Malgré toutes les difficultés, malgré la route glissante, les embouteillages monstres, les risques et le froid, ils ont été très nombreux à se rendre à Chréa ce 1er janvier 2015, heureux et tout engourdis par le froid. Les Algérois, longtemps ramollis par une chaleur inhabituelle au mois de décembre, étaient tout heureux de patauger dans la neige, et retenant difficilement leurs enfants, jouant avec la neige, se lançant des boules, riant aux éclats. Les hommes, les femmes, les enfants, tous avaient le même âge, le même rire, la même joie. Déjà de l’autoroute, les cimes blanches des montagnes vous invitent à les visiter, vous attirent comme la lumière attire les papillons et de longues processions de voitures prennent la route de Chréa. Déjà à mi-chemin, des familles entières se sont arrêtées, les enfants sautant directement dans la neige, sous les regards amusés de leurs parents. Ils sont aussi nombreux à ne pas arriver jusqu’à Chréa, car la voiture n’est pas assez puissante, ou à cause de la peur d’y être bloqué, ou juste parce qu’on a trouvé la neige tout près. Mais ceux qui continuent trouvent de plus en plus de neige, plus blanche encore et plus consistante. Des chasse-neiges sont déjà à pied d’œuvre et la route est assez difficile pour arriver jusqu’à la station de Chréa. Partout des voitures sont garées et les gens admirent le paysage immaculé qui s’offre à leurs yeux. Le froid vif rend l’émotion plus grande et on multiplie alors les mouvements pour se réchauffer. Des enfants essaient de glisser sur la neige mais tombent et se relèvent très vite, au milieu des rires et des cris de joie. À Chréa, l’ambiance est féérique, des centaines de voitures, des milliers de citadins manifestent leur contentement et leur joie de se retrouver là, au milieu de cette beauté blanche, comme s’ils voulaient se laver de toute la saleté de la ville, de ses odeurs nauséabondes et des fumées qui se dégagent de partout. La placette, d’ordinaire calme, grouille de monde et des jeunes proposent des gants, des chapeaux, des bonnets, de la nourriture et un tas d’autres produits. Il n’y a que la station du téléphérique qui ressemble à un fantôme depuis qu’elle est à l’arrêt et désertée par les utilisateurs. À la voir, on se rappelle les dizaines de milliers de jeunes, de couples, d’enfants qui ne peuvent se rendre jusque-là car sans véhicules et le téléphérique à l’arrêt. Juste en face pourtant, la piste de ski est noire de monde. Sur des luges ou avec des patins, des dizaines de jeunes, hommes et femmes, des enfants et même quelques personnes âgées descendent les pentes à toute vitesse, en criant fort leur joie, en riant aux éclats, les yeux brillants et les joues toutes roses. Les morsures du froid n’ont aucun effet sur eux et mouiller leurs vêtements ne les rebutait pas, le principal étant d’oublier pour une journée le stress de la ville, les obligations et les convenances. Sous les arbres centenaires, les couples et les solitaires admiraient le blanc de la neige qui se marie divinement avec toutes les nuances du vert des arbres et des fourrés. Tout le monde prenait des photos, dans des poses diverses et des endroits différents. Le parapet, qui donnait sur un précipice de plusieurs centaines de mètres de profondeur, attirait les gens qui regardaient en bas la neige qui recouvrait les flancs de la montagne, cachant à la vue le noir laissé par les feux de l’été et le jaune des herbes desséchées par une trop longue absence de la pluie et de la neige. Manger et boire étaient les derniers soucis des vacanciers qui voulaient profiter au maximum de ces heures de détente, de joie, d’oubli et de changement. Mais à 14 h il fallait déjà songer au retour car la nuit tombe vite et le crépuscule est trop court, les voitures sont trop nombreuses et il faudra au moins deux heures pour revenir à Blida et rentrer à la maison, avec déjà une ombre de déception dans les yeux, tant tout le monde aurait aimé rester là jusqu’à l’éternité.
Hadj Mansour