La Russie a prévenu mardi qu’elle réagirait à la «menace» que constitue le renforcement annoncé de la présence de l’Otan près de ses frontières, accusant les Occidentaux de jouer l’escalade dans la crise ukrainienne. Alors que se multiplient les mises en garde concernant l’éclatement d’un conflit de grande échelle en Europe, le secrétaire-adjoint du Conseil de sécurité russe a annoncé un «ajustement» d’ici la fin de l’année de la doctrine militaire russe, pour prendre en compte l’apparition de nouvelles «menaces». Mikhaïl Popov a cité les printemps arabes, le conflit en Syrie, ainsi que la situation en Ukraine et la réaction occidentale. «Je n’ai aucun doute sur le fait que le rapprochement de l’infrastructure militaire des pays membres de l’Otan des frontières de notre pays, y compris par l’élargissement du bloc, aura sa place parmi les menaces militaires extérieures», a-t-il assuré, dans un entretien à l’agence Ria-Novosti.
Ces propos font écho aux projets de l’Alliance atlantique d’adopter lors de son sommet de jeudi et vendredi au Royaume-Uni un plan de réactivité (Readiness action plan, RAP), en réponse à l’attitude de la Russie dans la crise ukrainienne, perçue comme une menace directe par certains membres (Etats baltes, Pologne, Roumanie, Bulgarie). «Tous les faits témoignent de la volonté des autorités des Etats-Unis et de l’Otan de poursuivre leur politique de détérioration des relations avec la Russie», a dénoncé M. Popov.
Le responsable n’a pas précisé quels seraient les contours de la nouvelle doctrine russe, ,mais il a souligné qu’elle devrait prendre en compte l’emploi de groupes radicaux et de compagnies privées de sécurité avec les forces régulières, le rôle croissant de l’information dans les conflits, ainsi que le déploiement de systèmes antimissiles.
«Pas de solution militaire»
Kiev et les Occidentaux, accusent Moscou depuis le début du conflit, qui a fait près de 2.600 morts en près de cinq mois, de soutenir les séparatistes de l’est de l’Ukraine en leur fournissant armes et combattants. Mais les accusations d’intervention militaire directe russe – démenties par Moscou – se multiplient ces derniers jours, les Occidentaux estimant qu’elles auraient permis aux insurgés prorusses de reprendre une partie du territoire entre leur fief de Donetsk et la côte de la mer d’Azov et de mettre fin à la progression des forces loyalistes. Les Occidentaux «doivent comprendre qu’il n’y a pas de solution militaire. Un dialogue politique pour une solution politique est le chemin le plus sûr», a plaidé le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, déplorant une «situation chaotique et dangereuse» aux conséquences «régionales et mondiales».
Faute de changement de position de Moscou, l’UE a menacé d’introduire dans la semaine de nouvelles sanctions contre l’économie russe, déjà au bord de la récession. L’Otan, qui estime que la Russie a déployé plus de 1.000 hommes en territoire ukrainien, compte pouvoir déployer «en quelques jours» des milliers de soldats des armées de l’air, de terre, et de la marine, appuyées par des forces spéciales, selon son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen.
Selon le New York Times, l’Alliance atlantique veut mettre sur pied une force de 4.000 hommes capable de répondre en 48 heures, avec le soutien de certains anciens pays du bloc soviétique comme la Pologne, aux mouvements de troupes russes.
L’Otan «épouvantail»
Le rapprochement des ex-républiques soviétiques de l’Otan provoque la colère des autorités russes qui se sont toujours opposées très vivement aux velléités atlantistes de l’Ukraine.
«Pour la Russie, l’Otan occupe une fonction d’épouvantail importante dans la politique intérieure», estime Alexandre Konovalov, directeur de l’Institut des évaluations stratégiques. «La peur de l’Otan est destinée au public: les autorités n’en ont pas peur mais voient la politique de citadelle assiégée comme un moyen de garder le pouvoir», ajoute l’expert, interrogé par l’AFP. L’Ukraine, qui a relancé son projet d’adhésion à l’Otan, attend une «aide pratique» et des «décisions cruciales» de l’Alliance atlantique à l’issue du sommet mais les analystes relèvent que les options de l’Alliance sont limitées. Le ministre ukrainien de la Défense, Valéri Guéleteï, a mis en garde lundi contre l’éclatement d’une «grande guerre (…) comme l’Europe n’en a plus connu depuis la deuxième guerre mondiale» avec des pertes se comptant «par milliers voire par dizaines de milliers de morts».
Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, désigné à la présidence du Conseil européen, a quant à lui mis en garde lundi contre les dangers d’une guerre «pas seulement dans l’est de l’Ukraine», dans un discours prononcé au cours des cérémonies du 75e anniversaire de l’agression de l’Allemagne nazie contre la Pologne qui déclencha la Deuxième Guerre mondiale.