Aujourd’hui, c’est jour de clôture de la 6e édition du Festival culturel national du costume traditionnel algérien qui s’est ouvert le 22 juillet dernier au Centre des arts et de la culture du Palais des Raïs (Bastion 23) à Alger. L’occasion de relever une anomalie qui a tout l’air d’avoir échappé à la vigilance de notre ministre de la Culture. Il s’agit de cette mode du chapeau européen dont s’affublent certaines de nos personnalités publiques notamment des artistes, écrivains et d’une manière plus générale dans le milieu dit intellectuel. Cet accoutrement importé récemment dans notre pays est difficile à expliquer. Sorti comme par enchantement, sans crier gare, ce chapeau qui était porté par les pieds-noirs d’Algérie avant l’indépendance, trouve de plus en plus d’adeptes. On peut citer, puisqu’il le porte en tous lieux et à tout moment, Waciny Laredj qui enseigne la littérature à la Sorbonne (Paris) et à l’Université d’Alger. Certains commentateurs familiers des plateaux de télévisions, d’autres nostalgiques qui paradent coiffés de cet attribut lors de cérémonies et que Malek Bennabi aurait désigné sous le vocable « les colonisables », etc. Ces curieux personnages ont ce point commun qui est de manquer de culture et de savoir vivre. Ils semblent ignorer que le port d’un chapeau à ses codes et qu’il doit être enlevé dès l’entrée dans un espace clos. Or, ils ne l’enlèvent à aucun moment. Ils le gardent, comme pour en faire la promo, sur les plateaux de télévision. De plus, ils sont loin de savoir qu’en présence de personnes respectables et notamment de la femme, il leur faut soulever leur chapeau. Signe de bienséance et de respect. Petit retour en arrière pour mieux comprendre l’infamie. Avant l’indépendance, s’il arrivait à un algérien de porter un tel chapeau (tyrolien) occidental, il savait le mortel danger qu’il prenait. Aujourd’hui le risque n’est plus le même. Il est de semer les graines de la déculturation. Sinon pour quoi être allé si loin pour ressembler à des européens alors que nous avons, pour nous couvrir la tête, le chapeau de paille, El Âraquia, la chéchia qui a disparu avec le Haïk, voire même la casquette (adoptée par Belaïd Abdesslam) qui n’a aucune connotation historique dans notre récit. Même le béret basque que portait l’écrivain Tahar Ouettar n’a pas le même poids de dépersonnalisation que le chapeau de Laredj. Il faut noter en parallèle le dénigrement savamment entretenu du « trente-trois tours » (guennourd) porté dans l’Algérie profonde. Le célèbre Khélifi Ahmed le portait majestueusement bien et avec une grande élégance. Nous nous limiterons au constat d’un phénomène qui nous est totalement étranger et qui est emprunté à une société qui nous a occupé, martyrisé. Certains y verraient à coup sûr le « syndrome du geôlier ». Notre ministre de la Culture devrait constituer une commission de sociologues, de psychiatres et autres spécialistes pour expliquer scientifiquement cet accoutrement étranger à notre patrimoine vestimentaire. Quant à nos artistes, femmes et hommes de théâtre, écrivains, romanciers, tous devraient montrer du doigt cette recherche de « paternité » dans le patrimoine colonial. Nos jeunes devraient être tenus informés de ces dérives. Le gouvernement devrait leur donner toutes les explications nécessaires pour ne pas suivre, d’ailleurs ils ne suivent pas le chapeau tyrolien et c’est à saluer, de tels déguisements de ceux qui ont perdu les repères de leurs aïeux, de leurs ancêtres. La responsabilité est la même que celle qui incombe à l’écriture de l’histoire. Ne laissez pas nos jeunes errer et trébucher dans les dédales de l’histoire qui n’est pas là leur. Il faut les accompagner avec des plateformes numériques. Leur montrer leur véritable ancrage !
Zouhir Mebarki
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