Deux attaques terroristes dans de hauts lieux touristiques d’Istanbul rappellent à la Turquie que la menace ne se situe pas seulement à ses frontières. Mardi soir, son nom et son visage faisaient le tour des réseaux sociaux turcs. Elif Sultan Kalsen, une jeune femme de vingt-six ans, est auteur, selon les médias turcs, de l’attentat-suicide qui avait causé plus tôt dans la journée la mort d’un policier (et blessé un autre) dans le commissariat du très fréquenté quartier de Sultanahmet, en plein coeur d’Istanbul. Cette attaque d’une rare violence a été revendiquée par le DHKP-C, le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple, groupuscule marxiste léniniste placé sur la liste des organisations terroristes par la Turquie, les États-Unis et la France. Alors que le Premier ministre turc célébrait dans la nuit de mercredi l’héroïsme du policier tombé, plusieurs sites internet proches de la mouvance extrémiste ont pour leur part salué le sacrifice de leur camarade kamikaze : un « châtiment », selon eux, contre « les meurtriers d’Elvan », adolescent mort l’année dernière des suites de blessures infligées par la police lors des événements de Gezi à l’été 2013.
Contre tous les gouvernements
Un sombre hommage déjà rendu quelques jours plus tôt lorsqu’un membre du DHKP-C avait attaqué sans succès avec des grenades à main et une arme automatique plusieurs policiers en poste devant le palais de Dolmabahçe, dernière demeure d’Atatürk, qui abrite aujourd’hui dans l’un de ses pavillons les bureaux stambouliotes du chef de l’État, Recep Tayyip Erdogan. Là aussi, l’objectif était clair : frapper un symbole du pouvoir.
Depuis sa création à la fin des années 70 jusqu’à aujourd’hui, le DHKP-C n’a eu d’autre but que le renversement par les armes du pouvoir en place, qu’il soit kémaliste ou islamiste. Le groupe est déjà responsable de plusieurs dizaines d’assassinats (en majorité des forces de l’ordre), dont celui de l’ancien Premier ministre à la retraite Nihat Erim. Concernant ses membres, le Front-Parti n’est pas des plus regardants, il recrute principalement dans les lycées, les universités et les associations culturelles (souvent dans des classes urbaines défavorisées). Résultat : l’âge moyen dans les rangs était d’à peine 19 ans dans les années 2000.
Et « l’ennemi américain »
À la place du régime qu’il voulait abattre, le leader du DHKP-C, Dursun Karatas (mort en exil aux Pays-Bas en 2008), pensait ériger un État socialiste, débarrassé de l’emprise de « l’ennemi américain ». Un ennemi directement visé par l’organisation qui a planifié depuis les années 80 plusieurs attaques contre des objectifs et du personnel américains afin de forcer Washington à quitter le pays. Dernier exemple en date : en février 2013, un terroriste de la mouvance se fait exploser avec 6 kilos de TNT à l’ambassade américaine d’Ankara, causant la mort d’un agent de sécurité turc et blessant gravement un journaliste.
Aujourd’hui, le DHKP-C est l’héritier d’une idéologie marxiste qui n’a plus le vent en poupe. Plusieurs milliers de ses membres sont en prison, et pour les autres, traqués par les polices turque et européennes, le choix se résume à la clandestinité ou à l’exil. Malgré cela, une dizaine de cellules terroristes seraient tout de même encore actives et prêtes à agir sur le territoire turc.