La Russie s’ingère dans la campagne électorale pour la présidentielle de 2020 pour faire réélire Donald Trump, ont révélé des responsables du renseignement américain à des parlementaires lors d’un briefing, selon les médias américains. Rendu furieux par ce briefing, Donald Trump a annoncé mercredi le limogeage du chef du renseignement, Joe Maguire, et son remplacement par un de ses fidèles.
Trump a laissé exploser sa colère contre M. Maguire, directeur par intérim du renseignement national – l’agence qui chapeaute les services de renseignement -, lorsqu’il a été mis au courant de ce briefing datant du 13 février devant la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, ont révélé jeudi le Washington Post et le New York Times. Selon ces journaux, au cours de cette audition, une conseillère de M. Maguire, Shelby Pierson, aurait dit aux élus présents que la Russie était de nouveau en train d’interférer dans les élections américaines pour promouvoir la candidature de M. Trump, qui s’est plaint que les démocrates utiliseraient cette information contre lui.
«Catalyseur»
Selon le New York Times, le président a particulièrement été courroucé par la présence à ce briefing d’Adam Schiff, le démocrate qui a dirigé l’enquête parlementaire suite à laquelle le milliardaire républicain a été mis en accusation pour abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès. Joe Maguire était l’un des favoris pour devenir directeur permanent du renseignement mais, selon le Washington Post, M. Trump se serait retourné contre lui lorsqu’il a été informé de ce briefing classé top secret. Le président s’en est alors pris à M. Maguire lors d’une rencontre dans le Bureau ovale la semaine dernière, en le fustigeant pour le «manque de loyauté» de son personnel, selon le Washington Post. Ce qui aurait été le «catalyseur» de la mise à l’écart de Joe Maguire, d’après le journal. «Nous comptons sur les services de renseignement pour informer le Congrès de toute menace d’ingérence étrangère dans nos élections. Si les informations sont vraies et que le président interfère avec cela, alors il est de nouveau en train de mettre en péril nos efforts visant à arrêter toute ingérence étrangère. Exactement comme nous avions prévenu qu’il le ferait», a réagi Adam Schiff dans la soirée sur Twitter. «Le président est dans le déni concernant l’ingérence étrangère dans les élections depuis trois ans parce que son ego ne peut pas accepter que la Russie soit intervenue en sa faveur», a de son côté dénoncé le démocrate Bennie Thompson, président de la commission sur la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants. «En limogeant M. Maguire parce que son personnel a présenté les conclusions franches des services de renseignement au Congrès sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle de 2020, le président ne refuse pas seulement de défendre (le pays) contre les ingérences étrangères, il les encourage», a-t-il ajouté dans un communiqué.
Limogeages en série
Le président a annoncé mercredi qu’il remplaçait M. Maguire par Richard Grenell, l’actuel ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne, un de ses fidèles soutiens. Les démocrates ont critiqué la nomination d’un homme n’ayant pas le parcours et l’expérience pour un poste où il supervisera 17 agences fédérales dont la CIA. La porte-parole de la Maison Blanche Stephanie Grisham a pris jeudi la défense de M. Grenell, «qui s’est engagé à avoir une approche non partisane ou politique en tant que chef du renseignement». M. Grenell lui-même, un partisan affiché de la montée de la droite populiste en Europe, a précisé sur Twitter que sa nomination était temporaire et que Donald Trump choisirait «bientôt» quelqu’un d’autre. Depuis qu’il a été acquitté par le Sénat, dominé par les républicains, lors de son procès en destitution, M. Trump a limogé plusieurs personnes, notamment au département de la Justice, au Conseil de sécurité nationale ou au Pentagone, les jugeant déloyales. Parmi elles figurent le lieutenant-colonel Alex Vindman et l’ambassadeur auprès de l’Union européenne Gordon Sondland, deux témoins-clés lors de l’enquête en destitution, et John Rood, le numéro 3 du Pentagone. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, M. Trump a fréquemment ignoré l’avis de son ancien chef des services de renseignement, Dan Coats, et l’a tenu à l’écart de certains dossiers, notamment des relations avec la Russie.