Le Conseil de sécurité de l’ONU a échoué vendredi à se mettre d’accord sur un projet russe réclamant des pauses humanitaires dans la guerre au Yémen, où la pénurie de carburants menace sérieusement la distribution d’aide. Sur le terrain, les combats n’ont pas connu de répit entre les rebelles chiites et les partisans du président en exil forcé soutenus par une campagne aérienne arabe dirigée par l’Arabie saoudite qui veut empêcher les insurgés de prendre le contrôle total du pays. Après cinq semaines d’intervention militaire arabe, le programme d’assistance aux civils pris au piège des combats ne s’est toujours pas matérialisé en raison de la poursuite des violences meurtrières. Jeudi le patron de l’ONU Ban Ki-moon a lancé un cri d’alarme sur la situation humanitaire et exhorté les belligérants à épargner les hôpitaux et à rétablir l’approvisionnement en carburant, faute de quoi l’aide humanitaire pourrait s’interrompre «dans les jours qui viennent». Mais le Conseil de sécurité, réuni à New York, n’a pas trouvé de terrain d’entente sur un projet russe de pauses humanitaires, des membres demandant plus de temps pour se prononcer, selon des diplomates. «Au minimum, nous avons besoin de pauses humanitaires régulières pour faciliter la livraison de l’aide», a déclaré l’ambassadeur russe Vitali Tchourkine après des consultations à huis clos à l’initiative de Moscou. Le conflit au Yémen a fait 1.244 morts et 5.044 blessés depuis le 19 mars selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et plus de 12.000 personnes ont fui le pays, la plupart vers Djibouti et la Somalie, d’après l’Organisation internationale pour les migrations.
Les hôpitaux souffrent
A l’ONU, M. Ban a averti que les services de santé sont «sur le point de s’effondrer» et demandé «à toutes les parties de faire en sorte que les agences humanitaires aient un accès fiable et sécurisé» à la population. La pénurie d’essence a déjà contraint le Programme alimentaire mondial à stopper la distribution de vivres dans certaines régions. L’accès de plus en plus difficile aux routes reliant la capitale Sanaa aux régions de Taëz, Aden, Dhaleh et Lahej (sud) est aussi également un sérieux obstacle à la distribution d’aide. Dans un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le directeur de l’hôpital koweïtien de la capitale yéménite Sanaa a déploré des «difficultés logistiques énormes pour faire fonctionner l’établissement». «Nous manquons de carburant. Nos ambulances ne peuvent plus transporter les malades et la moitié de notre personnel ne peut plus travailler, nos bus ayant cessé de rouler», y explique Issa Alzubh. Le Dr Adel Al-Yafyi, médecin d’un hôpital local d’Aden, a indiqué que son établissement était désormais incapable de traiter les malades ordinaires en raison du «grand nombre de blessés qui s’y entassent».
Ni pain, ni eau, ni électricité
Depuis le 26 mars, l’Arabie saoudite sunnite dirige une coalition de neuf pays arabes qui bombardent les positions de la rébellion, soutenue par le rival iranien chiite et qui a réussi depuis juillet 2014 à prendre de larges pans du territoire dont la capitale Sanaa. Au sol, les partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite, résistent aux rebelles qui, aidés de soldats restés fidèles à l’ex-chef de l’Etat Ali Abdallah Saleh, tentent de prendre Aden et Taëz, deuxième et troisième villes du pays.
A Aden, 47 personnes, dont une majorité de rebelles, sont mortes dans les derniers raids aériens et combats, selon des sources médicales. Les rebelles, dits Houthis, imposent un blocus aux quartiers proches du port, «empêchant l’acheminement de l’aide et l’évacuation des blessés», selon Bassam al-Qhadi, un secouriste. Imad Batata, un habitant du secteur, craint un manque de pain: «Il y a une seule boulangerie d’ouverte et on y attend des heures pour pouvoir espérer acheter du pain. Nous sommes sans eau et sans électricité depuis 15 jours».
Malgré les tensions irano-saoudiennes, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif a félicité son nouvel homologue saoudien Adel al-Jubeir. Mais Ryad et ses alliés du Golfe ont rejeté l’idée de tenir hors de Ryad des négociations de paix yéménites, comme Téhéran l’a proposé. Des membres du Conseil de sécurité proposent maintenant qu’elles aient lieu en Europe, selon des diplomates.