Les événements politiques au sommet du pouvoir s’accélèrent à un rythme qui donne le tournis. Hier après-midi, le général de Corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, a réuni l’état-major de l’ANP, pour appeler encore une fois, en usant d’un ton ferme d’une exception d’urgence, à l’application des articles 7, 8 et 102 de la Constitution. Entendre : restituer le pouvoir au peuple algérien qui était à sa 6e marche contre le régime et le système, vendredi dernier, et lequel devra passer inéluctablement par la déclaration de l’état d’empêchement du président de la République.
Cette rencontre, à laquelle ont pris par les Commandants de forces, les Commandants des régions militaires, le SG du MDN et les Chefs des deux départements de l’état-major de l’ANP, vient en réponse au communiqué de la présidence de la République, publié lundi soir, et à travers lequel le président Bouteflika est annoncé démissionnaire de son poste «avant le 28 avril prochain». Ceci, au moment où Gaïd Salah attendait à ce qu’une décision d’éviction du président de la République, par voie constitutionnelle, émanerait du Conseil constitutionnel, auquel est conféré le droit d’appliquer les articles 7, 8 et 102 de la Loi fondamentale du pays.
Ainsi, «le général de Corps d’armée a souligné avoir suivi, de près, les manifestations pacifiques, lors desquelles le peuple algérien est sorti exprimer des revendications légitimes, comme il a salué le comportement civilisé et le haut niveau de conscience et de maturité dont a fait preuve le peuple algérien tout au long de ces manifestations, exprimant sa parfaite adhésion aux revendications et ambitions légitimes, partant de sa conviction puisée de son attachement à la légitimité constitutionnelle et du fait que le peuple est la seule et unique source du pouvoir», a indiqué Gaïd Salah dans un long communiqué sanctionnant les travaux de la rencontre de l’état-major de l’ANP.
Après avoir rappelé les derniers appels à travers lesquels il a parlé de la nécessité impérieuse pour le pouvoir en place, de donner une réponse au peuple algérien, Gaïd Salah accuse crûment «certains individus qui œuvrent à faire perdurer la crise et la rendre plus complexe». D’ailleurs, au lieu que l’on procède «à la mise en marche» de la procédure constitutionnelle comme l’aurait suggéré l’ANP, Gaïd Salah déplore que «malheureusement cette démarche a été accueillie par l’entêtement, la tergiversation et la sournoiserie».
«Le peuple a approuvé la démarche de l’ANP»
«Le peuple algérien a approuvé cette démarche et l’a accueillie favorablement, voyant en elle un signe de bon augure et un espoir pour sortir de la crise. Cette initiative a été présentée par l’Armée nationale populaire, partant de son sentiment de responsabilité historique envers le peuple et la patrie. Malheureusement, cette démarche a été accueillie par l’entêtement, la tergiversation et la sournoiserie de certains individus qui œuvrent à faire perdurer la crise et la rendre plus complexe, avec comme seul souci la préservation de leurs intérêts personnels étroits, en se souciant que peu des intérêts du peuple et de l’avenir du pays», poursuit le même communiqué.
«Entêtement, tergiversation et sournoiserie de certains individus»
« Le peuple algérien a approuvé cette démarche et l’a accueillie favorablement, voyant en elle un signe de bon augure et un espoir pour sortir de la crise. Cette initiative a été présentée par l’Armée nationale populaire, partant de son sentiment de responsabilité historique envers le peuple et la patrie. Malheureusement, cette démarche a été accueillie par l’entêtement, la tergiversation et la sournoiserie de certains individus qui œuvrent à faire perdurer la crise et la rendre plus complexe, avec comme seul souci la préservation de leurs intérêts personnels étroits, en se souciant que peu des intérêts du peuple et de l’avenir du pays», accuse vertement le chef d’état-major de l’ANP qui hausse de plus en plus le ton àmesure que les événements s’accélèrent pour le pays.
«Les efforts consentis par l’Armée nationale populaire depuis le début de la crise et son alignement total sur les revendications populaires, confirment que son unique ambition est de veiller à préserver la conception constitutionnelle de l’État, garantir la sécurité et la stabilité du pays et protéger le peuple d’une poignée de personnes qui s’est indûment accaparée des richesses du peuple algérien. À l’heure qu’il est, elle s’affaire à contourner ses revendications légitimes en fomentant des plans douteux, tendant à déstabiliser le pays et l’entrainer dans le piège du vide constitutionnel».
«Interdiction de décollage et d’atterrissage des avions privés»
«Quant aux vastes opérations de pillage et de dilapidation qu’a connues notre pays, ciblant ses potentiels et ressources économiques et financières, le général de Corps d’armée s’est interrogé sur les moyens qui ont permis à cette poignée de personnes d’amasser des richesses immenses par des voies illégales et dans un court laps de temps, en toute impunité, profitant de leur accointance avec certains centres de décision douteux, et qui tentent ces derniers jours de faire fuir ces capitaux volés et s’enfuir vers l’étranger. Il y a lieu d’indiquer, dans ce contexte, que les décisions de poursuites judiciaires contre ces derniers émanent de la justice par le biais du procureur général, mû par son adhésion aux revendications populaires insistantes. Ainsi des décisions préventives ont été prises à l’encontre de certains individus, leur interdisant le déplacement jusqu’à l’accomplissement des procédures d’enquête, alors que les structures de compétence relevant du ministère des Transports ont mis en œuvre des mesures d’interdiction de décollage et d’atterrissage des avions privés appartenant à des hommes d’affaires au niveau des aéroports du pays, conformément aux dispositions légales en vigueur.
«Un communiqué attribué au Président de la République»
« Alors que le peuple algérien attendait avec impatience la satisfaction de ses revendications légitimes, parait en date du 1er avril, un communiqué attribué au président de la République, alors, qu’en réalité, il émanait d’entités non constitutionnelles et non habilitées, ayant trait à la prise de décisions importantes concernant la phase de transition. Dans ce contexte particulier, nous confirmons que toute décision prise en dehors du cadre constitutionnel est considérée comme nulle et non avenue», accuse Gaïd Salah comme pour dire qu’il y a des forces «anticonstitutionnelles» qui décident de quoi et au nom du président de la République.
Autre chose, Gaïd Salah évoque encore une fois des «réunions suspectes tenues clandestinement pour comploter contre les revendications du peuple et adopter des pseudo-solutions en dehors du cadre de la Constitution afin d’entraver les démarches de l’Armée nationale populaire et ses propositions de sortie de crise et, partant, exacerber la situation et la rendre plus compliquée. Tout ceci est entrepris en coordination avec les entités non-constitutionnelles. Toutefois, certaines de ces parties se sont manifestées, tentant vainement de nier leur présence dans ces réunions et induire l’opinion publique dans l’erreur, malgré l’existence de preuves irréfutables attestant ces réalités malveillantes.»
Ces acquis précieux et inestimables, qu’il nous appartient de préserver en toutes circonstances, notamment au regard de la situation déletère dans notre région. Partant de ce principe, nous ne permettrons jamais et en aucun cas que ces acquis, qui sont en réalité les acquis du peuple algérien, soient compromis ».
Monsieur le général de Corps d’armée a réitéré son immuable alignement aux côtés du peuple, en tant que Moudjahid qui assume pleinement ses responsabilités historiques :
«Tout pour une solution constitutionnelle à la crise»
« J’ai confirmé à maintes fois qu’en ma qualité de Moudjahid ayant lutté par le passé contre le colonialisme tyrannique et ayant vécu les souffrances du peuple en cette période difficile, je ne saurai me taire aujourd’hui sur les complots et les conspirations abjects, fomentés par une bande qui a fait de la fraude, la malversation et la duplicité sa vocation. Aussi, je suis avec le peuple et à ses côtés pour le meilleur et pour le pire, comme je le fus par le passé, et je m’engage devant Allah et devant la Patrie et le Peuple que je n’épargnerai aucun effort à cette fin, quoi qu’il m’en coûtera ».
« Ainsi, nous estimons qu’il n’y plus lieu de perdre davantage de temps et qu’il faut appliquer immédiatement la solution constitutionnelle proposée, à savoir la mise en application des articles 7, 8 et 102 et entamer le processus garantissant la gestion des affaires de l’État dans le cadre de la légitimité constitutionnelle.»
«Nous soutiendrons le peuple jusqu’à satisfaction de ses revendications»
«Aussi, notre décision est claire et irrévocable. Nous soutiendrons le peuple jusqu’à ce que ses revendications soient entièrement et totalement satisfaites. Étant le fils du peuple et partant de la responsabilité historique qui m’incombe, je ne pourrai que m’aligner sur ce peuple dont la patience n’a que trop duré et qui a tant souffert des différentes épreuves. Car il est temps pour qu’il recouvre ses droits constitutionnels légitimes et sa pleine souveraineté.»
Enfin, conclut le communiqué du MDN, «nous réitérons encore une fois que notre démarche pour trouver une solution à cette crise émane exclusivement et strictement de notre allégeance envers la Patrie et uniquement la Patrie, car nous croyons fermement en la capacité du peuple algérien à surpasser les crises, aussi graves qu’elles puissent être, grâce à ses référents historiques et civilisationnels ainsi qu’à ses ressources humaines imprégnées de patriotisme et parce que nous sommes convaincus qu’aussi longtemps qu’une personne vive, elle est appelée à disparaitre un jour, mais la patrie vivra éternellement».
Synthèse Farid G.