N’ayant pas tenu de réunion, depuis 2013, alors que les problèmes de sécurité et leurs conséquences sur le pays pesaient lourdement, notamment avec la situation instable au Mali et au Sahel en général, et les conflits armés en Libye en particulier, -devenue aujourd’hui un sanctuaire des terroristes avec la guerre qui s’y profile, menaçant de déstabiliser l’ensemble de la région- l’Algérie se prépare à toutes les éventualités pour assurer la sécurité de ses frontières.
Jeudi dernier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a présidé à la présidence de la République, une réunion du Haut Conseil de sécurité (HCS), au terme duquel des mesures ont été prises pour renforcer la sécurité de nos frontières avec le voisin de l’Est, la Libye. Lors de cette réunion d’une importance sécuritaire majeure, le président Tebboune a assuré que celle-ci se tiendra périodiquement et à chaque fois que nécessaire. Ainsi, le Haut Conseil de sécurité a examiné « la situation dans la région, notamment au niveau des frontières avec la Libye et le Mali », souligne un communiqué de la Présidence. Il a été décidé « d’une batterie de mesures à prendre pour la protection de nos frontières et notre territoire national », il a été notamment question, lors du conclave du Haut Conseil de sécurité, de « la redynamisation du rôle de l’Algérie au plan international, particulièrement en ce qui concerne ces deux dossiers (Libye et Mali : Ndlr) », et de manière générale, poursuit la même source, « dans le Sahel, la région saharienne et l’Afrique », précise le communiqué de la Présidence.
Rappelons que notre pays partage près de 1 000 km de frontière avec la Libye et près de 1 400 km avec le Mali, pays encore instable, ayant du mal à voir la mise en œuvre effective de la feuille adoptée par les maliens, pour venir à bout des causes à l’origine de la situation d’insécurité et d’instabilité, dans laquelle il a été plongé, depuis les évènements au Nord malien. Les experts sont unanimes à dire que c’est la conséquence directe de l’effondrement de la Libye, dès 2011. Il faut noter que la réunion du Haut Conseil de sécurité, sous la présidence du président de la République, Abdelmadjid Tebboune s’est tenue, le lendemain du déplacement non annoncé, du président turc, en Tunisie, dans le sillage de sa décision de l’envoi de ses troupes armées, en Libye, une visite surprise à laquelle s’est joint le chef de ses services secrets ainsi que ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense. Déjà que la Turquie a fait livrer des blindés et des drones au gouvernement d’Al-Serraj, affirment des responsables de l’ONU, rapportent des médias étrangers, il est à souligner que le président turc, n’est pas le seul au avoir violé la résolution du Conseil de sécurité, relative à l’embargo des armes, pour la Libye. De la France, au Qatar en passant par l’Égypte et l’Arabie saoudite ainsi que les Émirats arabes unis, l’ensemble de ces pays étrangers n’ont cessé, depuis l’effondrement des institutions libyennes, de fournir des armes aux acteurs libyens rivaux. Des faits qui ont été soulignés, en effet, dans le dernier rapport de l’envoyé de l’ONU pour la Libye Ghassan Salamé, qui s’est contenté d’alerter les membres du Conseil de sécurité, depuis sa prise de fonction, sur les ingérences d’acteurs étrangers, en Libye, à l’origine du blocage du dialogue inter-libyen outre leur implication dans la fourniture des armes aux différents acteurs protagonistes en Libye. Situation de tension, de chaos et de conflits armés, qui semble avoir été tolérée par des membres du Conseil de sécurité, la France, les États-Unis et le Royaume-uni, à un certain seuil, ne conduisant pas à l’arrêt, dans la durée, de l’exploitation des ressources pétrolières des libyens, qui vivent, depuis plus de neuf ans, sous les bruits des armes et l’enterrement des victimes civiles, sur l’ensemble du territoire libyen.
Après une guerre par procuration, le risque de guerre des grandes puissances
Si en 2011, les membres de l’Otan et leurs alliés, principalement les pays du Golfe, ont convergé, pour intervenir militairement en Libye, offensive qui a conduit à l’effondrement du pays et la circulation, en plein air, des armes en Libye, après s’être livrés bataille par procuration, durant des années, selon leurs intérêts respectifs, leurs défaites, dans d’autres régions, (Syrie, Yémen, Irak, notamment) sur les plans géopolitique et géostratégique, chacun de son côté veut s’assurer davantage de gains, en Libye et donc sur le bassin méditerranéen, qui a été de tout temps, une région de convoitises. Dès son retour en Turquie, après sa visite expresse à Tunis, mercredi dernier, celui qui se voit, le promoteur, en ces temps, de l’Empire Ottoman, a annoncé, dans un discours, jeudi, le vote en janvier d’une loi permettant l’envoi de troupes à Tripoli, un soutien militaire, selon Erdogan, à un gouvernement libyen, reconnu légitime par la communauté internationale, fragilisé et ciblé par l’offensive militaire, lancée, avril dernier, par l’autre acteur sur la scène libyenne, jouissant lui aussi de soutien politique et militaire de pays étrangers, dont la France, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Les pays soutenant l’un ou l’autre, ne cherchent qu’à étendre leur sphère d’influence, dans la course pour le contrôle des ressources énergétiques et les voies d’approvisionnement de l’énergie, à laquelle se livrent les acteurs influents de ce monde, notamment depuis la crise de 2008, qui a vu émerger de nouvelles puissances, dont la Russie et la Chine, ainsi que des pays émergents, tels l’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil. Alors qu’il annonçait depuis Ankara, que son déplacement à Tunis, a conduit, à l’approbation des responsables tunisiens à être dans le camp de la Turquie, de là , suivie d’informations rapportées par des médias, faisant état de l’adoption par la Tunisie d’une posture en faveur du président turc, le président tunisien, Kaïs Saïed s’est adressé, dans la soirée de jeudi, à l’opinion tunisienne et internationale, sur la position tunisienne à l’adresse des derniers développements en Libye. Affirmant que la Tunisie ne serait jamais membre d’une coalition et qu’il n’accepterait pas que son pays soit gouverné par un autre État, le président tunisien a précisé que Tunis demeure attachée et engagée à promouvoir la voie d’une solution politique et non militaire à la crise et au conflit armé qui ronge la Libye et son peuple. Alors qu’il a perdu beaucoup de terrain au nord de la Syrie, depuis août dernier et les défaites occasionnées par l’armée de la République syrienne soutenue par la Russie, à l’armée turque et ses alliés des groupes armées dont, ceux de l’armée syrienne libre et d’autres composés d’étrangers qui ont sont déferlé sur la Syrie principalement de la frontière turque avec la Syrie, depuis l’éclatement de la crise dans ce pays, oblige Erdogan à prémunir son pays des conséquences du retour massif, par milliers, ce ces hommes armés sur le sol turc, en les expédiant en Libye. Pour ce faire, comptant sur son allié tunisien, qui depuis peu occupe un poste politique, et non des moindres, celui de la présidence du parlement tunisien, Erdogan a fait le déplacement en Tunisie, pour éclaircir ce point, notamment avec le président tunisien, sans perdre de vue le rôle de Rached El Ghenouchi, à la tête de l’institution parlementaire dans ce pays. Alors que d’autres pays ont procédé à l’envoi d’experts ou de conseillers militaires en Libye, , comme c’est le cas pour Erdogan, à l’exemple de la France, la Russie, l’arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, le gouvernement d’union nationale et le général à la retraite , Khalifa Haftar, bénéficient tous les deux de ces soutiens militaires, dans la guerre qu’ils se livrent et qui s’est accélérée, ces derniers jours, après son intensification , en avril dernier. S’adressant à ses rivaux étrangers sur la scène libyenne, Erdogan avance que ces derniers «soutiennent un seigneur de guerre (allusion à Khalifa Haftar :Ndlr) » et de de dire « nous, nous répondons à l’invitation du gouvernement libyen légitime, telle est notre différence.» a-t-il lancé, jeudi dernier. En plus du discours du président tunisien, indiquant le rejet de Tunis, de rejoindre le camp d’Erdogan ou de tout autre, la présidence tunisienne a, dans un communiqué, écarté l’idée d’une « alliance » et rejeté toute « interprétation » en ce sens, au lendemain la visite surprise à Tunis du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan. La bataille de Tripoli, entre le gouvernement d’union nationale et le général à la retraite Khalifa Haftar a fait, durant ces derniers dix mois, selon l’ONU, plus de 1000 morts et 140 000 déplacés, et la guerre par procuration installée en Libye, depuis 2011, risque de dégénérer, au vu des dernières déclarations d’acteurs étrangers et libyens en une confrontation plus intense entre les grandes puissances de ce monde, sur le sol libyen, menaçant de déstabiliser davantage l’ensemble de la région maghrébine, Nord-africaine et le Sahel. Celui qui la déclenchera prendra une lourde responsabilité, d’autant plus que tout le monde a, à l’esprit, que si l’on sait quand commence une guerre, on ne sait jamais quand elle finit.
Karima Bennour