Ils auraient pu amasser mousse, ces pierres qui roulent depuis 1962, et qui ont envoyé pas mal de concurrents en dehors de la scène artistique à commencer par leurs adversaires attitrés, les Beatles puis les Who et les Doors, pour ne parler que des géants british.
Par Ali El Hadj Tahar
Les Roling Srones n’ont donc pas sorti de nouvelle chanson depuis 2016, année de sortie de Blue & Lonesome, le vingt-troisième album studio du mythique groupe rock britannique. L’album Blue & Lonesome s’était fait beaucoup attendre puisqu’il n’est sorti que onze années après A Bigger Bang. Entre 1964, date de sortie du premier album des Stones, et 1989, le groupe de Mick Jagger avait habitué ses fans à sortir presque un album par an. Enregistrée avant le confinement, la dernière chanson des rockers anglais est en totale harmonie avec ce qui se passe dans le monde : le confinement de plus de 4 milliards d’humains, puisqu’elle parle justement d’isolement et de solitude. Alors qu’ont les pensait déjà en retraite, les voila qui récidivent, ces séniors qui ne rouillent ni n’amassent mousse, en sortant, le 23 avril, leur premier single depuis huit ans, « Living In A Ghost Town » (Vivre dans une ville-fantôme). Ce titre que l’on croirait fait spécialement pour la situation qui prévaut actuellement a pourtant été écrit il y a plus d’un an. « Les Stones enregistraient en studio de nouveaux morceaux avant le confinement, et on a trouvé qu’une chanson, Living In A Ghost Town, résonnerait plus particulièrement en cette période », écrit Mick Jagger sur Twitter. Le chanteur quasi septuagénaire ajoute : « Elle n’a pas été écrite pour maintenant », précise le chanteur. « Elle parle d’un endroit qui était auparavant plein de vie, et se retrouve sans vie… J’étais en train de jouer de la guitare et je l’ai écrite vite, en dix minutes. » Mick a cependant légèrement modifié le texte avant la sortie du single. Les nouvelles paroles évoquent la solitude de l’isolement. « Please let this be over / Stuck in a world without end », dit notamment la chanson (« Faites que ça se termine / Coincés dans un monde sans fin »). Keith Richards, le soliste et 4e plus grand guitariste de tous les temps, renchérit : « C’est étrange de la voir soudainement prendre vie », a-t-il déclaré. Keith Richards, Mick Jagger, Brian Jones et Ian Stewart, fondateurs du groupe en 62 et ses quasi-fidèles icones, devaient donner quinze concerts en Amérique du Nord à partir du 8 mai, mais la pandémie a tout bouleversé. La chanson a pu voir le jour malgré le confinement, et ils ont même donné un concert virtuel organisé pour soutenir les soignants mobilisés face à la pandémie.
La chanson Living In A Ghost Town a été écrite par Mick Jagger et Keith Richards, et enregistrée l’an dernier à Los Angeles et Londres, puis finalisée pendant le confinement. Les paroles évoquent le chaos, la destruction, l’isolement et la solitude, dans un monde vidé de ses habitants, sans fêtes ni joie. On peut penser qu’une guerre atomique ait mis le monde entier sous scellés mais les paroles s’adaptent à la pandémie actuelle. Il n’y a donc rien de prémonitoire dans ses paroles mais seulement une coïncidence, d’autant que de nombreux œuvres littéraires ou picturales ont traité de ce sujet, depuis Le Petit Prince de Saint Exupéry, Robinson Crusoé de Daniel Defoe ou les peintures vides de Giorgio de Chirico, par exemple. La légende du rock planétaire a donc mis le paquet dans cette chanson forte qui a été enregistrée pour un nouvel album, un projet en cours. La pandémie a décidé les Stones de mettre en circulation ce clip de quatre minutes qui montre des images de villes désertes, captées avec l’effet circulaire d’un objectif «œil de poisson». « Je suis un fantôme dans une ville fantôme», chante Jagger. Comme toutes les chansons des Stones, celle-ci renvoie aux racines du blues et de la rock musique et qui a été écrite presque de la même manière que « Satisfaction », le tube immortel des Stones dont Keith Richards a créé le riff presque par hasard une nuit d’insomnie, sauf que pour Ghost, c’est le couple Mick Jagger et son faux double, Keith Richards, qui ont en concocté les paroles. Le reste, la musique, a été brodé par l’expérience. Les immortels du rock en colère restent donc sur la même tonalité acidulée douce amère qui donne et le blues et l’envie de croquer la vie et d’en briser les barreaux.
A.E.T.