Comme chaque année pendant le mois sacré de Ramadhan les programmes des différentes chaînes de télévision alimentent les débats sur les réseaux sociaux et entre professionnels de l’audiovisuel, une production marquée par des divertissements critiqués et des séries et feuilletons différemment appréciés.
La majorité des chaînes proposent des programmes de caméra cachée pendant ce mois, des émissions qui se sont éloignées des mises en scènes fantasques dont les spectateurs se sont plaint les années précédentes, mais gardent cependant une dose de violence qui reste «inquiétante», affirment de nombreux téléspectateurs qui y voient un danger pour les plus jeunes. En plus de leur contenu souvent violent, plusieurs programmes ont été accusés de triche avec la complicité des pièges et leurs invités, en plus de susciter des situation humiliantes.
Ce créneau très attendu a également «perdu en professionnalisme», vu le nombre de programmes proposés, selon la journaliste spécialisée dans le domaine, Daouia Khelifa qui estime que «la caméra cachée conventionnelle a besoin de se renouveler et de s’éloigner de la +terreur+». Sur les réseaux sociaux, comme sur les plateaux télé, l’absence de figures de la caméra cachée, tel que Mourad Khan, Ahmed Hamdane, Belkacem Hadjadj ou encore le regretté Hadj Rahim, dans paysage se fait lourdement ressentir.
Le cinéaste et critique cinématographique Hamid Benamra estime, pour sa part, que la caméra cachée algérienne est devenue «un saccage du paysage audiovisuel», appelant à «mettre des règles à ne pas transgresser». Le traditionnel «sketch chorba» a laissé progressivement la place à des sitcom et petites séries humoristiques au contenu léger, diffusées en prime time, et dont certains ont reçu un succès notable auprès du public. Il s’agit entre autres de «Bab El Dechra» réalisé par Walid Bouchebah, qui a réuni Beyouna, Mohamed Bouchaïeb et Benabdallah Djellab, «Bougroune» une série, réalisée par Rym Ghazali, dont les inspirations oscillent entre «Achour el Acher» et la saga «Game Of Thrones», ou encore d’autres séries comme «Antar Ould Cheddad», «Dar Djeddi», «Bnat Essi» et «Dar Lâadjeb». Des productions qui doivent leurs succès, selon Daouia Khelifa, à la «réhabilitation des stars de télévision» comme Beyouna et à l’apparition de nouvelles têtes qui ont convaincu dès la première apparition. Cependant, plusieurs de ces productions, qui s’entrecroisent dans les castings ou dans les concepts, révèlent des faiblesses dans les dialogues et les scénarios, un manquement que des scénaristes justifient par les faibles moyens financiers alloués à la production. En seconde partie de soirée, téléspectateurs et observateurs plébiscitent la deuxième saison de «El Khawa» réalisé par le Tunisien Madih Bélaïd qui continuent à «révolutionner» la conception du feuilleton algérien. Autre évolution notable, Les lieux choisis pour le tournage de certaines productions, commencent à mettre en avant le potentiel touristique et patrimonial de l’Algérie à l’image de «Antar Ould Cheddad», tourné en partie dans le palais du Bey de Constantine, de «Bab El Dechra» mettant en avant les villages et l’habitat traditionnel.
Le dictat des annonceurs
Professionnels et téléspectateurs évoquent sur toutes les tribunes l’omniprésence de la publicité, avant, pendant et après chaque programme. Ce phénomène a prit de l’ampleur cette année et a été fortement dénoncé par le réalisateur star du Ramadhan Djaâfar Kacem qui parle également d’intrusion des annonceurs dans le travail des réalisateurs. Ce constat a été également établi par Hamid Benamra qui estime que les sponsors sont devenus «quasiment producteurs en interférant dans le contenu et la forme». Le critique dénonce également cet «engouement» collectif et «frénétique» de toutes les chaînes de télévision à produire autant d’images en si peu de temps, tout en laissant un vide béant le reste de l’année, cédant ainsi le terrain aux amateurs et produisant une course à la pub.
Le cinéma et le théâtre s’invitent au petit écran
La production télévisuelle de ce Ramadhan 2018 aura vu plusieurs acteurs connus dans le septième art algérien prendre part à des feuilletons et sitcom à l’image d’une partie du casting du film, «L’Oranais» (2013), Lyes Salem, Idir Benaibouche, ou encore Djamel Barek, qui ont intégré la deuxième saison de la série à succès «El Khawa». C’est le cas aussi de Khaled Benaïssa qui campe des rôles dans plusieurs productions ou encore Meriem Medjkane, Amira Hilda et Nabil Asli.
Du côté des cinéastes, le réalisateur et documentariste franco-algérien, plusieurs fois primé pour ses films «Fidaï» et «Kindil El Bahr», Damien Ounouri, a collaboré avec la cinéaste et actrice Adila Bendimerad pour s’essayer cette année à la réalisation du sitcom «Dar Droudj» rassemblant, entre autres, Anya Louanchi, Shaherazed Kracheni, Amine Mountser. Quelques figures du quatrième art ont également marqué leurs passages à la télé en ce mois, à l’image du dramaturge et metteur en scène Mohamed Charchal qui a signé le scénario d’une série télé ou des comédiens Sabrina Korichi, Houria Bahloul, Benabdallah Djellab en plus de l’homme de théâtre et cinéaste Abdelkader Djeriou qui a multiplié les expériences en ce mois dans plusieurs productions. Pour Daouia Khelifa plusieurs programmes ont eu du succès en «exploitant les énergies créatives du théâtre et en accordant plus de crédit à de jeunes réalisateurs et scénaristes».