Accueil MONDE Yémen : l’Arabie saoudite s’enlise dans « une guerre d’usure »

Yémen : l’Arabie saoudite s’enlise dans « une guerre d’usure »

0

Après l’échec des pourparlers de paix, le conflit reprend entre la coalition arabe et les rebelles houthis. Cette guerre est partie pour être longue.Moins de six mois après avoir décrété la fin des « grandes opérations de combat » au Yémen, l’Arabie saoudite se retrouve confrontée à une nouvelle escalade de ce conflit sans solution en vue. Pendant plus de trois mois, une solution pacifique a été recherchée lors de pourparlers de paix interyéménites au Koweït, en vain.
Le 9 août, les hostilités ont donc repris de plus belle avec des raids aériens dirigés par Riyad contre des régions rebelles du nord du Yémen et la capitale Sanaa, et l’intensification des bombardements rebelles sur le Sud saoudien. « Les deux camps essaient maintenant de prouver qu’ils sont meilleurs en situation de guerre qu’en situation de paix », explique Farea al-Muslimi, spécialiste yéménite qui collabore au Carnegie Middle East Center. Le porte-parole de la coalition, le général saoudien Ahmed al-Assiri, affirmait pourtant en mars 2016 : « Nous sommes aujourd’hui à la fin des grandes opérations de combat [au Yémen]. » À l’époque, il décrivait la situation à la frontière saoudo-yéménite comme relativement calme, mais cette accalmie s’est évaporée avec la mort de 12 soldats saoudiens fin juillet et de 7 civils mardi, victimes d’une roquette tirée à partir du Yémen.

Des pourparlers de paix suspendus par l’ONU
Accusant l’Iran de chercher à la déstabiliser par l’intermédiare des rebelles houthis du Yémen, l’Arabie saoudite avait monté en mars 2015 une coalition militaire arabe pour soutenir le président Abd Rabbo Mansour Hadi, chassé de Sanaa quelques mois plus tôt. La coalition avait d’abord lancé une campagne aérienne, puis envoyé des troupes au sol, principalement émiraties et saoudiennes, permettant aux forces gouvernementales yéménites de reprendre pied dans des provinces du Sud durant l’été 2015.
Mais le conflit – qui a profité aux djihadistes d’Al-Qaïda et du groupe État islamique – s’était ensuite enlisé et, devant l’impasse militaire, l’Arabie saoudite avait appuyé l’ouverture d’un nouveau round de négociations le 21 avril dernier au Koweït. Ces pourparlers ont été « suspendus » le 6 août par l’ONU, faute de progrès.

« On va assister à une longue guerre »
Avec la reprise des combats à grande échelle, « on va, semble-t-il, assister à une longue guerre », dont l’issue est difficile à prédire en raison de « la multitude de factions et d’éléments impliqués », estime l’analyste Anthony Cordesman du Center for Strategic and International Studies à Washington. La coalition sous commandement saoudien combat au Yémen sur deux fronts : au nord, le camp des houthis, alliés à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, et au sud, les djihadistes qui multiplient les attentats après une série de revers dans les provinces de Hadramout et Abyane.
Selon Farea al-Muslimi, l’intensification des raids de la coalition s’explique en partie par la mise en place le 6 août par le camp rebelle d’un Conseil supérieur chargé de gouverner le Yémen. « Les Saoudiens ne s’y attendaient pas et ils n’ont pas toléré cette menace sur la légitimité du président Hadi », explique l’expert. Mardi, le général Assiri a affirmé que les rebelles étaient affaiblis et que « cela prendra [le temps] qu’il faudra » pour aider le gouvernement yéménite à regagner le contrôle du pays et pour protéger les frontières saoudiennes.

Un conflit meurtrier pour les populations civiles
Selon l’Organisation mondiale de la santé, le conflit a fait plus de 6 500 morts et près de 33 000 blessés. Quelque 2,8 millions de personnes ont été déplacées et 80 % de la population a besoin d’une assistance humanitaire, d’après l’ONU. « Même dans des endroits éloignés du champ de bataille, les civils subissent le contrecoup économique et humanitaire du conflit », rappelle Adam Baron, spécialiste du Yémen à l’European Council on Foreign Relations.

Article précédentLigue des champions d’Europe : Soudani et Hamroun au bord de l’élimination
Article suivantBrésil : nouvelle tuile judiciaire pour Dilma Rousseff