Personne ne s’attendait à une telle confidence de l’ancien ministre de l’intérieur français, Gerald Darmanin, lors de la passation des pouvoirs avec son successeur, Bruno Retailleau, lundi dernier. C’est devant son remplaçant venu de la droite française aux idées surfaites sur « les étrangers qui envahissent la France » que Darmanin a choisi de rappeler ses origines. Sur un ton de défi et à la surprise générale, le ministre sortant a subitement déclaré : « Je m’appelle Gérald Moussa Jean Darmanin. Mon père voulait écrire Moussa Darmanin, du nom de mon grand-père tirailleur algérien qui avait servi la France. Il est assez évident que si je m’étais appelé Moussa Darmanin, je n’aurais pas été élu maire et député et sans doute je n’aurais pas été nommé ministre de l’Intérieur. Sur ce sujet nous avons du travail à accomplir ». Cette critique des discriminations à l’encontre des prénoms d’origine étrangère en France prononcée dans une cérémonie officielle par un ministre qui vient de quitter son poste, a fait l’effet d’une bombe. Que se passait-il dans la tête de Moussa Darmanin à ce moment précis ? S’agissait-il d’une critique spontanée d’une situation qu’il a très certainement mal vécue plusieurs fois durant son existence et qu’il voudrait combattre ? Ou était-ce un ballon de sonde dont il espère des retours d’écoute qui lui permettront de peaufiner sa stratégie de conquête de l’Élysée ? Cette ambition qu’il porte et qui est de notoriété publique. Il n’y a eu aucune réaction directe à la « bombe » de Moussa. Au contraire, prenant à son tour la parole, son successeur s’est déclaré partisan de la rigueur la plus totale concernant « l’ordre », allusion à la délinquance attribuée par tous aux jeunes des banlieues, entendez par là issus de l’émigration.
Cette confession de Darmanin et le contexte qu’il a choisi ne font pourtant pas de lui une personnalité jalouse de ses racines et prête à les défendre en toute circonstance. Sa volonté qui est celle de sa famille est d’effacer plutôt cette généalogie encombrante. En témoigne le prénom Annie, de sa mère et fille du grand père tirailleur algérien. Une mère analphabète, femme de ménage et dont l’assimilation ne pouvait donc pas être aisée. Y aura-t-il une suite, ce retour d’écoute espérée par Moussa autour de ce « cheveu sur la soupe » ? Pourtant les prénoms discriminatoires en France ne sont pas forcément une réalité. Nous avons relevé au moins trois exemples et non des moindres qui prouvent que le problème est plus complexe qu’il n’y paraît. Tous trois sont des journalistes dans des médias français et portent un prénom arabe. Citons, pour commencer, le journaliste de la chaîne TV5, Mohamed Kaci qui « n’a pas été complaisant », en novembre 2023, avec le porte-parole de l’armée sioniste au point d’être, dans un premier temps, désavoué par sa direction. Saisie de l’affaire, l’ARCOM (gendarme français de l’audiovisuel) a estimé que Kaci n’a pas commis de faute. Et tout rentra dans l’ordre. Le second, Jimmy Mohamed, est à la tête du « magazine de la santé » de la télé publique France 5. Il est médecin de formation mais a choisi le monde audiovisuel et qui connait un franc succès, à l’instar de son collègue Mohamed Kaci. Le troisième enfin, Mohamed Bouhafsi, est également journaliste à la télé publique France 5 où il est chroniqueur de l’émission « C à vous », il est également à France 2 mais aussi à RTL. Les trois ont gardé leur prénom. Avant eux, il y avait Rachid Arhab qui présentait le journal de France 2. Ils font face aux racistes, eux-mêmes issus de l’immigration, et qui forment une minorité. La France profonde dans sa grande majorité n’est pas sectaire. Malheureusement, aujourd’hui, c’est la minorité raciste qui donne de la voix. Un jour, le rapport de force s’inversera. Ce jour-là, les relations algéro-françaises reprendront dans l’intérêt des deux peuples !
Zouhir Mebarki
zoume600@gmail.com