Vendredi dernier, l’Algérie a enregistré une nouvelle victime des mines antipersonnel posées par l’armée française durant la guerre de libération nationale. Cela s’est passé à Souk-Ahras. L’explosion d’une mine antipersonnel de l’époque coloniale a tué un enfant de six ans.
La victime, a-t-on appris, est originaire de la commune d’Ain Hadjel (daira de M’daourouch wilaya de Souk Ahras) sur la bande frontalière. Ce drame, qui intervient à la veille de la date commémorative du cessez-le-feu, le 19 mars, confirme que ces engins de la mort continuent de provoquer, 61 ans après, des pertes humaines surtout parmi les enfants. Entre 1956 et 1959, les frontières algériennes de l’est (460 km avec la Tunisie) et de l’Ouest (700 km avec le Maroc) ont fait l’objet de verrouillage par l’armée coloniale qui avait procédé à l’installation de barrages minés dénommés ligne Challe et ligne Morice. Ces armes destructives s’ajoutaient à des lignes électrifiées et à des barbelés, parsemées aux frontières avec le Maroc et la Tunisie, dans le but d’isoler les moudjahidine à l’intérieur du pays et d’empêcher leur approvisionnement en armes à partir de l’extérieur. Les lignes Challe et Morice passent par Souk Ahras. Onze millions de mines ont ainsi été enfouies sous terre par l’armée coloniale. Elles ont causé depuis l’indépendance des milliers de victimes, une véritable hécatombe, et un grand nombre de mutilés. L’action de déminage a débuté juste après l’Indépendance vers la fin de l’année 1963, par l’Armée nationale populaire (ANP). En juin 1963, dans le cadre de la coopération avec l’ex-URSS, un accord algéro-soviétique a été signé pour le déminage des frontières et débarrasser l’Algérie de cette séquelle du colonialisme. Des militaires soviétiques avaient alors apporté l’aide nécessaire à la jeune Algérie indépendante et souveraine, pour enlever les mines posées par l’armée française. Lors d’une conférence organisée par l’Institut national d’études de stratégie globale (INESG), en avril 2021, les spécialistes ont eu à rappeler que « quelque 62 000 hectares sur 1000 km de frontières ont été minés par ces munitions de la mort et de la mutilation ». Ils ont fait savoir que près de 7 300 victimes ont été recensées en Algérie, dont 4 830 durant la guerre de libération nationale et 2 470 après l’Indépendance. Ils insistent sur la contribution de l’ANP, pour qui «ce fut un chantier colossal, mené par des détachements spécialisés du génie de combat des forces terrestres qui s’est déroulé dans des conditions météorologiques difficiles et des reliefs escarpés». Depuis l’indépendance, l’ANP s’est investie de la mission de déminage des zones minées ou soupçonnées de l’être, bien avant l’adoption du traité d’Ottawa, le 18 septembre 1997, font remarquer les spécialistes algériens. Pour rappel, le traité d’Ottawa interdit l’utilisation, la production, le transfert et le stockage des mines antipersonnel et impose aux pays l’obligation de venir en aide aux victimes. Au cours de la conférence de l’INESG, un responsable de l’Association nationale de défense des victimes de mines, a attiré l’attention sur le fait que «les victimes amputées ou mutilées ont besoin de prise en charge socioéconomique et psychologique. La majorité d’entre elles, localisées dans des zones enclavées, sont sans ressources ». Les défenseurs algériens des droits de l’homme considèrent qu’il s’agit d’un crime du colonisateur français qui ne doit pas rester impuni. Ils estiment que la France doit compenser les préjudices subis par les victimes. Au plan international, l’Algérie qui a assuré, en 2022, la présidence du Comité sur l’assistance aux victimes des mines antipersonnel, a affirmé son rôle pionnier en matière de lutte contre les mines antipersonnel et a partagé son expérience dans la prise en charge des victimes, datant de la Guerre de libération nationale.
M’hamed Rebah