X-Files a fait son grand retour. L’occasion de découvrir la réponse à la question que l’on se pose depuis des mois: comment les scénaristes se sont-ils adaptés à la nouvelle donne des théories complotistes désormais omniprésentes ?
Souvenons-nous : quand X-Files débarque sur les écrans US en 1993, Internet était l’apanage de quelques initiés vêtus de tee-shirts ornés de blagues subtiles sur le langage binaire. En ce temps-là, il faut prévoir un week-end entier pour télécharger une photo olé olé, tandis que le modem analogique crachouille sa bande-son de film de SF des années 50. Et, surtout, les passionnés d’OVNIs qui soupçonnent le gouvernement américain de cacher des cadavres d’extraterrestres récupérés à Roswell ou des aliens reptiliens métamorphes de gouverner le monde en sous-main sont contraints de lire des revues spécialisées, voire, des livres !
Mais, peu à peu, Internet et X-Files vont conjointement changer tout ça. Pendant dix ans, la série télé et le Web, dans une synergie inédite, vont populariser des thèmes complotistes et bâtir une imagerie qui font désormais partie intégrante de la culture populaire. La fiction et la réalité, l’imagination des scénaristes et celle des internautes s’imbriquent si étroitement que l’on ne sait plus qui produit quoi : des photos, des vidéos et des idées populaires sur le Web sont reprises par X-Files avant de faire retour en ligne sous une forme légèrement modifiée. Et réciproquement… La complosphère a-t-elle créé X-Files ou X-Files a-t-il créé la complosphère ? C’est l’éternelle question de l’œuf et de la poule… Mais, une chose est sûre, il est impossible de faire rentrer une poule dans un œuf.
MULDER: «TOUTE MA VIE EST DEVENUE UN SUJET DE PLAISANTERIE»
C’est pourtant l’exploit qu’essaye d’accomplir ce premier épisode de la 10e saison en casant dans quarante minutes et des poussières un recensement exhaustif des thématiques conspirationnistes depuis l’arrêt de la série en 2003. Fox Mulder-David Duchovny semble émerger d’une cuite de dix ans (ce qui n’est peut-être pas totalement une métaphore). Accablé et mal-rasé, il lève ses yeux rougis d’Internet pour lâcher ce constat désenchanté : « Toute ma vie est devenue un sujet de plaisanterie ». Puis, au fil d’une histoire incompréhensible où erre une Scully hébétée (Gillian Anderson), l’agent Mulder se contente d’énumérer à peu près toutes les théories complotistes à la mode avant de conclure, sans qu’on sache trop pourquoi : « J’avais tort, tout est faux ». Mulder croise aussi une adolescente abductée mise enceinte par des aliens (ou par un officine secrète gouvernement) et un présentateur halluciné, avatar d’Alex Jones, l’icône des conspirationnistes américains. En définitive, ce premier épisode ressemble à une mise à jour truffée de bugs et parfaitement inutile où transparaît l’aveu d’impuissance qu’X-Files ne pourra jamais rattraper le temps perdu. Heureusement, le second épisode est d’une toute autre tenue. Il y a une enquête, des enfants difformes, de l’ADN alien, un savant fou et, enfin, quelque chose qui ressemble à un scénario. On retrouve Mulder et Scully comme on les avait laissés, mis à part quelques rides supplémentaires, chacun reprenant son rôle de sceptique et de crédule comme on se glisse dans un vieux pull…
C’est finalement M6 elle-même qui s’est tirée une balle dans le pied en censurant plusieurs scènes jugées trop violentes pour être diffusées avant 22 heures.
Ces premiers épisodes ouvrent donc deux voies possibles: soit, la série se lance dans une course à l’échalote avec ses propres fans et finit par ressembler à une recherche « OVNI » sur YouTube. Soit, elle suggère à ses scénaristes de faire leur métier: écrire des scénarios.