La consommation du tabac continue d’être la cause de nombre de maladies. Son corollaire le tabagisme est, en tout cas en Algérie, un phénomène qui est devenu à la longue un souci d’ordre public. En fait, malgré l’arsenal réglementaire, les campagnes de prévention et d’autres de sensibilisation, le tabagisme a atteint un seuil tel qu’il est devenu un fléau social à circonscrire. C’est à ce titre que la loi de finances 2015 stipule l’augmentation de la taxe sur le tabac de l’ordre de 10%. Grâce à cette disposition, le législateur escompte participer activement à lutte contre le tabagisme. Interpellés sur les bienfaits de cette imposition, des spécialistes ont considéré que l’augmentation de la taxe sur le tabac constitue un pas en avant dans la lutte contre le tabagisme. Cependant, un long chemin reste encore à parcourir avant de pouvoir juguler ce fléau qui, estiment-ils, est la cause principale de décès pouvant être prévenus dans le monde. Selon eux, la disposition contre le tabagisme incluse dans la loi de finances 2015 fait partie d’une démarche allant dans le sens de limiter le nombre de nouveaux fumeurs, de réduire l’exposition au tabagisme passif ou encore de favoriser le sevrage de nombreux fumeurs. De même, ces spécialistes considèrent que cette initiative constitue un petit sur un long chemin dans la lutte contre la tabagisme qui représente une menace réelle sur la santé publique. Cette démarche doit être accompagnée de mesures préventives et dissuasives notamment l’application des lois portant interdiction de fumer dans les lieux publics, explique le Pr Djamel-Eddine Nibouche, chef de service maladies cardiovasculaires au CHU Nafissa-Hamoud (ex-Parnet). «Des augmentations de la taxe sur le tabac ont été adoptées dans plusieurs pays, mais n’ont pas donné de résultats palpables sur le long terme», fait remarquer le praticien, ajoutant que le recul du taux de consommation s’est limité aux premiers mois de l’entrée en vigueur de ces décisions.
Le Pr Nibouche, favorable à une augmentation de cette taxe à 20%, associée à une action de prévention, a étayé ses propos en déclarant que les pays à faible et moyen revenu ayant imposé une taxe de 10% sur le tabac n’ont enregistré qu’une baisse de 5% de la consommation. Il s’agit aussi, selon le Professeur, de «faire obligation» aux entreprises de production de tabac à prendre en charge les malades présentant des affections liées au tabagisme. Pour sa part, le chef de service médecine interne au CHU de Sétif, Rachid Malek, a appelé au renforcement de la prévention à travers des stratégies associant plusieurs secteurs et la mise en œuvre des lois promulguées à cet effet. Une évaluation des résultats de l’imposition de cette taxe pour déterminer son efficience est nécessaire à son avis.
De son côté, le Pr Lahbib Douaghi, chef de service de pneumophtisiologie au CHU Hassani-Issaad de Béni Messous (Alger), a soutenu que l’augmentation de la taxe est de nature à réduire le niveau d’addiction à ce produit nocif. Toutefois, il a recommandé la multiplication des actions de prévention et de sensibilisation notamment en milieu juvénile à même, a-t-il souligné, de constituer le meilleur moyen de réduire la propagation de ce poison, et préserver la santé des générations d’aujourd’hui et de demain. En ce qui la concerne, la sous-directrice de la prévention au ministère de la Santé, Djamila Nedir, a souligné les objectifs de la stratégie nationale de lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques (2015-2019), notamment la lutte contre le tabagisme conformément à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac, ratifiée par l’Algérie en 2006. Mettant en avant les efforts du ministère de la Santé pour l’élargissement des centres de sevrage tabagique, à travers le territoire national, et la mise en place de systèmes de contrôle, afin de recenser le nombre exact de fumeurs en Algérie, la même responsable a déploré la non application des lois interdisant le tabagisme dans les lieux publics. La décision d’augmenter la taxe sur le tabac fait suite aux mises en gardes pressantes des spécialistes de la santé formant le vœu que les recettes de cet impôt soient versées au fonds de prise en charge du cancer, a rappelé la responsable. Elle a appelé en outre le ministère du Commerce à appliquer la mesure contenue dans la stratégie nationale de lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques et portant interdiction de vente ou de publicité sur le tabac dans les kiosques. Le tabac est à l’origine de 9 cancers sur 10, notamment le cancer des poumons avec 15 000 cas par an sur un total de 50 000 nouveaux cas de cancer enregistrés en Algérie, a affirmé en guise de statistiques Mustapha Moussaoui, membre à l’association El-Badr d’aide aux cancéreux de la wilaya de Blida. Pour lui, l’augmentation de la taxe sur le tabac doit être assortie de campagnes de prévention et de sensibilisation et de mesures interdisant la vente de cigarettes par unité. Ce procédé encourage, selon lui, le client à fumer quel que soit le prix du paquet de cigarettes.
M. D. et APS