Alors que le gouvernement a mis en œuvre son Plan de déconfinement progressif, plusieurs commerces ont été autorisés à rouvrir depuis dimanche dernier. Parmi eux, les magasins de restauration rapide, ou les fast-foods.
Après une fermeture de plus de deux mois en raison des mesures imposées pour endiguer la propagation de coronavirus, les locaux de vente des pizzas, sandwichs, hamburgers, pourront enfin rouvrir leurs portes, à l’instar d’autres commerces comme les coiffeurs pour hommes et les magasins de vente de matériel électroménager, à condition de respecter un certain nombre de mesures sanitaires. Une réouverture, toutefois timide qui n’a pas connu les clichés d’avant-confinement, où ces commerces de fast-food étaient littéralement assaillis – notamment pendant les heures de pointe – par des citoyens visiblement impatients.
La clientèle n’a pas été au rythme souhaité par ces restaurateurs, alors que beaucoup de ces derniers ont préféré attendre encore avant de rouvrir et voir si les clients vont revenir, avons-nous constaté dans plusieurs quartiers commerçants à Alger-centre, hier, deuxième jour du déconfinement. « D’habitude, beaucoup de clients arrivent ici et la demande est très importante. On s’attendait à un afflux de la clientèle. Mais je pense que c’est à cause des transports publics qui tardent à reprendre, que les consommateurs, composés essentiellement de passants et visiteurs de ces quartiers, que la consommation est faible », nous a confié un ouvrier dans un fast-food non-ouvert, s’affairant dans des tâches de nettoyage de son local.
On s’accommode mieux des gestes barrières
À l’issue de notre virée sur les lieux, à 10H, la plupart des commerces ont respecté les consignes de sécurité pour limiter les risques de contamination : utilisation de gel hydro-alcoolique, port du masque obligatoire, marquage sur le sol. La distanciation physique est difficile à respecter alors que la majorité de ces locaux sont des espaces exigus. Devant certains magasins et salon de coiffure, des notes sont affichées, informant que l’accès des clients est limité à deux simultanément, alors qu’à l’extérieur, d’autres clients sont regroupés sans respecter une distance d’intervalle.
Dans un magasin de ventre de pâtisseries et gâteaux à la place Audin, aucune limitation des clients à l’intérieur n’est exigée. Résultat : le magasin est bondé de citoyens dont la majorité ne portant même pas de masque de protection. Interrogés sur cette situation, beaucoup de gérants de ces commerces nous ont affirmé qu’il est souvent difficile d’obliger un client à porter un masque. « On ne peut rien faire, à part sensibiliser les clients. Ce n’est pas au commerçant de verbaliser ses clients. Au contraire, j’adresse une sollicitation à ces derniers ; “S’il vous plaît, chers clients, ne soyez pas une cause dans la fermeture de nos magasins ! Respectez les consignes sanitaires !” », nous a indiqué l’un de ces commerçants.
De longues files d’attente, encore et toujours !
D’autres commerçants nous ont affirmé qu’ils craignent une éventuelle fermeture, préférant ainsi patienter et voir si les clients vont s’adapter facilement avec les nouvelles mesures sanitaires. Ils redoutent le scénario de la première semaine du Ramadhan quand le gouvernement avait autorisé un certain nombre d’activités avant de revenir sur sa décision quelques jours après seulement devant les images ahurissantes de personnes s’entassant densément dans les magasins pour acheter de la zlabya. À 11H00, nous traversons la rue Ferroukhi Mustapha et retombons sur de surprenantes longues files d’attente devant un camion de livraison de lait subventionné en sachet. D’un moment à un autre, des altercations se déclenchent entre citoyens. Une situation qui s’est poursuivi jusque dans l’après-midi.
Dans la rue, la décision de réouverture des fast-foods notamment enflamme les débats entre citoyens pour et ceux contre. « Cette décision m’inquiète sérieusement. Ce n’est pas raisonnable. En plus de l’impossibilité d’observer convenablement les gestes barrières comme de respecter une certaine distance entre clients, rien n’assure aujourd’hui que ces fast-foods ne vont pas utiliser les produits achetés il y a trois mois – avant la fermeture – au risque de la santé publique car ces produits peuvent être périmés », s’alarme un citoyen rencontré hier. Non loin de lui, un autre, émettant un tout autre avis, sur un ton de colère : « pour ceux-là qui disent que normalement les fast-foods ne doivent pas être rouverts, je demande : avez-vous pensé au sort de ces dizaines de travailleurs dans ces pizzerias qui n’ont pas travaillé depuis trois mois ? Comment peuvent-ils vivre ? Mettez-vous à leur place et ensuite jugez sur les conséquences ! ».
Hamid Mecheri