Un jeune réalisateur kurde est parvenu à financer et à tourner, dans des conditions rocambolesques, le premier film d’horreur jamais réalisé au Kurdistan irakien. Mais le pari de Lauand Omar est gagné: « Curse of Mesopotamia » est un succès.
Réaliser un film d’horreur dans un pays qui a connu et connaît tant d’horreurs, l’idée peut sembler incongrue, mais le réalisateur kurde, Lauand Omar, peut s’en féliciter :
« Curse of Mesopotamia » (Le malédiction de Mésopotamie), tourné en anglais avec des bouts de ficelle est un triomphe ! Le premier de cette ampleur dans ce cinéma méconnu qui d’ordinaire s’attelle plutôt à des sujets politique et sociaux célébrant la lutte du peuple kurde. Cette industrie cinématographique vivote au nord de l’Irak dans la zone autonome contrôlée par le gouvernement régional kurde. C’est là que Lauand Omar, Kurde d’origine syrienne, né au Liban, et élevé en Allemagne, a découvert ce cinéma local lors d’un séjour en 2005 avec son père. « Je voulais retisser des liens avec ma culture » explique à Al Jazeera le jeune homme qui a étudié le cinéma aux Etats-Unis. « La plupart des films tournés ici sont des drames historiques qui évoquent les souffrances et les combats des Kurdes » poursuit-il. Ces œuvres, souvent de qualité, sont bien accueillies par la critique et tournent dans des festivals. « Mais, déplore Lauand Omar, aucun de ces films n’a jamais touché un large public. » C’est pour cela que le réalisateur, fan de cinéma fantastique depuis sa plus tendre enfance, s’est lancé dans le tournage de « Curse of Mesopotamia », en espérant enfin qu’un film kurde casse la baraque. Il a financé son projet en vendant quelques lopins de terre hérités de sa famille et entamé un tournage compliqué dans le Kurdistan irakien en août 2014. Durant cette période, l’Etat Islamique a lancé une offensive sur la région. Nous travaillions souvent à quelques kilomètres de la ligne de front, au son des bombardements » dit Lauand Omar. Plusieurs membres de l’équipe ont d’ailleurs quitté le tournage pour combattre Daech alors que moins de la moitié du long-métrage était tournée. « Mon rêve a failli devenir un cauchemar » avoue Lauand.
Mais sept mois après cette interruption, le cinéaste est parvenu à réunir d’autres fonds pour achever le film en Jordanie. La première a eu lieu à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan, et a reçu un accueil enthousiaste. L’histoire est adaptée d’une ancienne légende kurde, celle de Kawa le forgeron qui affronte un roi mangeur de cerveaux, possédé par un démon. Le récit est transposé dans l’époque contemporaine où cinq voyageurs étrangers sont confrontés au retour du roi démon. Parmi les acteurs principaux figurent la Française Mellisa Mars qui joue une reine maléfique réincarnée en socialite… « En regard des standards hollywoodiens, c’est un tout petit budget. Mais moi j’y ai mis tout ce que je possédais » explique Lauand Omar. Il n’aura sans doute pas à le regretter: dès sa première semaine d’exploitation,
« Curse of Mesopotamia » s’est retrouvé n°2 du box-office irakien. Juste derrière « Spectre », le dernier James Bond…