Il y avait dans les longs applaudissements des grands électeurs qui ont salué, samedi 31 janvier à Rome, l’élection au quatrième tour de scrutin, de Sergio Mattarella, 73 ans, davantage que le respect dû au douzième président de la République italienne. Non pas que la personnalité du successeur de Giorgio Napolitano, ne mérite pas tous les hommages. Sicilien, veuf, juge constitutionnel, ancien ministre indiscipliné de la Démocratie chrétienne, frère d’un ancien président de la région Sicile assassiné par la mafia le 6 janvier 1980, le nouveau président de la République semble mériter sur le papier tous les honneurs dus à sa réputation de droiture et de serviteur impartial de l’Etat. Mais dans les mines réjouies des votants députés, sénateurs, délégués des régions se lisait aussi une bonne part de soulagement. Soulagement d’avoir effacé par cette élection le cauchemar de celle de 2013, lorsque les grands électeurs, incapables de désigner le chef de l’Etat, avaient supplié, honteux et déconfits, Giorgio Napolitano de rempiler pour un nouveau mandat. Samedi, le Parlement italien a retrouvé ses prérogatives et son honneur.
LE SENS TACTIQUE ET POLITIQUE DE MATTEO RENZI
Mais pour les élus du Parti Démocrate (PD, gauche), cette joie se double d’un triomphe. L’élection de Sergio Mattarella est d’abord une nouvelle preuve du sens tactique et politique de leur chef Matteo Renzi. Ayant déjà donné l’exemple de sa capacité de savoir gérer les élections au suffrage universel (européennes de 2014, plus de 40 % des voix pour le PD), il a démontré qu’il n’était pas manchot dans les scrutins en vase clos, comme dans le cas du vote pour le président de la République. Alors que chacun pariait à ce que le premier ministre s’accorde avec Silvio Berlusconi, son allié pour les réformes constitutionnelles (mode de scrutin et Sénat), sur le choix d’un candidat, il a offert le nom de Mattarella à son parti, mettant l’ex-Cavaliere au pied du mur. Mattarella ou rien. Un homme capable de se démettre d’un des gouvernements Andreotti, en 1990, pour protester contre l’adoption d’une loi qui favorisait la construction de l’empire audiovisuel du magnat des médias ! L’ancien président du conseil, qui aurait préféré la personnalité réputée plus souple de Giuliano Amato, dont il attendait une grâce ou du moins un arrangement pour retrouver son poste de sénateur, a eu beau tempêter, hurler à la trahison, rappelé les «coups de main» que les élus de son parti, Forza Italia, avaient donné au premier ministre lors des votes sur la reforme du Code du travail et du mode de scrutin, Renzi n’a pas changé de ligne, profitant de l’occasion pour ressouder la totalité du PD derrière lui. Par mesure de rétorsion, Silvio Berlusconi a appelé ses troupes à voter blanc. Il n’y avait qu’à voir les mines hargneuses de ses partisans, bras ballants et muets à l’annonce du nom du douzième président de la République pour deviner leur amertume. Amertume de s’être fiés à Matteo Renzi qui, machiavélique et florentin, a préféré, pour cette fois, son parti duquel il avait beaucoup à se faire pardonner à son allié de circonstance. Amertume aussi d’avoir misé, une fois encore, sur les supposées qualités de négociateur de Silvio Berlusconi.
BERLUSCONI ET BEPPE GRILLO, GRANDS PERDANTS
Reclus dans sa villa d’Arcore (Lombardie), où il est placé chaque fin de semaine en résidence surveillée suite à sa condamnation pour fraude fiscale, Silvio Berlusconi va devoir faire face à une fracture ouverte au sein de son parti. Raffaele Fitto, étoile montante, qui lui reproche d’avoir conclu un marché de dupes avec le premier ministre, de s’être fait rouler dans la farine par un jeunot de presque quarante ans son cadet. Pour un homme qui a régné vingt ans durant sur la vie politique italienne, cette erreur tactique pourrait précipiter son déclin déjà bien entamé. Seuls 105 des 143 parlementaires de Forza Italia qui on reçu l’ordre de voter blanc ont obéi à la consigne.
Il n’est pas parvenu non plus à associer à sa démarche les élus du Nouveau Centre droit d’Angelino Alfano, son ancien dauphin. Tiraillé entre l’affection à son ancien mentor et le confort et la visibilité de son poste de ministre de l’intérieur qu’il doit à Matteo Renzi, il a choisi finalement, avec sa troupe d’une trentaine d’élus dont de nombreux Siciliens comme lui, de rester loyal au président du conseil qui a menacé de le virer du gouvernement… L’autre grand battu se nomme Beppe Grillo. Ne disposant plus que de 127 parlementaires après les démissions en cascade de dizaines de députés et sénateurs, il les a enjoints, à la suite d’une consultation sur Internet, de voter à chaque tour de scrutin pour Fernandino Imposimato, un ancien magistrat valeureux. Un autre candidat comme Romano Prodi, arrivé deuxième de ce référendum en ligne aurait pu tenter des électeurs du PD et troubler le jeu. S’ils ont pu démontrer à cette occasion leur discipline et leur fidélité, les parlementaires du M5S ont également apporté une nouvelle preuve de leur inutilité. Sergio Mattarella a été élu avec 665 voix sur 995 votants.