Classée 22e sur 104 pays dans l’indice Global Hunger Index (GHI), l’Algérie fait partie du groupe de pays à faible niveau de faim. Enregistrant en la matière un score de 8.7 sur une échelle de 50 points, elle est, ainsi, confrontée à une situation préoccupante dans le domaine de la sécurité alimentaire.
C’est ce que vient de mettre en exergue l’étude de Omar Bessaoud, commandée par le Forum des chefs d’entreprises, dans le cadre d’une étude globale sur les projets structurants, à savoir la transition énergétique et l’économie numérique, et ce, dans le souci de peaufiner une stratégie visant l’émergence d’une Économie algérienne, forte et diversifiée. L’étude a été dévoilée lors de la rencontre-débat portant sur le thème de la « Sécurité alimentaire », qui a eu lieu, hier , à l’hôtel El-Aurassi, en présence du ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pèche, Abdeslam Chelghoum.
Selon la définition officielle de la FAO, lors du Sommet mondiale de l’Alimentation, 1996 : « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, en tout temps, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».
Les propos sont clairs, nets et précis. C’est pour cela que les questions agricoles et alimentaires ont fait partie de la fonction régalienne de l’État, comme souligné par l’étude. L’industrie agro-alimentaire (IAA) a été l’une des industries sur lesquelles les pouvoirs publics ont mis le paquet, essentiellement dans le cadre d’un partenariat public et privé. Occupant une place de choix dans l’approvisionnement du marché national en produits alimentaires, l’IAA contribue à hauteur de 50 à 55% du PIB industriel hors-hydrocarbures, malgré sa forte dépendance extérieure. L’industrie à a son actif une production de l’ordre 45% et une valeur ajoutée industrielle de 300 milliards de DA. Farine, lait, semoule, pâtes alimentaires, produits laitiers, huiles alimentaires, tomate industrielle, sucre, tous ces produits qui inondent le marché local, n’ont pu, malheureusement, redonner une place reluisante au pays et, partant, un apport nutritionnel de taille à l’Algérien.
Car, comme l’a souligné, en 2011, S.Bedrani, « l’Algérie compte 5.1% de sa population en sous-nutrition. 32% des enfants de moins de 5 ans sont anémiques, 15.9% de ces mêmes enfants présentent un retard de croissance et 15.7% une carence en vitamine A ». Par ailleurs, selon le même expert, 17.5% des adultes sont en surpoids ou en obésité.
Il semblerait même que les 1.7 milliard de dollars, sur fonds du budget de l’État (Plan quinquennal 2010-2014), accordés, en moyenne annuelle, dans le cadre du soutien aux programmes d’investissements, n’aient peu revoir à rendre proportionnelle l’offre et la demande.
La solution en quatre défis
Les défis de garantir la sécurité alimentaire demeurent toujours posés. C’est d’ailleurs l’avis de beaucoup d’experts présents lors de cette rencontre-débat. L’étude en recommande quatre, à savoir politique, économique, social et démographique, et celui lié à la protection des ressources naturelles et aux changements climatiques. L’enjeu politique reste subordonné à la capacité de l’État à assurer ses moyens de paiements extérieurs pour garantir les approvisionnements alimentaires de la population. Il consisterait également à réaliser une compatibilité pérenne entre la facture alimentaire et le financement étatique. Et pour parer à la menace avérée de l’arme alimentaire, l’Algérie se doit de concrétiser le rééquilibrage du rapport entre l’offre nationale et le recours aux marchés internationaux. L’enjeu économique est basé, lui, sur le développement des secteurs agricole et agro-alimentaire. Les principaux axes sur lesquels l’État doit s’atteler à concrétiser cet enjeu sont deux. Le premier a trait à mettre en adéquation les bourses des ménages avec les approvisionnements attendus en la matière. Le second est relatif, quant à lui, à doter les entreprises activant dans le domaine agroalimentaire en matières premières agricoles et en équipements nécessaires à leur développement. Sur le plan social et démographie, la préoccupation est aussi de taille. La principale réside, incontestablement, dans le chiffre de 50 millions d’habitants prévus en 2030, une croissance qui touchera principalement les entre 15 à 64 ans. Cette catégorie est celle que l’on nomme active, représentant les deux tiers de la population totale. À cette crainte prospective est venue se greffer celle ayant trait à la demande additionnelle d’emploi, de l’ordre de 300 000 par an en 2040, qui s’ajoute au stock de demandes de 1.2 million inventorié en 2008. Le vieillissement de la population verra une progression à partir de 2035, soit le 1/10ème de la population aura plus de 65 ans, alors qu’actuellement 1/20ème en font partie. L’indice de dépendance représentant le rapport entre la population non active (0-17 ans et plus de 65 ans) et la population active (18-64 ans) devra se stabiliser, également, à partir de 2050. Le quatrième et dernier défi est, quant à lui, d’ordre écologique, devant intégrer la durabilité du développement ou le développement durable dans toutes les actions agricoles que compte initier l’État. «Protéger les ressources rares, les systèmes écologiques et les patrimoines naturels dans un contexte de changement climatique», recommande l’étude. Le défi en question se résume également en une phrase : exigence de changement de paradigme technique en prenant en compte l’agro-écologie. Pour sa part, Ali Daoudi, chef département économie rurale à l’INA (ENSSA), a plaidé pour une révolution foncière dans le domaine agricole. Le foncier officiellement déclaré ne peut suffire, selon lui, pour être affecté aux projets d’investissements susceptibles de garantir la sécurité alimentaire. L’expert recommande également de revoir le Code de l’eau, datant de 2005, estimant qu’une bonne gouvernance des ressources hydriques reste tributaire de cette action.
Zaid Zoheir