Les projections de la télévision publique autrichienne placent Alexander Van der Bellen devant Norbert Hofer, le candidat du parti d’extrême droite (FPÖ).
L’issue du scrutin semble se dessiner. Le candidat du parti d’extrême droite (FPÖ), Norbert Hofer, est nettement devancé par son adversaire écologiste libéral Alexander Van der Bellen, au second tour de la présidentielle autrichienne, dimanche, selon les projections de la télévision publique autrichienne. De son côté, le FPÖ a reconnu sa défaite face à Van der Bellen. « Je suis infiniment triste que cela n’ait pas marché », s’est incliné Norbert Hofer. « Je félicite Alexander Van der Bellen pour son succès et appelle tous les Autrichiens à rester solidaires et à travailler ensemble. » Le président de la République, François Hollande, a salué ce résultat : « Le peuple autrichien a fait le choix de l’Europe et de l’ouverture.»
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est félicité dimanche de la victoire de l’écologiste Alexander Van der Bellen face à un candidat d’extrême droite à la présidentielle en Autriche, estimant qu’elle allait contribuer à conserver l’unité de l’Europe. « C’est un plaisir de vous féliciter de tout cœur pour votre élection […]. Au nom de l’Union européenne, et personnellement, je vous fais tous mes vœux de réussite », a déclaré Donald Tusk dans un communiqué. Et d’ajouter : « Alors que nous faisons face à de nombreux et difficiles défis, la poursuite de la contribution constructive de l’Autriche à la recherche de solutions partagées en Europe et au maintien de l’unité européenne va rester primordiale », a-t-il ajouté. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a de son côté salué le résultat de la présidentielle autrichienne comme la «lourde défaite du nationalisme et du populisme anti-européen ».
Un revers pour les populistes
Alexander Van der Bellen, 72 ans, est crédité de 53,6 % des voix, contre 46,4 % à son adversaire de 45 ans, selon ces projections intégrant les votes par correspondance qui ne seront décomptés que lundi 5 décembre. Ce score marque une nette progression du candidat écologiste, qui n’avait obtenu que 50,3 % des voix lors du scrutin initial le 22 mai. Ce résultat avait été annulé en raison d’irrégularités procédurales, à la suite d’un recours du FPÖ. Cette fois-ci, le parti d’extrême droite a fait savoir qu’il ne contesterait pas les résultats. Ce scrutin marque un revers pour un camp populiste galvanisé par le Brexit en juin et la victoire de Donald Trump à la présidence américaine il y a un mois. « Nous sommes tous très soulagés et très reconnaissants », a déclaré le directeur de campagne d’Alexander Van der Bellen, Lothar Lockl. L’annonce de cette victoire a provoqué une explosion de joie des partisans du candidat, rassemblés au palais de la Hofburg à Vienne. Le secrétaire général du FPÖ, Herbert Kickl, a reconnu la défaite de son parti dès les premières estimations connues. En mai, les projections à l’issue du scrutin avaient donné les deux candidats au coude-à-coude. Il avait fallu attendre le décompte du vote par correspondance, le lundi, pour consacrer la victoire du candidat écologiste. Ce vote à distance est traditionnellement défavorable à l’extrême droite. Le résultat officiel ne sera proclamé que lundi. Une élection de Norbert Hofer était attendue avec intérêt par les partis alliés du FPÖ au niveau européen, le Front national (FN) en France et le Parti pour la liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas, deux pays où se tiendront des élections nationales en 2017. Dans un tweet en allemand, la députée FN Marion Maréchal-Le Pen avait adressé dimanche ses encouragements à Norbert Hofer, l’assurant du «soutien des patriotes du monde entier». «Beaucoup de succès, Norbert», avait de son côté tweeté Geert Wilders.
La gauche se réjouit
Le Premier ministre Manuel Valls a salué la victoire de l’écologiste, y voyant une preuve que « le populisme n’est pas une fatalité pour l’Europe ». « Belle victoire d’Alexander @vanderbellen en Autriche. Le populisme n’est pas une fatalité pour l’Europe », a tweeté le locataire de Matignon, qui devrait se déclarer dans les prochains jours candidat à la primaire organisée par le Parti socialiste en vue de la présidentielle française de 2017. De son côté, le numéro un du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a réagi dans un sens similaire sur le réseau social : «L’extrême droite battue en Autriche. La vague nationale-populiste peut être contenue.» «Tous à la primaire de gauche !» a-t-il enchaîné.
« Öxit »
Alexander Van der Bellen, un Européen convaincu, avait souligné que le scrutin présidentiel allait montrer « la direction que veut prendre l’Autriche », si le pays souhaite continuer à être « un membre fidèle de l’Union européenne ou non ». Norbert Hofer n’avait pas plaidé ouvertement, au cours de la campagne, pour un « Öxit » – une sortie de l’Autriche de l’UE –, mais il a de nouveau souligné dimanche qu’il voulait faciliter un rapprochement entre les États-Unis de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine.
Évitant les dérapages ouvertement xénophobes qui ont longtemps été la marque de fabrique de son parti, fondé par d’ex-nazis en 1956, Norbert Hofer avait axé son discours sur la protection sociale, le pouvoir d’achat et la défense de l’emploi. Alexander Van der Bellen avait de son côté insisté sur les valeurs humanistes de la République autrichienne et insisté sur l’importance des liens avec ses partenaires de l’UE, dont plus de 40 % du PIB dépend des exportations.
La population inquiète
La grande coalition entre sociaux-démocrates (SPÖ) et conservateurs (ÖVP), au pouvoir à Vienne depuis 2007, avait été éliminée dès le premier tour, le 24 avril. Plusieurs ténors de ces deux partis, dont le chancelier social-démocrate Christian Kern, avaient soutenu Alexander Van der Bellen, qui s’est présenté sous l’étiquette d’« indépendant ».
Si l’Autriche affiche des indicateurs économiques à faire pâlir d’envie la plupart de ses voisins européens, une partie de la population se sent menacée par le déclassement, par la crise des réfugiés et par l’effet de l’élargissement de l’UE à ses voisins de l’Est. Quel que soit le vainqueur, « il faudra que le nouveau président réconcilie le pays.
Cette élection, si longue, a tellement polarisé la société…, et ce n’est d’ailleurs pas une spécificité autrichienne », a jugé dimanche une électrice viennoise, Katharina Gayer.