La raison ? La demande est plus forte que l’offre. Pourquoi ? Tout simplement que nos fellahs préfèrent leurs pantoufles et les cafés maures à la cueillette des produits agricoles dans la boue ou en se mouillant. Un tour dans les cafés nous renseigne plus sur cet état et nous comprenons alors qu’aux champs et dans les vergers nous ne trouverons personne, ou si peu de travailleurs.
La pomme de terre, ramenée d’El Oued ou d’ailleurs, est passée entre 50 et 65 DA le kilo juste parce qu’il s’est mis à pleuvoir pendant quelques jours sans discontinuer, mais c’est la même pomme de terre achetée il y a quelques jours entre 40 et 55 DA pour la meilleure qualité. Nous pourrons arriver à souhaiter qu’il ne pleuve pas mais alors nous n’aurons pas assez de produits agricoles et nous nous retrouvons dans un cercle vicieux d’où il est plutôt difficile de sortir. Quant aux services chargés de surveiller et de réguler le marché, ils vous répondront simplement que c’est la loi du libre marché : « nous ne pouvons pas intervenir pour faire baisser les prix, les gens n’ont qu’à n’acheter que chez ceux qui vendent moins cher » (comme s’ils existaient). Même les prix des légumes secs ont pris l’ascenseur et là, personne ne peut parler d’offre et de demande, car ils existent à profusion mais les prix sont maintenus à un niveau trop élevé.
Dans les marchés, ils sont très nombreux à tourner en rond, allant d’un marchand à un autre, demandant les prix de tel ou tel légume, perdus entre la boue et le mépris des vendeurs, étonnés de ces prix qui les découragent, ils vont, partent, reviennent puis, tout penauds, ils demandent d’une petite voix au commerçant : « s’il vous plaît, donnez-moi un kilo de pomme de terre et une livre d’oignon ». Le vendeur abandonne à contrecœur le journal qu’il feuilletait et, le regard perçant, choisit les plus petites patates pour les mettre dans la balance. Notre bonhomme esquisse un geste puis se ravise : « Pourvu qu’il consente à me vendre un kilo, je n’aurai que plus de petites pommes de terre » lui chuchote son côté pauvre. Quand il arrive devant le boucher, il fait un détour comme s’il avait peur de toucher un morceau de viande et qu’il se verrait exiger de payer pour cela.
Il regarde avec envie ces hommes à grosses bedaines qui viennent en 4×4, déposent leurs gros couffins chez le marchand de légumes, qui les accueille de manière obséquieuse et qui choisit les meilleures pièces, allant même jusqu’à leur vendre moins cher qu’aux autres. Même si nous voyons de très nombreux citoyens acheter n’importe quoi sans se soucier des prix, il y a une frange non négligeable qui ne peut se payer la pomme de terre à 65 DA, ni le poulet à 400 DA le kilo. Mais nos marchands ne pensent qu’à profiter de ces journées froides qui obligent les gens à acheter et à bien manger pour se réchauffer.
Hadj Mansour