à une semaine des Oscars américains, le film d’action historique « 1917 » de Sam Mendes a triomphé, dimanche soir à Londres, au cours de la cérémonie des Bafta, les récompenses britanniques du cinéma, battant à plate couture « Joker », un énorme succès au box office qui partait favori.
Déjà récompensé aux Golden Globes, nommé dix fois pour les Oscars du 9 février, le film de guerre a remporté sept Bafta, notamment ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Dans ces deux catégories reines, il s’est imposé face à « The Irishman » de Martin Scorsese, « Joker » de Todd Phillips, « Once Upon a Time… in Hollywood » de Quentin Tarantino et « Parasite » de Bong Joon-Ho. « Enthousiaste » devant le succès de son film très personnel inspiré des histoires de son grand-père, Sam Mendes a déclaré ressentir « évidemment un plaisir personnel » à ce qu’une « histoire proche de (sa) famille se soit développée et amplifiée » à ce point.
à contrario, c’est la déception pour le « Joker », donné grand favori avec 11 nominations mais qui se contente de trois prix, un mauvais présage pour les récompenses d’Hollywood (11 nominations également). Pareil pour « The Irishman »: le thriller de Martin Scorcese repart bredouille avec ce film produit par Netflix, alors que la plateforme avait démontré sa place incontournable l’an dernier en raflant les principaux prix pour « Roma » d’Alfonso Cuaron. Joaquin Phoenix, impressionnant dans son inquiétante incarnation du futur ennemi de Batman, a tout de même été couronné du titre du meilleur acteur par la British Academy of Film and Television Arts (Bafta), face à Leonardo DiCaprio, Adam Driver, Taron Egerton et Jonathan Pryce. Du côté des femmes, Renée Zellweger a remporté le Bafta de la meilleure actrice pour son interprétation de la légendaire comédienne Judy Garland dans le biopic « Judy ». Elle s’est imposée face à Jessie Buckley, Scarlett Johansson, Saoirse Ronan et Charlize Theron.
Partie avec dix nominations, l’ode à l’Hollywood des années 1960 « Once Upon a Time… in Hollywood », de Quentin Tarantino, ne remporte finalement qu’un seul prix, celui du meilleur second rôle masculin pour Brad Pitt.
Le Sud-Coréen Bong Joon-Ho tire quant à lui son épingle du jeu, remportant le Bafta du meilleur film en langue étrangère et du meilleur scénario pour « Parasite », drame familial et social mâtiné de thriller racontant l’engrenage tragique d’une famille pauvre s’invitant dans une famille riche.
Absence « exaspérante » d’acteurs noirs
Les Bafta ont montré leur souci de la crise climatique en renonçant aux sacs de cadeaux peu respectueux de l’environnement et en dépliant un tapis rouge en matériaux recyclés. Les invités avaient été priés de mettre des tenues déjà portées. Mais la sélection, réalisée pour la plupart des catégories par les quelque 6.500 membres des Bafta, notamment des professionnels de l’industrie cinématographique, a été vivement critiquée pour son manque de diversité.
Avant la cérémonie, la présidente des Bafta, Pippa Harris, a elle-même déploré l’absence de nominations de femmes dans la catégorie meilleur réalisateur, alors qu’elles « représentent l’avenir de l’industrie », jugeant par ailleurs « exaspérant » et « décevant » qu’aucun acteur noir n’ait été nommé au sein des principales catégories.
Elle a promis un « examen de grande envergure », qui se « penchera sur tout ce qui concerne le processus d’attribution des prix », jugeant toutefois qu’il s’agissait d’un « problème à l’échelle de toute l’industrie » du cinéma, dont les récompenses ne sont que le dernier échelon. Le lauréat Joaquin Phoenix a aussi profité de son discours pour rappeler son statut de « privilégié » par rapport à ses collègues noirs: « Nous envoyons un message très clair aux personnes de couleur, à savoir que vous n’êtes pas les bienvenus ici », a-t-il dénoncé, appelant à « faire le travail difficile pour vraiment comprendre le racisme systémique ».
Les critiques avaient commencé à fleurir début janvier sur les réseaux sociaux, en partie sous le hashtag #BaftaSoWhite (« Bafta tellement blancs »). Elles ont ensuite trouvé un porte-parole d’importance en la personne du réalisateur oscarisé Steve McQueen, dénonçant des « talents noirs beaucoup trop négligés » dans le journal The Guardian.