Lors d’une rencontre littéraire, tenue jeudi soir à Oran, l’écrivain Yasmina Khadra a livré une réflexion profonde et résolument optimiste sur l’avenir du livre dans un monde bouleversé par les mutations numériques. Face à l’essor des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, il affirme avec conviction : « Le livre aura toujours sa place ».
Devant un public attentif, l’auteur de «Ce que le jour doit à la nuit» a abordé la place de la littérature dans le paysage culturel contemporain, marqué, selon lui, par une surmédiatisation de l’instantané, au détriment de la profondeur et de la contemplation. « Les réseaux sociaux sont de véritables pièges pour les jeunes », a-t-il averti, en dénonçant une logique de distraction permanente qui érode les habitudes de lecture. Cependant, loin d’adopter une posture fataliste, Yasmina Khadra préfère nuancer les discours alarmistes. À ceux qui affirment que la jeunesse tourne le dos aux livres, il rétorque : « Ce n’est pas que les jeunes qui ne lisent pas. Lorsqu’on leur propose une belle œuvre, ils la lisent ». Il s’appuie notamment sur l’engouement populaire observé lors du dernier Salon international du livre d’Alger (SILA), où certaines séances de dédicaces ont été prises d’assaut par des lecteurs passionnés. « Il y avait de véritables marées humaines autour de certains auteurs. C’est une preuve que le livre suscite encore un grand intérêt », a-t-il témoigné avec enthousiasme. Mohamed Moulessehoul, plus connu sous son nom de plume, Yasmina Khadra, s’est également livré avec sincérité sur son propre rapport à la littérature et à la langue. Écrivant en français tout en puisant dans les racines algériennes de son vécu, il revendique une identité littéraire profondément nationale. « Je raconte l’Algérie dans mes livres », affirme-t-il avec fierté. Ce positionnement, souvent salué par la critique, témoigne de son souci constant de transmettre la mémoire, les douleurs, les espérances et les contradictions de son pays. Interrogé sur ses projets littéraires à venir, l’écrivain n’a pas manqué d’exprimer son indignation face aux drames qui secouent l’humanité. Il a ainsi évoqué, sans en dévoiler les contours, un projet nourri par sa colère face au génocide perpétré par l’entité sioniste contre le peuple palestinien. « Il faut s’indigner comme il se doit de s’indigner », a-t-il martelé, laissant entrevoir une œuvre engagée, fidèle à la posture humaniste qui traverse l’ensemble de son œuvre. La rencontre d’Oran fut l’occasion, une fois de plus, de rappeler le rôle fondamental de la littérature dans la construction d’une conscience critique et collective. Pour Yasmina Khadra, le livre n’est pas un objet du passé, mais bien une nécessité pour comprendre le présent et imaginer l’avenir. Dans un monde saturé de flux numériques, sa voix résonne comme un plaidoyer pour la beauté des mots, la persistance du sens et l’urgence de penser.
M. Seghilani