« Celui qui jette son pain en riant, le ramasse plus tard en pleurant », cette sentence résume à elle seule l’étendue de ce « sacrilège » en Algérie et qui concerne le gaspillage du pain qu’on jette dans les poubelles. Désormais, cet état de fait va crescendo et rien ne semble l’arrêter où tout le monde s’accommode de ces comportements inciviques et antipatriotiques.
Qu’on en juge : selon les chiffres donnés par l’agence officielle (APS), l’Algérie consomme 50 millions de baguettes par jour dont 10 millions sont gaspillées quotidiennement et que ce chiffre passe à 13 millions de baguettes durant le mois de Ramadhan, mois par excellence, diriez-vous, de piété, de ferveur et de prières. Selon toujours l’APS, le montant du gaspillage de cette denrée alimentaire s’élève à 340 millions de dollars par an. Alors que la fabrication de ce pain, gaspillé plus tard par le consommateur algérien, nécessitera un million de tonnes de blé tendre, dont le soutien de l’état pour cette matière s’élève à 15,5 milliards de DA (1,20 milliard de dollars). Sur ce registre l’Algérie importe 7 millions de tonnes de blé tendre d’une valeur de 1,6 milliard de dollars et produit moins de 10% de ses besoins en cette matière, où 60% de cette quantité sont destinés aux boulangeries, comme un produit subventionné par l’état, est-il encore indiqué. Par les temps qui courent, le pain, cette nourriture bénie, se vend sur les trottoirs, et est jetée sans état d’âme dans les poubelles, où certains s’adonnent à ce nouveau « job » juteux, par ailleurs, qui consiste à récupérer ce produit jeté et le revendre à un « grossiste » qui va, lui, l’écouler à certains éleveurs en mal d’aliment de bétail, où un véritable réseau de récupération a pris forme ces dernières années. Pour remédier à ce phénomène, qui engendre beaucoup de perte en devises au pays, les pouvoirs publics ont procédé récemment à l’installation d’une commission multisectorielle qui a pour mission de lancer une campagne nationale de sensibilisation pour lutter contre le gaspillage du pain qui, il faut l’admettre, a pris des proportions alarmantes. Cette commission a pris son bâton de pèlerin pour sensibiliser les citoyens à plus de rationalité dans l’achat et la consommation, pour ne pas le jeter par la suite. Elle est représentée par les ministères du Commerce, de la Santé, des Affaires religieuses, de l’éducation, de l’Enseignement supérieur, et du mouvement associatif. La mission consiste à ce beau monde de se déplacer au niveau des établissements, tels que les cantines scolaires, les cités universitaires, les restaurants et les hôpitaux, pour expliquer et sensibiliser, mais surtout convaincre contre ces comportements qui vont même à l’encontre de notre éducation et notre religion.
Dans l’absolu, comment peut-on changer les habitudes alimentaires et atténuer la consommation excessive du pain qui, selon les nutritionnistes, engendre des maladies chroniques, telles que l’obésité, le diabète où encore l’hypertension artérielle. Reste la question, quel impact auront ces campagnes de sensiblisation sur le gaspillage du pain ? Selon l’avis de certains artisans boulangers, il y aura peu d’effet sur les consommateurs, tant que le pain fabriqué actuellement est de moindre qualité. En conséquence, il faudrait aller vers la fabrication d’un « pain complet et sain » qui va permettre de réduire de 70% le gaspillage du pain. Autrement dit, c’est l’équation qualité –prix qui doit être négociée, mais cela reste un autre débat. Alors, y aurait-il un déclic ?
Mâalem Abdelyakine