C’est le Mawlid Ennabaoui ! Nous en profitons pour aborder la circoncision des petits garçons qui a lieu, généralement, à cette occasion. Les bienfaits de cette intervention chirurgicale ne sont plus à démontrer. Au-delà de l’aspect hygiénique, la circoncision réduit les infections urinaires et même les IST (infections sexuellement transmissibles). Certains médecins affirment que l’âge idéal pour circonscrire l’enfant se situe entre trois et cinq ans.
D’autres préconisent de le faire avant pour éviter un trauma à l’enfant et pour une cicatrisation plus rapide. La circoncision s’effectue aujourd’hui en milieu hospitalier ou dans des cliniques privées. C’est un acte chirurgical en bonne et due forme avec les analyses préalables, bloc opératoire adapté et suivi post-opératoire. En prenant connaissance des analyses préalables (FNS, TP et TCK avec détermination du groupe sanguin) exigées par le corps médical pour l’ablation du prépuce, on reste songeur. En effet, il fut un temps, pas très lointain, du « temps béni des bienfaits de la colonisation » comme auraient dit les nostalgiques de l’Algérie française, où le code de l’indigénat et la précarité dans laquelle vivait le peuple algérien imposaient une pratique comportant de graves risques de santé pour les enfants éligibles à la circoncision. Il faut savoir qu’avant l’Indépendance, pour la circoncision du petit garçon, on faisait appel au « Hadjam ».
Il s’agissait généralement du coiffeur, voire même d’un herboriste que le bouche à oreille avait érigé en « spécialiste » et qui faisait office de « chirurgien ». Ce même coiffeur qui était également arracheur de dents pour ne pas dire « dentiste » car ne prodiguant pas les soins dentaires, dont la vitrine était pleine de dents pour annoncer, au public, sa « spécialité ». Une fois contacté, le « Hadjam » se déplaçait au domicile familial de l’enfant. Avec quels outils travaillait-il ? Il faut être bien assis ! Deux sortes d’outils. Soit le rasoir de coiffeur ou des ciseaux que l’on supposait bien aiguisés. C’était l’un ou l’autre et rien d’autre. Au milieu de la pièce (qui servait de « bloc opératoire »), une chaise. Par terre, une assiette pleine de sable qui servira à recevoir le prépuce une fois coupé. Comment se déroulait « l’opération » ? Un parent proche de l’enfant prenait place sur la chaise. On mettait l’enfant sur ses genoux et il devait lui maintenir avec force les cuisses écartées. La moindre gesticulation et c’était le drame. On dresse un drap pour masquer à l’enfant la scène de l’ablation. On essaye de distraire l’enfant en jetant pièces d’argent et billets de banque dans le drap. C’est ce qu’on appelle « Tawça ». On persuade l’enfant que tout l’argent jeté dans le drap sera pour lui. Et lorsqu’on entend son cri inhumain, on comprend que le « Hadjam» vient de trancher à vif le prépuce . Le moment est bref et le coup sec. Un peu de mercurochrome avant de soulever l’enfant, toujours jambes écartées, pour le conduire au lit préparé pour la circonstance. La guérison prenait le temps qu’il fallait selon la cicatrisation propre à chacun. Tous les garçons algériens d’avant l’indépendance, sans exception, ont vécu, de cette façon, leur circoncision. L’hôpital et les blouses blanches n’étaient pas fait pour les indigènes. Encore moins pour une pratique spirituelle des « bougnoules » que nous étions. Les plus âgés (certains au-delà de 5 ans par manque de ressources financières) en gardent un souvenir (ou traumatisme c’est selon) indélébile jusqu’à la fin de leurs jours. Devant les précautions prises aujourd’hui avant l’intervention sous anesthésie locale et même quelques fois anesthésie générale, on mesure mieux ce que l’indépendance a apporté de bienfaits à la population. Quand on entend aujourd’hui les médecins insister sur le suivi post-opératoire et du contrôle nécessaire après la circoncision, on se rend compte que les temps ont bien changé dans notre pays. Qu’il y a un avant et un après l’indépendance. Reste à pousser les recherches pour expliquer pourquoi et comment le coiffeur était en même temps « chirurgien-dentiste » et « Hadjam ». Il pratiquait également la saignée (phlébotomie) et même quelques fois, il soignait la pelade. Cette chronique se veut un témoignage d’un pan de notre histoire à servir aux générations n’ayant pas vécu la période coloniale. C’est l’histoire de la vie de leurs ancêtres. De leurs pères et grands-pères !
Zouhir Mebarki
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