Plusieurs dossiers brûlants de la politique internationale ont été abordés mardi par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors d’une interview qu’il a accordée à la chaîne qatarie d’information en continu, Al Jazeera, et durant laquelle le chef de l’État n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.
La deuxième du genre en trois ans de pouvoir du président Tebboune. À cet effet, Al-Jazeera a délégué une journaliste algérienne, en l’occurrence, Khadija Benguenna, une ancienne de la Télévision publique algérienne. Il en a été de même pour le premier entretien réalisé en juin 2021 par un autre journaliste algérien, qui n’est autre qu’Abdelkader Ayadh. Un entretien durant lequel Tebboune a évoqué plusieurs points liés aux relations de l’Algérie avec ses voisins du nord, en l’occurrence la France, l’Italie et l’Espagne, ainsi que celles avec ses voisins directs, notamment le Maroc et la Tunisie. Le chef de l’État s’est également exprimé sur les relations algéro-russes, la guerre en Ukraine et la cause palestinienne.
« Une réaction légitime de l’Algérie aux hostilités du Maroc »
En tête des sujets les plus sensibles de l’heure, les relations entre l’Algérie et le Maroc qui sont rompues depuis le 24 août 2021 sur décision d’Alger, en raison de la série de campagnes hostiles menées par le Makhzen contre l’Algérie. En effet, le Makhzen a été tenu pour responsable de bon nombre d’actes de déstabilisation à l’encontre de l’Algérie. Ce qui a, selon Tebboune, poussé l’Etat algérien à revoir ses relations avec le voisin direct. Affirmant d’une part, « regretter que les relations algéro-marocaines en soient arrivées à ce stade entre deux pays voisins », il a cependant justifié la position de l’Algérie comme étant « une réaction » aux agissements du Maroc et son implication directe dans ces actions perpétrées contre l’Algérie. Dans ses témoignages, le chef de l’Etat a affirmé que « les relations entre les deux pays voisins sont arrivées à un point de non-retour ».
« Une période de turbulence avec l’Espagne, causée par Sanchez, mais dans laquelle l‘Espagne est engagée »
Abordant la crise diplomatique entre l’Algérie et l’Espagne qui remonte à juin 2022, lorsque Madrid s’était alignée sur la position du Maroc concernant la question du Sahara Occidental. À ce titre, le chef de l’Etat a fait porter la responsabilité à la personne de Pedro Sanchez. Évoquant la position de l’Espagne, à travers le gouvernement Sanchez, sur la question du Sahara occidental, le président Tebboune considère cette position « comme individuelle du Gouvernement Sanchez », ajoutant néanmoins que l’Espagne, en tant qu’ancienne puissance coloniale, a une grande part de responsabilité dans cette période de turbulence et dans la résolution de la question, notant que « L’Espagne feint d’ignorer qu’elle était la puissance colonisatrice et continue d’avoir une responsabilité sur le territoire sahraoui ». En effet, le Sahara occidental était une colonie espagnole jusqu’en 1975. Le Maroc a alors pris le contrôle sur les terres sahraouies, dans un mouvement qui n’a pas été reconnu internationalement. « L’Espagne s’est alignée dans le dossier du Sahara occidental avec des attitudes secrètes qui ne la déchargent pas de ses responsabilités », a poursuivi Tebboune. Toujours concernant l’Espagne, plus précisément sur le volet commercial et énergétique (approvisionnement en gaz), le président Tebboune a tenu à rassurer que « les échanges économiques se sont poursuivis malgré cette crise, en particulier dans le secteur privé ».
« Des relations particulières avec l’Italie »
Dans le même contexte, et concernant les relations algéro-italiennes, Tebboune a affirmé que « l’Italie n’avait pas profité de la crise avec l’Espagne », notant que « l’Algérie s’est engagée à fournir de l’énergie au peuple espagnol ». Comme l’a précisé le président Tebboune, « les relations algéro-italiennes sont stratégiques, historiques et très solides, remontant à l’époque de la révolution », ajoutant que « le récent accord énergétique avec l’Italie comprend l’électricité, le gaz et l’hydrogène ». En outre, le Chef de l’État algérien a spécifié que « le partenariat algéro-italien sur l’énergie concernait l’électricité, le gaz et l’hydrogène ». Il a ensuite précisé que « l’Algérie comptait le mettre en œuvre en collaboration avec les autres pays européens ». Pour rappel, l’Algérie est reliée à l’Italie par le gazoduc Transmed via lequel sont acheminés les volumes exportés vers ce pays. Eu égard également à l’accord entre Alger et Rome pour relancer le projet du gazoduc reliant El Kala (nord-est de l’Algérie) à la Sardaigne, à savoir « GALSI » (acronyme pour « Gazoduc Algérie – Sardaigne – Italie »).
Conflit ukrainien : « L’Algérie est habilitée à jouer le rôle de médiateur »
Pour ce qui est de la crise ukrainienne, qui dure depuis février 2022, Tebboune a mis en avant la position algérienne vis-à-vis de ce conflit international, estimant que l’Algérie est mieux placée que certains pays, en vue de trouver une issue diplomatique à cette guerre. Dans ce sens, le chef de l’Etat a indiqué que l’Algérie est habilitée pour cela, soulignant qu’elle « est parmi les rares pays à jouir de la crédibilité nécessaire, afin « d’assumer le rôle d’intermédiaire dans la résolution du conflit ». Par la même occasion, Tebboune s’est exprimé sur les relations algéro-russes, confirmant que « sa visite en Russie est toujours d’actualité et aura lieu au mois de mai prochain sur invitation du président russe ».
« L’Algérie restera toujours aux côtés de la Tunisie »
S’exprimant sur le cas de la Tunisie et de ses proches relations avec l’Algérie, Tebboune a confié que « la Tunisie faisait l’objet d’un complot », et que « n’en déplaise à certains, qu’on le veuille ou non, l’Algérie se tiendra toujours à ses côtés ». Une optique allant dans le même sens des récentes déclarations du président tunisien Kais Saied, qui avait fait part de la nécessité de mettre un terme rapide au flux d’un grand nombre de migrants irréguliers d’Afrique subsaharienne vers son pays, décrivant le phénomène comme un complot pour « changer la composition démographique » du pays. « L’objectif non déclaré des vagues successives d’immigration clandestine, est de considérer la Tunisie uniquement comme un pays africain qui n’a aucune affiliation avec les nations arabes et islamiques », avait déclaré le chef d’Etat tunisien, évoquant « un stratagème criminel qui a été préparé depuis le début de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».
« Des relations fragiles avec Paris »
Outre les relations avec le Maroc, l’Espagne et l’Italie, le président Tebboune a été interrogé sur les relations entre l’Algérie et la France. Il s’est voulu clair en affirmant qu’elles connaissent des perturbations. « Notre relation avec la France est fluctuante », a-t-il indiqué. Dans la foulée, le président de la République a annoncé le retour prochain de l’ambassadeur d’Algérie en France. Et d’ajouter textuellement : « l’ambassadeur algérien sera bientôt de retour à Paris ». Pour rappel, l’ambassadeur Saïd Moussi a été rappelé en Algérie le 8 février dernier, pour consultations, notamment après l’affaire de l’exfiltration illégale d’Amira Bouraoui vers la France, d’où les raisons de ces nouvelles tensions entre les deux pays. Dans le sillage, il est bon de rappeler qu’Alger avait dans un premier temps rappelé son ambassadeur à Paris le 2 octobre 2021 en réaction à des propos déplacés du président français, Emmanuel Macron, qui affirmait que l’Algérie, après son indépendance en 1962, s’était construite sur « une rente mémorielle » entretenue par « le système politico-militaire ». Et ce n’est que trois mois plus tard, soit le 6 janvier 2022 qu’Alger rétablit son ambassadeur à Paris.
« La cause palestinienne toujours sacrée pour l’Algérie »
Pour terminer son interview, Tebboune a souligné le soutien indéfectible de l’Algérie à la Palestine, réaffirmant la position de l’Algérie à l’égard de la question palestinienne en déclarant que celle-ci représentait « la mère des causes » et qu’elle incarnait « presque » une cause interne pour notre pays. Une vision qui confirme une fois de plus la position constante de l’Algérie vis-à-vis de la cause palestinienne. Auparavant, Tebboune avait souligné dans plusieurs déclarations, que « la cause palestinienne est sacrée pour l’Algérie, et il n’y aura pas de relations avec Israël sans l’établissement d’un État palestinien avec El-Qods comme capitale ».
Synthèse Hamid Si Ahmed