Une trêve à l’initiative de l’Arabie saoudite qui dirige une coalition arabe contre la rébellion yéménite doit entrer en vigueur mardi soir, ce qui n’a pas empêché les rebelles de poursuivre la veille leurs tirs vers le territoire saoudien. En dépit de propos plutôt favorables à ce cessez-le-feu, proposé par Ryad pour acheminer une aide humanitaire aux civils durement éprouvés par six semaines de conflit, les rebelles chiites Houthis ont de nouveau bombardé des provinces saoudiennes frontalières, tuant un Pakistanais et un Saoudien, selon Ryad. Ces deux morts portent à douze le nombre de civils tués à la frontière depuis que les insurgés yéménites ont commencé la semaine dernière à tirer au mortier et aux roquettes contre le territoire saoudien, entraînant une intensification des raids de la coalition arabe. La chaîne des rebelles, Al-Massirah, a en outre rapporté que des combattants avaient abattu un avion près de Saada, fief des Houthis dans le nord du Yémen, et montré les débris d’un appareil portant le drapeau du Maroc. Rabat avait auparavant indiqué qu’un F-16 marocain participant aux raids de la coalition était «porté disparu». Une source officielle saoudienne a indiqué à l’AFP que des investigations avaient été lancées pour «déterminer la localisation exacte» de l’avion marocain manquant, qui «se trouve avec certitude sur le territoire yéménite et comptait un seul pilote à bord». La coalition arabe a de son côté intensifié ses raids contre les positions des rebelles chiites au Yémen. Selon des habitants des villes touchées, de Saada (nord) à Aden (sud), il s’agit des bombardements les plus violents depuis le début du conflit.
Un double raid sur un dépôt d’armes et de munitions tenu par les rebelles près de la capitale Sanaa a déclenché de puissantes explosions qui ont fait au moins 5 morts, selon des sources médicales. Les explosions étaient si intenses qu’elles ont fait s’envoler des pièces d’artillerie, et l’une d’elles s’est écrasée sur le toit d’un immeuble résidentiel, ont ajouté des témoins. Sept raids consécutifs ont été menés sur des rassemblements de Houthis autour d’Ataq, capitale de la province de Chabwa (sud). Des raids ont également visé les positions rebelles à Taez (sud-ouest), Mareb (à l’est de la capitale), Hajja (nord) et Baïda (centre), selon des témoins.
Civils coincés
A Saada, les civils peinent à fuir les bombardements, tandis que les zones proches de la frontière saoudienne subissaient également lundi un barrage d’artillerie et des tirs de missiles selon les résidents. Selon des agences humanitaires, quelque 70.000 civils ont fui en trois jours la province de Saada, bombardée par la coalition en représailles aux tirs débutés la semaine dernière vers le territoire saoudien.
«Nous vivons une situation très difficile», a indiqué un habitant de la province. «Nous voulons quitter Saada mais ne pouvons pas le faire par manque d’argent et de carburant», a-t-il ajouté sous le couvert de l’anonymat, accusant «les Houthis de tenter d’empêcher les gens de fuir». Le blocus imposé par la coalition prive le Yémen «du carburant nécessaire pour la survie de la population», déplore Human Rights Watch (HRW), au lendemain de l’annonce de l’arrivée au dans le pays d’un premier navire affrété par l’ONU et chargé de carburant. Le cessez-le-feu proposé vendredi par Ryad devrait prendre effet mardi soir pour cinq jours renouvelables. Cette trêve, si elle est respectée, précèdera un sommet des pays du Golfe avec les Etats-Unis démarrant le 13 mai, où le Yémen figurera en bonne place dans les discussions. Le roi d’Arabie saoudite et trois autres monarques du Golfe ne seront pas présents. Ryad comme Washington ont minimisé lundi la portée de l’absence du roi Salmane, certains analystes la présentant comme un camouflet aux Etats-Unis, leur allié de longue date. La Maison Blanche a fait savoir que Barack Obama avait reçu lundi un appel téléphonique du roi Salmane pour évoquer ce sommet, tandis que le ministre saoudien des Affaires étrangères a insisté sur le fait que la décision du roi de ne pas se rendre mercredi à Washington n’était en aucune façon la marque d’un désaccord. Les Houthis ont affirmé dimanche être prêts à «réagir positivement à tout effort (…) qui aiderait à mettre fin aux souffrances» de la population yéménite.
Leurs alliés, les militaires proches de l’ancien président Ali Abdallah Saleh, avaient peu avant accepté la trêve. Selon l’ONU, quelque 1.400 personnes ont été tuées, en bonne partie des civils depuis le début du conflit. L’instabilité grandissante du Yémen a permis à Al-Qaïda d’élargir son emprise, en dépit de la détermination des Etats-Unis à continuer à combattre Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa), considérée par Washington comme la branche la plus dangereuse du réseau extrémiste sunnite. Quatre membres présumés d’Al-Qaïda ont néanmoins été tués par un drone, vraisemblablement américain, lundi à Moukalla, une grande ville du sud-est du Yémen, conquise par Aqpa début avril.