Nous avons volontairement abrégé le titre pour des commodités de mise en page. Cependant nombreux sont les Algériens qui l’auront complété, par eux même, en ajoutant « …Mine Aândi ». En dialectal, c’est de la pure poésie avec ses vers et ses rimes. Ce qui donne une âme à ce fruit sauvage, à ce fruit du pauvre. Cette phrase des vendeurs à la criée, signifie « je vends des figues de barbarie (Hendi, Aakermoust, Kermouss Ançara… etc) et j’ai le couteau pour les éplucher ». Pour rassurer et attirer les clients. En effet la plus grande difficulté pour manger ce fruit, qui pousse en régions chaudes et arides du bassin méditerranéen, réside dans sa peau pleine de piquants très fins. Pour écouler leur Hendi, les vendeurs doivent se charger de l’éplucher. Quel est l’intérêt de consacrer une chronique à ce fruit sauvage, ce fruit du pauvre. Les Algériens le consommaient plus durant l’occupation coloniale. Misère oblige. Ce fruit que le “bouche à oreille” accuse de provoquer la constipation. Ce fruit qui n’a jamais eu sa place sur les étals des marchés couverts, a toujours été vendu par des marchands ambulants. Ce fruit qu’on mange sur place, sauf à prévoir un récipient pour le transporter, proprement, une fois sa peau enlevée. Ce qui n’est pas toujours évident. Actuellement, ce fruit, dont c’est la saison (de juillet à octobre), se vend toujours par des ambulants qui se chargent de le débarrasser de sa peau pleine d’épines, avant de le conditionner par 10 unités et plus, dans des sachets en plastique. En clair, ce fruit pousse « tout seul ». Ce n’est pas le fruit préféré de notre jeunesse aujourd’hui. Peutêtre à cause de ses épines. En contrepartie, la figue et le figuier de barbarie ont d’autres utilisations insoupçonnées. D’ailleurs on se demande pourquoi les Français lui ont donné le nom de figue de barbarie. Alors que dans la région de Tipasa, on l’appelle « Kermouss Ançara ». La réponse du berger à la bergère ? Ceci dit et depuis quelques années, on a découvert que la figue de barbarie recèle un riche potentiel multiforme. De ses pépins est extraite une huile qui, à l’international, est vendue jusqu’à 3000 euros le litre. De plus en plus d’opérateurs algériens investissent dans ce créneau. Selon certains d’entre eux, seulement 10% de la production est consommée. Le reste, au risque de pourrir, est transformé autrement, principalement en huile. En Algérie, un flacon de 10 ml coûte 3 000 DA. La marque « Jumia » de vente en ligne le propose à 2 890 DA. D’abord c’est une huile aux vertus prouvés pour les soins de la peau (notamment contre les rides) que la filière internationale cosmétique s’arrache. Ensuite, il faut des milliers de figues de barbarie pour obtenir un litre d’huile de ses pépins. Alors qu’il poussait de manière naturelle, sans intervention humaine, El-Hendi est aujourd’hui cultivé, sur des surfaces de plus en plus grandes, pour son huile. Une concurrence a vu le jour entre les producteurs des pays du Maghreb qui se sont tous jetés sur le filon. Un autre avantage dont on parle moins : le figuier de barbarie est un obstacle naturel contre les feux de forêts. Ses feuilles, sous forme de raquette de tennis, sont gorgées d’eau. Ce qui n’a pas échappé à nos chercheurs en agronomie. Des figuiers de barbarie sont actuellement plantés dans la wilaya de Tizi-Ouzou pour servir de pare-feu naturel contre les incendies de forêt. Il n’est pas exclu que ces plantations anti-feu se généralisent, dans le futur, à l’ensemble de nos régions forestières. Troisième avantage, les déchets après pressage, sont transformés en aliments du bétail. Au final, la figue de barbarie, à cause de ses épines et de « sa » constipation, n’a pas conquis les consommateurs algériens. Cependant, cette plante et son fruit, sont aujourd’hui très valorisés par ailleurs. En ce mois d’août, El-Hendi est présent en force au détour des rues en milieu urbain. Des vendeurs à la sauvette tentent de tirer quelque bénéfice de ce fruit de moins en moins apprécié par les générations postindépendance. Mais, a-contrario, d’autres utilisations valorisantes pour la figue de barbarie existent. Dans peu de temps, faute de consommateurs, les vendeurs à la criée ne s’égosilleront plus. Cependant, ElHendi aura toujours ce fond poétique dans notre patrimoine mémoriel.
Zouhir Mebarki
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