Dans un nouvel épisode de la féroce bataille institutionnelle qui se joue au Venezuela, le Tribunal suprême de justice, favorable au président Nicolas Maduro, a fortement limité mardi les pouvoir du Parlement, dominé par l’opposition. Le pays d’Amérique du sud traverse une profonde crise politique après la victoire de l’opposition aux élections législatives de décembre, une première depuis 1999. Ces blocages institutionnels à répétition, entre un gouvernement mené par le socialiste Nicolas Maduro et un Parlement dominé par l’opposition, se doublent d’une profonde crise économique, dans ce pays pétrolier asphyxié par la chute des cours du brut, rendant la situation explosive. D’autant que l’opposition antichaviste, réunie sous le nom de Table de l’unité démocratique (MUD), cherche tous les moyens légaux pour hâter le départ du pouvoir de Maduro, élu en 2013 pour six ans, et voit sa marge de manœuvre fortement réduite. Depuis le début, le Tribunal suprême de justice (TSJ), la plus haute autorité judiciaire du pays, se trouve au coeur de ce bras de fer. Les nominations de juges y sont d’autant plus sensibles. Or, fin décembre, quelques jours avant de rendre les clés du Parlement à l’opposition, les chavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013) avaient nommé 34 nouveaux juges (13 titulaires et 21 suppléants) au sein du TSJ. Tout juste arrivée aux manettes de l’Assemblée, début janvier, l’opposition avait mis en place une commission pour enquêter sur ces nominations de magistrats. Les conclusions devaient être remises et discutées mardi. Après la décision du Tribunal suprême de mardi, le Parlement ne peut plus contrôler que l’exécutif, et perd son droit de contrôle sur le pouvoir judiciaire, électoral et citoyen. De cette façon, le TSJ cherche à contrecarrer une éventuelle révocation des nouveaux juges proches du président Maduro, selon les observateurs. « Nous sommes en présence d’un coup d’État, il (le pouvoir chaviste) est en train d’écarter un pouvoir public », a déclaré à l’AFP Benigno Alarcon, directeur du Centre d’études politiques de l’université catholique Andres-Bello. Selon cet analyste, les antichavistes doivent désormais « centrer leur bataille sur le champ politique car la bataille institutionnelle est perdue ». De son côté, le président de l’Assemblée Henry Ramos Allup préfère temporiser. « Il ne serait pas responsable de donner un avis avant d’étudier la situation à fond. Nous allons le faire et donner une réponse dans les prochains jours », a déclaré à des journalistes ce leader de l’opposition antichaviste. Mais il ne fait pas de doute que ce coup de force est une sérieuse déconvenue pour l’opposition qui doit annoncer jeudi la voie qu’elle va privilégier pour écourter le mandat de Nicolas Maduro. Une modification de la Constitution, pour réduire de six à quatre ans le mandat du président, doit être approuvée par le TSJ, ce qui semble peu envisageable. L’autre option est l’organisation d’un référendum révocatoire mais cette procédure doit être validée par le Conseil national électoral (CNE), autre organisme proche du gouvernement. Côté économique, tous les voyants du Venezuela sont au rouge. Au point que mi-janvier, Nicolas Maduro a décrété l’état d’urgence économique qui lui accorde des pouvoirs étendus pour 60 jours renouvelables. Le décret, rejeté une semaine plus tard par le Parlement, avait malgré tout été validé par le Tribunal suprême de justice.