La saga des scandales qui éclaboussent le royaume marocain se poursuit. Après le PegasusGate de l’été 2021 qui a mis en évidence le rôle central joué par le Makhzen dans la vaste opération d’espionnage qui a touché même des chefs d’Etat, le Maroc est cité dans le tout retentissant scandale de corruption qui vient de jeter l’opprobre sur le Parlement européen.
D’ailleurs, à peine le parquet fédéral belge entame une enquête sur cette grossière affaire, avec de mises en cause à la pelle et des arrestations suivies de la mise en détention provisoire parmi les députés, comme le cas de l’ancien membre du Parlement l’italien Pier Antonio Panzeri et de son ancien assistant, les investigations n’ont pas mis du temps à prendre la piste marocaine. On l’aurait deviné ; mais la preuve des agissements scabreux du Maroc au sein du Parlement européen pour bloquer les résolutions qui devraient, normalement, faire avancer la question sahraouie, vient de le confirmer. Et les premiers éléments de l’enquête mise en branle par le parquet belge ont donné lieu à la mise en cause d’une quinzaine d’eurodéputés. Selon des informations rapportées par plusieurs médias internationaux, certains des mis en cause ont avoué avoir fait partie d’un lobby utilisé par les services secrets marocains pour influer sur le cours des décisions au sein du Parlement, comme celui de pérenniser les accords spoliateurs des richesses sahraouies, malgré le fait qu’ils étaient plusieurs fois invalidés par la CJUE.
L’affaire, qui a provoqué une onde de choc en Europe, s’est soldée par l’arrestation d’une vice-présidente du Parlement, la Grecque Eva Kaili, dont le compagnon Francesco Giorgi a avoué, ce jeudi, aux enquêteurs avoir fait partie d’une organisation utilisée par le Maroc « dans le but d’interférer et d’influencer les affaires européennes », cite le journal belge Le Soir, qui a eu accès à des documents avec le média italien La Repubblica. Alors que le mandat d’arrêt à son encontre a été confirmé, Francesco Giorgi a été a reconnu que son rôle dans cette organisation secrète était de gérer l’argent liquide. Et ses aveux ne s’arrêtent pas là, surtout lorsqu’il mène droit vers le Maroc. Il soupçonne notamment deux personnes d’avoir touché de l’argent via l’ancien eurodéputé socialiste Pier-Antonio Panzeri, en l’occurrence l’eurodéputé italien (groupe S&D) Andrea Cozzolino et le Belge Marc Tarabella. Selon les mêmes médias, le député socialiste a été perquisitionné à son domicile, au soir de samedi soir, en présence de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.
Des contacts avec le renseignement marocain
Et d’après Le Soir et La Repubblica, Antonio Panzeri, Andrea Cozzolino et l’assistant Francesco Giorgi auraient été en contact avec la DGED (Direction générale des études et de la documentation, un service de renseignement et de contre-espionnage au Maroc) et avec Abderrahim Atmoun, ambassadeur du Maroc en Pologne. Outre ce dernier, deux agents du service de renseignement marocain sont cités dans ces documents, d’après la même source. Il y a cinq mois, le service de renseignement belge, assisté d’autres services européens, apprend l’existence d’un « réseau » qui travaille « pour le compte » du Maroc. L’acte dressé par le parquet de Bruxelles montre une incroyable richesse de détails. Et une suite d’opérations décidées et convenues au sein d’un système éprouvé. En fait, chaque démarche vise à mener une « activité d’ingérence » au siège de l’Union européenne (UE) et dans les postes clés des institutions communautaires, en particulier le Parlement. La Repubblica écrit encore : « Le plus actif dans la recherche d’+influence+ est l’Etat du Maroc. Rencontres, entretiens et dîners avec les plus hauts responsables des services secrets de Rabat sont une constante de ce dispositif ». La « clique », en fait, a d’abord été branchée par un officier de la DGED, en poste à Rabat. Il s’agit de Belharace Mohammed, qui a également pu compter sur l’intermédiation d’un diplomate basé à Varsovie : Abderrahim Atmoun. Dans le mandat d’arrêt, en effet, sont rapportées les analyses du renseignement bruxellois : les trois de la « clique » collaborent avec les services marocains, il n’y a « aucun doute ». (…) Le rôle du diplomate de Rabat qui évolue sur l’axe Varsovie-Bruxelles est central, précise le journal. En fin de compte, tout le monde reçoit ses ordres. Mais il y a un maillon encore plus important dans cette chaîne qui s’est rassemblée autour du Parlement européen : Mansour Yassine, DG de la DGED. Les trois l’ont rencontré, selon le quotidien italien. Il s’agit du deuxième scandale de grande ampleur dans lequel le Maroc est impliqué après l’affaire d’espionnage Pegasus, du nom du logiciel développé par une société sioniste (NSO group) qui a permis au Royaume d’espionner des personnalités sur son territoire mais également à l’étranger.
Synthèse Farid Guellil