Pour tenter de contenir la crise au Niger induite par le coup d’État militaire du 26 juillet contre le président élu, Mohamed Bazoum, suivi par la menace d’une intervention militaire contre Niamey de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour rétablir l’ordre constitutionnel, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a dépêché le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, au Nigeria, au Bénin et au Ghana, pour des concertations avec ses homologues de ces pays, membres de l’organisation économique ouest-africaine.
Les deux premiers pays cités sont aussi des voisins du Niger. À noter que le parlement du Nigéria, dont le chef de l’État, Bola Tinubu est président de la CEDEAO depuis juillet, a voté contre la participation de son armée dans une action suicidaire à des conséquences incalculables sur toute la région. Quant au Benin, il reste parmi les pays membres de la CEDEAO les plus chauds à une action militaire au Niger pour rétablir Bazoum dans ses fonctions. Le Ghana qui ne partage pas des frontières directes avec le Niger a abrité vendredi dernier une réunion des chefs de la défense de la CEDEAO ou l’action militaire au Niger s’est précisée, refusant la période de transition de trois ans proposée par les militaires putschistes.
Les concertations porteront sur « la crise au Niger et les moyens de la prendre en charge, à travers la contribution à une solution politique qui évitera à ce pays et à la région tout entière les retombées d’une éventuelle escalade de la situation », précise le communiqué du ministère algérien des AE. Le chef de la diplomatie algérienne a entamé sa visite de travail, hier. Il faut souligner que tout débordement au Niger voisin affectera directement l’Algérie qui partage près de 1000 Km avec ce pays de la sous-région. Le président Tebboune a assuré lors de son entrevue périodique avec les médias locaux qu’aucune solution ne saurait exclure l’Algérie de l’équation, car le pays est le premier concerné, tout en exprimant la disponibilité de l’Algérie à jouer la médiation entre les belligérants. « Nous sommes prêts à aider le Niger, si on nous le demande », a-t-il souligné à ce sujet.
Chauffée à Blanc par la France qui tente de sauvegarder ses intérêts dans la région après avoir été déclarée persona non grata dans plusieurs pays d’Afrique notamment parmi les alliés des nouveaux maîtres de Niamey à savoir le Burkina Faso et le Mali, la CEDEAO s’est dite prête à intervenir au Niger pour rétablir Bazoum. Cette décision ne repose pourtant sur aucune légitimité internationale puisqu’elle n’a pas eu l’aval de l’ONU pour donner une crédibilité à son action comme elle ne pas l’unanimité au sein de l’Union africaine et de l’Union européenne.
Sitôt annoncée, la réaction de l’Algérie qui s’est déjà opposée à toute intervention militaire au Niger priorisant la voie du dialogue, ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué de la diplomatie algérienne, publié le 19 août, l’Algérie dit regretter « profondément que le recours à la violence ait pris le pas sur la voie d’une solution politique négociée rétablissant pacifiquement l’ordre constitutionnel et démocratique dans ce pays frère et voisin », assurant que les interventions militaires apportent « un surcroît de problèmes » plutôt que des solutions.
L’ancien ministre à la Défense au Niger condamne la décision de la CEDEAO
L’ancien ministre de la Défense au Niger au gouvernement du président déchu, Karidjio Mahamadou, a dénoncé fermement, dans un communiqué, publié mardi, une initiative « d’intervention militaires des forces extérieures au Niger » avec la bénédiction de ce qu’il qualifie de « Nigériens égarés », appelant les Nigériens à privilégier la résolution pacifique de la crise pour le bien du peuple nigérien. Le membre fondateur du Parti nigérien pour la démocratie socialiste PNDS dont est issu le président Bazoum, a estimé que les objectifs annoncés pour mener une action militaire au Niger sont plutôt ailleurs que ceux réellement avancés, assurant que cette intervention constitue une atteinte grave à la souveraineté du Niger et une menace pour la paix et stabilité au Niger, et au-delà de l’Afrique de l’Ouest et au Nord.
Washington réaffirme sa convergence de vue avec Alger
Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision « Ennahar », l’ambassadrice américaine en Algérie, Elizabeth Aubin, a réaffirmé que les États-Unis sont en convergence totale avec la position de l’Algérie sur la situation au Niger qui privilégie la voie du dialogue pour trouver une issue à la crise à Niamey, assurant que « Washington apprécie grandement la position de l’Algérie sur le Niger et poursuivra ses consultations avec Alger sur cette question qui est d’une grande importance ».
L’Algérie est un partenaire important de ce pays de la sous-région et comprend bien la situation dans ce pays, a indiqué la représentante diplomatique US en Algérie, assurant que « Washington apprécie grandement la position de l’Algérie sur le Niger et poursuivra ses consultations avec Alger sur cette question qui est d’une grande importance.
« Nous souhaitons le retour de l’ordre constitutionnel et nous espérons que le dialogue politique permettra la libération du président Bazoum et de sa famille de détention, et le retour de la stabilité dans ce pays pour répondre aux besoins des Nigériens », a-t-elle ajouté.
L’espace aérien fermé à l’aviation militaire française
Alger a également refusé fermement et sans équivoque la demande française de survoler son espace aérien pour attaquer le Niger avant de se rabattre sur le Maroc qui avait alors donné son feu vert à Paris.
La position de l’Algérie a été également saluée par des experts nigériens tels que l’analyste politique nigérien Habib Bouri qui a affirmé que la position de l’Algérie par rapport à cette crise ne surprend personne, car elle était claire depuis toujours, rappelant que l’Algérie considère que le dialogue, les négociations et les voies diplomatiques comme les seules issues dans une situation pareille. De même pour l’activiste humanitaire nigérien, Alkassoum Abdourahmane, et Boubakar Diallo, doyen à l’université de Niamey entre autres.
Outre l’Algérie et les États-Unis plusieurs autres pays se sont prononcés contre une intervention militaire au Niger priorisant la voie diplomatique pour résoudre le conflit, à l’instar de l’Italie et l’Allemagne pour ce qui est de l’Union européenne, la Turquie, 2ème force militaire au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) et l’Égypte également entre autres.
Brahim O.