham conçus et rédigés par les USA. Tous ont su qu’ils ont trahi par leur couardise et leur « ignorance politique », la cause palestinienne mais aussi compromis leur souveraineté. La preuve du désarroi des grosses cylindrées de ce camp est l’échec de la conférence du Caire sur la Palestine –dont le président Abdelmadjid Tebboune a décliné l’invitation – quinze jours après le début de l’agression de Ghaza par l’armée israélienne. Le président égyptien n’est pas parvenu à convaincre les acteurs clé que sont Israël, les USA et l’Iran de participer aux travaux tout comme il n’est pas parvenu à s’assurer la présence des ténors du front du refus à l’instar de l’Algérie qui a deviné le piège et du comment l’éviter.
Le président Al Sissi n’a pas su interpréter le ballet des dirigeants occidentaux qui ont accouru pour soutenir Israël ce qui laisse apparaître un grand fossé entre les dirigeants arabes et leurs homologues américains et européens sur la façon dont ils voient le conflit de Ghaza. Alors que les dirigeants occidentaux ont fait pression sur les dirigeants arabes pour qu’ils soutiennent Israël et soutiennent ses efforts visant à éradiquer le Hamas, ces derniers estiment que la seule véritable solution est que l’Occident tienne ses promesses d’établir un État palestinien indépendant aux côtés d’Israël. Mais ligoté par les accords de normalisation avec Israël, Al Sissi n’a fait que constater que l’échec de son initiative.
Slimane B.