Étant déjà un sujet tabou, l’agression sexuelle, l’inceste et le viol, l’attouchement et l’exhibition demeurent des crimes impunis, subis par des milliers de femmes de toutes tranches d’âge, et où la loi ne semble toujours pas arrivée à suivre l’évolution de la société algérienne. À ce titre, une conférence débat a été animée hier par les différents acteurs de la société civile à leur tête Nafissa Lahrech, Présidente de l’association «femmes en communication», pour dévoiler le vide juridique ainsi que les failles qui entourent les examens cliniques effectués sur les victimes d’agressions sexuelles et qui les empêchent fort malheureusement à prouver la responsabilité de leurs agresseurs. Selon le Pr Fatima Miloudi, spécialiste en médecine légale, la matérialité des faits doit être établie tout de suite après l’incident pour que le procès avance. C’est pourquoi le médecin est appelé à constater les lésions et préserver les preuves car l’agression sexuelle est un crime passible de sanctions pénales.
Pour elle, les femmes victimes ne doivent en aucun cas faire d’ablutions ou changer de vêtements afin que le médecin légiste puisse faire les prélèvements nécessaires. Ce geste simple constitue le seul moyen d’identifier l’agresseur. De plus , la matérialité des faits doit être établie par un médecin légiste et non pas par la présentation d’un simple certificat descriptif, ce qui prévaut dans la plupart des cas. Elle a précisé que les atteintes sexuelles faites aux femmes sont de véritables « urgences médicales », recommandant , de ce fait, la création d’une unité de « victimologie » au niveau de tous les centres de soins.
Selon les chiffres avancés, il y a eu 7 000 crimes de viol entre janvier et septembre 2013, dont 216 victimes assassinées et 15% seulement ont déposé plainte. Il faut souligner qu’une victime sur 30 avoue l’incident, 80% d’entre-elles s’adressent au secteur médical et 53% cherchent de l’aide. Dans le même cadre, le réseau «Wassila» a reçu 1 800 appels par an et a effectué 350 entretiens avec des femmes victimes.
De son côté l’avocate Fatma-Zohra Benbraham a insisté sur la nécessité de revoir les textes juridiques datant de l’époque coloniale et qui ne définissent pas clairement «l’acte de viol». À ce sujet, elle a estimé que les actes sexuels «contre-nature» devraient être considérés également comme des viols.
Considérant le viol comme un crime passible d’une peine d’emprisonnement variant entre 5 à 8 ans , l’intervenante a relevé que certains magistrats proposaient aux agresseurs d’épouser leurs victimes pour échapper à la prison, qualifiant cette démarche «d’aberrante» et «d’inconcevable». S’agissant du rôle de la société, la sociologue Fatma Oussedik a estimé que de nombreux tabous subsistaient encore en Algérie, considérant qu’il était temps de changer les mentalités afin de soutenir les femmes meurtries et touchées dans leur dignité. Enfin, pour aider les femmes à porter plainte contre ce genre de violences, la Présidente du réseau «Wassila», Dalila Lamarene, a insisté sur l’importance de l’accueil et de l’écoute des victimes par les services des corps de sécurité (Gendarmerie, Police…) ainsi qu’au niveau des centres hospitaliers.
En fait, la mise en place d’un cadre juridique adapté, permettant aux femmes victimes de violences sexuelles de porter plainte contre leurs agresseurs, a constitué le crédo des avocates, sociologues et psychologues qui ont pris part à cette conférence.
Amira Louni