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Un an après la révolte d’octobre : Qu’est-ce qui a changé en Irak?

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En octobre 2019, ils réclamaient la chute d’un système pour eux à bout de souffle. Un an et près de 600 morts plus tard, les manifestants n’ont rien vu changer en Irak qui s’enfonce dans le marasme politique et économique.

Ils sont sortis le 1er octobre 2019 contre la corruption, les hommes politiques «vendus» selon eux à l’Iran ou aux États-Unis, l’absence de services publics, le chômage des jeunes… Même si Moustafa al-Kazimi a remplacé Adel Abdel Mahdi, dont le gouvernement est tombé sous la pression du mouvement de contestation inédit, aucune réforme n’a été engagée. La chute des prix du brut a encore fait fondre le budget public et aucun politicien n’a été arrêté pour corruption, bien qu’un tiers des revenus du pétrole, seule source de devises du pays, y soit déjà passé. Pire encore, les meurtriers et ravisseurs de militants n’ont jamais été inquiétés. Quotidiennes et importantes pendant des mois, les manifestations sont devenues rares après l’assassinat par les États-Unis en janvier à Bagdad du général iranien Qassem Soleimani et ont cessé après l’épidémie du coronavirus. Mais elles pourraient reprendre. Malgré l’arrêt de la contestation marquée par des violences sanglantes, le gouvernement Kazimi assure n’avoir qu’un seul donneur d’ordre: le peuple. Et renvoie la balle dans le camp des députés, les politiciens les plus honnis. «Les manifestants réclamaient des élections anticipées et une nouvelle loi électorale: c’est ce que nous faisons», assure à l’AFP Abdelhussein Hindawi, conseiller du Premier ministre pour les élections. De législatives anticipées ont été annoncées pour le 6 juin 2021 et la loi électorale a été votée. Mais il reste à approuver la carte électorale et le type de scrutin, qui détermineront les gagnants.
Partir ou rester?
Surtout, M. Kazimi a beau répéter vouloir mener un «gouvernement de transition», députés et rivaux l’accusent de se préparer à concourir en 2021. «Il est bloqué car il doit prendre une décision», résume Renad Mansour, de Chatham House. «Veut-il être Premier ministre encore quatre ans et donc jouer le jeu politicien? Ou changer les choses tout de suite?». Plus prosaïquement, ce que la rue réclame, c’est de l’électricité et des emplois pour les jeunes -60% des Irakiens- dont un tiers sont au chômage. Le gouvernement a commencé par prôner l’austérité avec des caisses «presque vides». Mais, comme tous ses prédécesseurs, il a au final embauché des centaines de fonctionnaires, dont les salaires représentent déjà la première dépense publique. Depuis, devant chaque ministère, quelques dizaines de diplômés chômeurs campent, réclamant un contrat. Avec un budget 2020 toujours pas adopté, le gouvernement a promis un «livret blanc» pour avant septembre, toujours pas finalisé selon des responsables. Incapable d’assurer ses dépenses ou même de contracter de nouveaux prêts, il reste pris à la gorge alors que le taux de pauvreté pourrait doubler cette année pour atteindre 40%. La crise du coronavirus (plus de 9.000 morts et 350.000 cas) a rebraqué les projecteurs sur des hôpitaux sans moyen ni personnel formé, qui bientôt auront «perdu tout contrôle», de l’aveu du ministère de la Santé.

«Trop sensible»
De plus, l’insécurité est persistante avec des milices armées qui kidnappent des militants anti-pouvoir ou anti-Iran, malgré la promesse du gouvernement de les désarmer. Plusieurs Européens ont été enlevés cette année. «Nous savons qui sont les responsables et où ils sont, mais on ne peut ni les arrêter ni les dénoncer», affirme un responsable sous couvert d’anonymat. «C’est trop sensible». Forcé de composer avec un Parlement majoritairement pro-Téhéran et une rue qui conspue l’influence iranienne en Irak, «M. Kazimi a un pied chez l’élite et un autre chez les anti-establishment», décrypte M. Mansour, «et ne satisfait pleinement aucun des deux camps». Et poussé par Washington, il ne cesse de menacer les auteurs d’attaques, principalement à la roquette contre des intérêts américains. Lundi soir, un de ces projectiles a tué six membres d’une famille vivant non loin de l’aéroport visé. Mais seuls quelques commandants du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires pro-Iran intégrés à l’Etat, ont été limogés. En septembre, le gouvernement a promis des pensions aux familles de «martyrs de la révolution». Mais jusqu’ici, pas un centime n’a été versé. M. Kazimi a annoncé ensuite l’érection de statues à Bagdad et Nassiriya, bastions de la contestation. «Je ne me rappelle pas qu’on ait réclamé des statues», se moque Ali, qui avait manifesté à Bagdad. Pour M. Mansour, «le défi irakien ne peut être relevé par un seul homme. Et dans un contexte aussi violent, il peut encore moins l’être par un adepte de la politique des petits pas».

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