Pegida, de plus en plus contesté par les tenants d’une société ouverte, espère que les événements français profiteront à son défilé du lundi à Dresde. Le mouvement anti-islam allemand Pegida, de plus en plus contesté par les tenants d’une société ouverte et tolérante, espère profiter des attentats djihadistes en France pour gonfler ses troupes lors de son défilé du lundi à Dresde (Est). Depuis octobre, Pegida («Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident») mobilise chaque lundi contre l’islam et les demandeurs d’asile. Avec un succès croissant : 500 personnes pour le premier défilé le 20 octobre, 10 000 début décembre, 18 000 lundi dernier, un record. Ce lundi soir, pour la douzième manifestation dans la capitale de la Saxe, les organisateurs ont appelé à rendre hommage aux «victimes du terrorisme de Paris», invitant les partisans à porter un brassard noir en signe de deuil. Une minute de silence sera aussi observée lors du rassemblement qui s’ébranlera comme chaque lundi à 18 h 30. Après les attaques qui ont coûté la vie à 12 personnes à la rédaction de Charlie Hebdo, Pegida n’a pas tardé à réagir : «les islamistes, contre lesquels Pegida met en garde depuis plus de 12 semaines, ont montré aujourd’hui en France qu’ils sont tout simplement incompatibles avec la démocratie», écrivait mercredi le mouvement sur sa page Facebook, quelques heures à peine après la tuerie. L’incendie criminel, commis dans la nuit de samedi à dimanche contre le Hamburger Morgenpost, un journal de Hambourg (nord) qui avait publié des caricatures de Charlie Hebdo, pourrait également apporter de l’eau au moulin de Pegida, même si le lien avec les attentats de Paris n’était pas établi dimanche soir. Lundi soir, «il est vraisemblable que la barre des 20 000 manifestants soit franchie», a estimé auprès de l’AFP Werner Patzelt, professeur de sciences politiques de l’Université technique de Dresde. «L’attentat de Paris a sans le moindre doute un impact sur Dresde : il va donner au mouvement Pegida encore plus d’influence.» Ailleurs en Allemagne, les «patriotes européens» ont fait quelques émules, comme à Bonn (Bogida) ou à Berlin (Bergida). Et lundi soir, Leipzig connaîtra sa première manifestation pro-Pegida. Tout un symbole : c’est là que, en 1989, les «manifs du lundi» ont fait trembler le mur de Berlin. 25 ans plus tard, à Dresde, Pegida en a détourné le slogan historique, «Nous sommes le peuple», désormais scandé par ses partisans.
Les anti-Pegida plus nombreux
Et le mouvement essaime en Europe : à Vienne, un premier défilé Pegida est prévu fin janvier et des pages Facebook ont été créées en Suède et Norvège (respectivement 6 000 et 2 000 abonnés). Mais, en face, les anti-Pegida demeurent toujours nettement plus nombreux en Allemagne, où plusieurs contre-manifestations ont globalement drainé plus de monde. Ainsi, samedi à Dresde, quelque 35 000 personnes ont défilé pour défendre une société ouverte et tolérante. Lundi soir, ils descendront de nouveau dans la rue. À Berlin, les sympathisants du groupe NoBergida NoRacism feront de même en fin d’après-midi. Dimanche, le ministre social-démocrate de la Justice, Heiko Maas, a appelé Pegida à renoncer à la manifestation de lundi, jugeant qu’il n’avait pas le droit d’»exploiter» les attaques de Paris. Après ces attentats, plusieurs organisations musulmanes ont aussi appelé à une marche silencieuse mardi à Berlin. Lundi, la chancelière Angela Merkel, également très critique envers Pegida, doit recevoir pour la première fois son homologue turc Ahmet Davutoglu. Selon la presse turque, il devrait demander à Angela Merkel des actions concrètes contre les sentiments anti-musulmans en Allemagne, où, selon une étude récente, 57 % des personnes voient dans l’islam une «menace». Pays de 81 millions d’habitants, l’Allemagne compte environ trois millions de personnes turques ou d’origine turque. Elles forment la majorité de la communauté musulmane allemande, forte d’environ 4 millions de personnes.