La célèbre romancière algérienne d’expression française Assia Djebar vient de tirer sa révérence à l’âge de 78 ans, après toute une vie au service de la littérature algérienne et, à travers une œuvre riche et variée, pour la défense de la cause de la liberté, en général, et l’émancipation de la femme en particulier. Née le 30 juin 1936 à Cherchell, non loin d’Alger, Fatma-Zohra Imalayène, de son vrai nom, avait exprimé sa sensibilité de femme et de militante de la cause nationale dès 1957, à l’âge improbable de 21 ans, en publiant son premier roman « La soif » puis un second, « Les impatients », dans la même période. Elle enchaînera ensuite avec une vingtaine de romans à succès, traduits en autant de langues, tout en exerçant sa passion pour l’enseignement de l’histoire et de la littérature, à Alger et un peu partout à l’étranger, et en s’essayant, non sans succès, au cinéma avec la réalisation de deux films consacrés au combat des femmes, notamment « La Nouba des femmes du mont Chenoua », qui a obtenu le prix de la critique internationale à Venise en 1979.
Avec « La Zerda ou les chants de l’oubli », elle remportera le prix du meilleur film historique au Festival de Berlin en 1983. Son roman « Loin de Médine » (1991) symbolisera longtemps, et pour longtemps sa lutte permanente pour les droits de la femme. En 2005, elle signera d’une certaine manière sa propre émancipation en devenant la première femme arabe et africaine à entrer à l’Académie française, quelques années seulement après avoir investi l’Académie royale de Belgique. « J’écris, comme tant de femmes écrivains algériennes, avec un sentiment d’urgence, contre la régression et la misogynie » », disait la romancière disparue. À l’histoire de son pays qu’elle n’a jamais vraiment quitté ni de corps ni d’esprit, celle que l’on attendait pour le Prix Nobel de littérature ces dernières années aura dédié plusieurs de ses romans où elle évoque, selon les œuvres, l’Algérie sous la colonisation, l’Algérie indépendante et jusqu’à l’Algérie de la décennie tragique du terrorisme (1990). « Les enfants du nouveau monde » (1962), « Les alouettes naïves » (1967). ou encore « Femmes d’Alger dans leur appartement » (1980), et « L’amour, la fantasia » (1985), « Le Blanc de l’Algérie » (1996) et « La Femme sans sépulture » (2002) sont parmi les titres où se mêlent tous les combats libérateurs qu’elle voulait mener et incarner. Prolixe, Assia Djebar concentrait ainsi en elle, tous les genres de la création littéraire, cinématographique et même du théâtre avec une recherche perpétuelle de l’innovation mise au service d’une vision humaniste de la vie sur Terre, s’accordent à dire ceux qui l’ont lue, connue et côtoyée. Elle obtiendra des prix internationaux pour la plupart de ses romans dont le dernier, un récit autobiographique (« Nulle part dans la maison de mon père ») paru en 2007, et fera l’objet de nombreux articles dans des publications spécialisées d’Europe et du Moyen-Orient qui l’a mettaient régulièrement à l’honneur en tant que « voix unique et rare » dans le monde de la culture. Son attachement indéfectible à son pays, elle l’exprimera à sa façon en demandant à être inhumée dans sa ville natale de Cherchell.