Accueil LA CHRONIQUE DU JEUDI Un reporter dans la foule : L’anticipation, un réflexe algérien

Un reporter dans la foule : L’anticipation, un réflexe algérien

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Il fut un temps, pas très lointain, où l’algérien ne prévoyait rien de ce qu’il allait faire le lendemain. Sa devise était « ahyini lioume ou ktelni ghoudoi » (laisse-moi vivre aujourd’hui, demain tues-moi). Ou encore « ki zid nssimiouah bouzid » (quand il naitra, nous lui donnerons un prénom). Dans toutes les grandes échéances de la vie courante, comme les fêtes, les vacances, la rentrée scolaire, les saisons, etc. Les Algériens restaient impassibles jusqu’à la veille de l’événement pour se ruer tous ensemble et massivement vers les points commerciaux ou les guichets de réservation.

Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas là du besoin grégaire que confèrent les chaînes, mais d’une extrême insouciance liée à l’historique précarité qui n’autorisait aucune garantie. Ainsi les hommes et les femmes de culture ont souvent raillé l’irrésistible attrait de l’algérien vers le mimétisme et l’action collective (caméra cachée notamment), mais sans en montrer les véritables ressorts. Parmi ces ressorts figure la transition de la « rurbanisation » (concept créé par Abderrazak Bouhara). Dans ce cas, la grégarité adoptée n’est que l’assurance d’une transition sans erreurs majeures.

À quelques exceptions près comme ce fut le cas lors de l’importation de la morue séchée dans les années 1980. La ruée sur ce produit fut massive et collective avant son brutal abandon en l’absence de mode d’emploi et de mémoire gustative. Sauf erreur nos sociologues ne se sont pas penchés sur ces épisodes clés de l’évolution de notre société. Ce qui serait dommage ! Surtout que le rythme de transformation sociétal s’accélère. Comme l’anticipation traitée aujourd’hui. Aujourd’hui les pharmacies, les médecins privés un peu moins, assurent leur tour de garde. Ce qui n’était pas le cas, il y a moins d’une décennie. Sauf que la diffusion du tableau de garde reste à parfaire. Comme l’affichage par toutes les officines du plus proche pharmacien de garde. On peut citer également la permanence des commerces lors des fêtes. Des permanences qui commencent à peine à être respectées. Là aussi nous sommes en pleine transition « rurbaine ».

Une transition qui s’efface avec le temps. Pour laisser place à l’anticipation individuelle « contrainte » ou « volontaire ». Dans le premier cas nous trouvons la célébration du mariage qui est fixée selon la date imposée par la location de la salle de fêtes. Dans le second cas, le meilleur exemple est celui de l’achat par les familles, au début des vacances d’été, des fournitures scolaires. Cette « précaution » date de quelques années. Aujourd’hui, l’anticipation s’étend aux opérateurs économiques. C’est ce que nous a appris le Conseil du renouveau économique algérien (CREA) qui a indiqué, lundi dernier, dans un communiqué, « qu’en prévision de la prochaine rentrée scolaire, des opérateurs économiques locaux, activant dans la production et l’importation des articles scolaires, se sont engagés à assurer la disponibilité de leurs produits et les proposer à des prix abordables, dans le but de préserver le pouvoir d’achat des familles ». Qu’une organisation, annonce au printemps ce qui va se passer en automne, voilà qui est nouveau dans notre pays. Nouveau, car même certaines institutions ne sont pas encore dans l’anticipation.

Quand les mesures concernant la saison estivale sont prises en juillet, que ce soit pour les réservations de billets d’avion ou des chambres d’hôtels, la responsabilité n’incombe pas seulement au citoyen. Disons que le bureaucrate fait partie intégrante de la société. Tout comme « l’allergie » à l’investissement à long terme est profondément ancrée dans notre société. Une « allergie » que la « locationvente » de l’AADL est venue « soigner » quelque peu. En effet la propriété immobilière acquise après des mensualités étalées sur vingt ans et plus a permis aux Algériens de se remettre en question. Pas tout à fait mais sur la bonne voie. Ceci est un sujet complémentaire que nous traiterons avec l’économie informelle. La société algérienne avance. Nos sociologues ne la suivent pas de près !

Zouhir Mebarki

zoume600@gmail.com

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