L’annonce de législatives anticipées et le retour du Hirak ont eu l’effet d’un coup de pied dans la fourmilière de l’agora des partis politiques. Au sein des formatons islamistes notamment, on assiste depuis plus d’un mois au foisonnement des réunions et déclarations appelant à serrer les rangs et à ne pas laisser « le courant laïc » s’installer.
La résurgence des manifestations du Hirak, depuis le 22 février dernier, date marquant le deuxième anniversaire de ce mouvement populaire, a curieusement induit un changement de ton chez ces partis, qui se considèrent soudainement les porte-paroles. « Nous sommes le premier parti qui est descendu au Hirak le 22 février [2019]. Et si nous descendrons demain, que ceux qui veulent nous chasser soient des hommes et s’approchent de nous pour voir de quel bois on se chauffe ». C’est la déclaration faite, hier, par le leader du Mouvement de la société pour la paix, Abderrezak Makri, lors d’une conférence de presse à l’occasion de deuxième anniversaire du Hirak.
Voilà ce qui va susciter l’étonnement et la méfiance des Algériens qui manifestent encore dans la rue. Car on se souvient tous que quelques jours avant cette date d’explosion de la colère populaire, le leader islamiste avait annoncé, à savoir le 26 janvier 2019, sa candidature à la présidentielle avortée du 18 avril de la même année, qui devait l’opposer à Abdelaziz Bouteflika, qui s’apprêtait alors à briguer un cinquième mandat. Dans les jours qui suivent Makri dévoilera « le rêve algérien », l’intitulé de son programme électoral, alors que les voix ne font que grandissantes, l’incitant à renoncer à sa candidature.
Mais pour Makri les postures seraient vite oubliées et tous les moyens sont désormais permis pour se porter porte-voix du Hirak, en jouant sur le clivage naissant de cette dualité faussée de « laïcs vs islamistes ». Dernière trouvaille : Makri a déclaré, hier, que « l’État profond » avait tenté d’imposer une vieille figure militaire appartenant à la tendance laïque pour succéder à l’ancien président déchu, en référence au général à la retraite Ali Ghediri. Le président du MSP a estimé que le Hirak a réussi, en plus de briser le projet du cinquième mandat, à mettre la lumière sur les conflits qui existaient au sein du régime politique à l’époque. Makri dira même que les militants et dirigeants de sa formation politique ont été les premiers défenseurs et participants aux manifestations du mouvement populaire. « Aucun parti, hormis nous, n’était descendu dans la rue durant le premier vendredi du Hirak. Personne aujourd’hui n’a le droit de nous faire des surenchères ou de nous écarter », a indiqué celui qui revendique d’ores et déjà sa part de gâteau lors de la prochaine reconfiguration législative et politique.
L’urne « n’est pas en faveur » des laïcs
Dans le même ordre d’idées, Makri a évoqué le slogan «État civil et non militaire», en disant: «Le MSP a exigé la civilisation de l’action politique depuis sa création. Civilisation, ce qui ne signifie pas l’hostilité entre les militaires et les politiques, mais plutôt l’unité dans l’intérêt de la nation ». Il a également exprimé son rejet de l’idée de désigner des représentants du Hirak qui a laissé, croit-il savoir, des comportements négatifs parmi les manifestants, citant l’incident de l’expulsion du militant politique Samir Belarbi lors de la marche de Kherrata. Makri a mis en garde contre une conspiration menée par le mouvement laïc, qu’il a qualifié « d’éradicateur », en disant : « Ils veulent imposer une période de transition pour renverser l’équation, car sachant que l’urne n’est pas en leur faveur ».
Il a ajouté: « Notre entrevue avec le président Tebboune a fait un grand tapage médiatique, même si le président a reçu de nombreuses personnalités de partis comme le FFS ». Le leader du MSP a indiqué que le Président s’était engagé, lors de sa rencontre avec lui, à assurer la transparence des prochaines élections, déclarant : «Le MSP a une doctrine politique qui l’oblige à répondre aux engagements de l’autre partie, de sorte que les mécanismes de traitement et jugement seront pris au plus tard. C’est ce qu’avait fait auparavant le MSP avec l’ancien président Zeroual, qui s’est engagé à ne pas truquer les élections, mais il a dirigé les crimes de fraude en faveur du RND par la suite ».
« Ecarter le Maroc de l’Union maghrébine »
Commentant l’actualité internationale, Abderrazak Makri a soutenu l’initiative du président du Parlement tunisien, Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda, qui a appelé son pays, l’Algérie et la Libye, à ouvrir les frontières et à adopter une monnaie unique. « Ghannouchi a mentionné la Tunisie, l’Algérie et la Libye, et a oublié la Mauritanie, et nous, nous ajouterons ce pays », a-t-il déclaré, en écartant le Maroc de cette initiative maghrébine. « Le Maroc a amené les sionistes à la porte de la maison, et nous ne pouvons plus lui faire confiance, sauf dans le cas où il s’éloignerait de la route qu’il a empruntée, et puis il y aura autre chose à dire », a déclaré Makri. « Nous, nous tenons au Maghreb arabe, et nous soutenons tout accord entre les quatre pays, et le reste suivra, comme cela s’est produit avec l’Union européenne », a ajouté Makri.
Hamid Mecheri