Accueil LA CHRNIQUE DU JEUDI UN REPORTER DANS LA FOULE : La « Douara » se meure !

UN REPORTER DANS LA FOULE : La « Douara » se meure !

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Patrimoine culinaire. À lire jusqu’à la fin. Même avec des haut-le-cœur. Toutes les familles qui ont procédé au sacrifice du mouton, dimanche dernier, ont eu la possibilité de préparer des plats avec les abats du mouton. Comme au bon vieux temps, serions-nous tentés de dire. D’abord avec les tripes que les uns appellent « Douara », d’autres « Bakbouka », ensuite « El-Ghernoug » qui sont les poumons du mouton, il y a aussi la tête (y compris les pieds) que les uns appellent « Bouzelouf » et d’autres « Zelif » ou « Dmagh », et enfin les boyaux appelés « Lemçaren » par les uns et « lemzamez » par d’autres. Pour tous ces abats du mouton, nos grand-mères avaient une recette pour mijoter de bons plats. Il y a ceux qui portent le nom de l’abat lui-même et les autres comme « el ousbane » (des morceaux de tripe farcis avec le poumon découpé en dés, des pois-chiches et des herbes, le tout refermé à l’aiguille et fil en textile). Enfin il y a « el-maçerane » qui n’est autre que l’intestin de l’animal farci avec de la viande et autres ingrédients, une sorte de grosse merguez fait maison. Si nous abordons opportunément le sujet aujourd’hui, c’est pour immortaliser, à notre petite échelle, un pan de notre histoire culinaire. Mais pas que, car cette histoire reflète les conditions sociales dans lesquelles nos ancêtres ont vécu ou plutôt survécu. Tous les abats que nous avons énumérés plus haut font parties des recettes de cuisine, de moins en moins utilisées de nos jours, mais que nos aïeules connaissaient par cœur. De plus en plus de nos jeunes aujourd’hui ne supportent ni la vue ni l’odeur de ces abats. Il est vrai que ces parties du mouton ne sont pas les plus ragoutantes. D’ailleurs le préalable de leur cuisson est dans la préparation. Autrement dit dans le lavage. C’est une technique. Comme décrasser les tripes en les trempant rapidement dans l’eau bouillante avant de les gratter au couteau. La même rigueur pour la tête de mouton et les pieds qui vont avec. Là, il faut brûler les poils sur le kanoun (aujourd’hui c’est au chalumeau). Une préparation et une cuisson qui prennent beaucoup de temps et d’efforts. Nos grands-mères ne s’en plaignaient pas. Les conditions de vie étaient plus dures. Le résultat, dans l’assiette, est apprécié selon la mémoire gustative de chacun. Si l’on a goûté à ces tripes au berceau, nul doute qu’à l’âge adulte, elles deviennent succulentes. Sinon c’est la nausée garantie. C’est ce qui arrive à une grande partie de notre jeunesse qui en a été privée à la première enfance. Par contre, les abats « nobles » comme le foie « Kebda », restent toujours très appréciés. Par les jeunes et moins jeunes. C’est d’ailleurs leur plat du premier jour, sachant que la viande ne peut être découpée que le lendemain de l’abattage. Comparativement, la société chinoise raffole des chiens et des chats pour avoir en mémoire leurs gouts. Les français ont un faible pour la tête de veau. Ou plus encore pour toute la charcuterie faite à base de porc, l’animal le plus sale de tous les mammifères. Aujourd’hui, les plats d’insectes font parties des tables les plus chics de la planète. Bref, en repoussant « Douara » et « Bouzelouf », nos compatriotes les ont remplacés par des plats « importés » comme la « Chawarma » ou le « Hamburger » pour ne citer que ces deux produits. Comme ils l’ont fait avec nos « M’Ghârak » et « M’Hadjab » contre la « Pizza » et la « Karantita ». Les substitutions de produits culinaires sont plus nombreuses, venus du Mexique, de Turquie ou d’ailleurs. Les répercussions de ces substitutions sur notre santé ne fait pas de doute. L’alimentation de nos ancêtres était moins grasse, plus végétarienne. Sa conservation était obtenue avec la salaison. Pas de risque de rupture de la chaîne du froid. La cuisson s’effectuait à petit feu du Kanoun pas à la vitesse du micro-onde. Le progrès et le confort sont irrésistibles et légitimes mais les contre-coups ne sont pas absents. Il est indiscutable que notre alimentation explique notre état de santé. Que des types de maladies différents en découlent. Sans trop nous avancer en détail dans un domaine qui n’est pas le nôtre, il est, tout de même, fort probable que si la fréquence de certaines maladies a progressé comparativement au siècle dernier, notre « fourchette » y est pour quelque chose. Ouvrons une parenthèse pour attirer l’attention sur la nécessité de disposer d’historiens de la santé, d’historiens de l’éducation, d’historiens des tenues vestimentaires, etc. Autant de filières universitaires à ouvrir. Fermons la parenthèse. Pour finir, il y a une image qui nécessite que l’on si attarde : À quoi est dû le succès de « Barak Aïnou » ? C’est une tête de mouton avec ses restaurants dédiés. Beaucoup de jeunes en raffolent. Langue au chat !
Zouhir Mebarki
zoume600@gmail.com

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