La journée d’hier a été mouvementée sur le plan judiciaire, avec la poursuite de la grève des magistrats et la détermination du ministère de la Justice à « imposer » l’installation des nouveaux magistrats désignés lors du dernier mouvement opéré par la chancellerie et rejeté par le Syndicat national des magistrats (SNM).
C’est dans un climat de forte tension que le ministère de la Justice a procédé hier, à l’installation, des magistrats, au niveau des différentes juridictions à Alger. Outre l’impressionnant dispositif sécuritaire déployé devant les tribunaux de Sidi M’hamed, Bir Mourad Raïs, Chéraga et Hussein Dey, ou devaient se tenir ces installations, le tribunal administratif de Tipasa a déclaré la grève des magistrats, entamée depuis le 27 octobre dernier « Illégale ».
Bien que ces installations aient pu avoir lieu, il n’en demeure pas moins que le climat de tension a régné dans ces tribunaux. Les grévistes ont, quant eux, tenu, hier, un rassemblement à la Cour suprême, pour dénoncer la « violence » dont été victimes, la veille, leurs collègues à la Cour d’Oran.
Dans sa version des faits, le ministère a précisé que l’incident au niveau d’Oran a été initié par les magistrats grévistes qui ont « tenté d’empêcher l’ouverture de la session criminelle ». Intervenant sur les ondes de la radio algérienne, le directeur général des affaires judiciaires et juridiques, Abdelhafid Djerir a précisé que « selon les premières informations collectées sur cet incident, démontrent que les magistrats grévistes ont tenté d’interdire à leurs collègues non-grévistes d’introduire l’audience pour prononcer le report de la session ». « Cela ne serait pas arrivé si les juges avaient la sagesse et la raison de ne pas se comporter de la sorte », a-t-il déclaré, avant de s’interroger : « De quel droit, le juge, empêche-t-il son collègue de participer à l’audience pour la reporter et se permet de l’insulter? ». De surcroît, le responsable a révélé que « le ministère avait reçu plusieurs plaintes de juges qui avaient déclaré avoir été insultés par leurs collègues simplement parce qu’ils avaient accepté le mouvement opéré dans le corps de magistrature et refusé de faire grève ».
L’incident à la Cour d’Oran n’a pas été sans conséquences sur le dialogue. En effet, le Syndicat national des magistrats (SNM) a dénoncé, dimanche soir, dans un communiqué cette répression, en la qualifiant de « graves atteintes à l’intégrité » des structures de justice et en contradiction avec le discours officiel prétendant le dialogue. Par conséquent, le SNM a annoncé la suspension de toute médiation ou dialogue visant à dégager des solutions à la crise et que cela ne reprendra qu’après la démission de l’actuel ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. Faisant, désormais, de cette revendication un préalable incontournable à toutes négociations futures, le Syndicat a précisé que ces « graves dépassements », qui ont choqué les magistrats et l’opinion publique, « interviennent au moment où le SNM répond à toutes les invitations au dialogue en vue du règlement de la crise ».
« Cela n’aura comme conséquence que le « pourrissement » de la situation et le SNM dégage toute responsabilité quant à d’éventuels dérapages qui découleraient de la réaction des magistrats », lit-on dans le même document. Par ailleurs, des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ont dénoncé la répression dont ont été victimes des magistrats à la Cour de justice d’Oran et réclament l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités et prendre les sanctions à l’encontre des auteurs. Dans tous les cas de figures, la neuvième journée de débrayage de cette corporation a été, comme il fallait s’y attendre, « tendue », surtout que les signes d’un dénouement se dissipent davantage.
Lamia Boufassa