Accueil MONDE Turquie : jusqu’où ira Erdogan ?

Turquie : jusqu’où ira Erdogan ?

0

Le président sort renforcé de ce coup d’État manqué et pourrait restaurer son image à l’international. À moins qu’il ne se lance dans une répression aveugle.

Recep Tayyip Erdogan est parvenu à mettre en échec les militaires putschistes, il ne dépend que de lui de transformer l’essai. Au lendemain de cette nuit dramatique qui a fait au moins 265 morts toutes parties confondues, le président turc tient, en effet, une occasion unique de restaurer son image sur la scène internationale.
Il y a quelques mois encore, celui que ses adversaires surnomment « le sultan » était l’incarnation de ce qu’il est convenu d’appeler l’usure du pouvoir, qu’il exerce, comme Premier ministre puis président, depuis treize ans : dérive autoritaire, rupture avec l’opinion qui a culminé avec les manifestations de 2013 et leur répression, folie des grandeurs symbolisée par le palais digne de Ceausescu qu’il s’est fait construire à Ankara.

Réconciliation
Les Turcs sont aujourd’hui toujours aussi divisés sur ce personnage clivant, mais, après s’être mis à dos la quasi-totalité de ses voisins, la Turquie a commencé cette année à sortir de son isolement. Le pouvoir, qui a longtemps fermé les yeux sur les trafics de Daech sur son territoire, s’est résolu à y mettre bon ordre. Cela lui a valu en représailles une série d’attentats meurtriers, mais lui a également permis de redorer son blason à l’international.
Parallèlement, il tente d’enterrer les contentieux qui l’opposaient à deux des principaux acteurs de la région : Israël et la Russie. Les relations privilégiées qu’Ankara entretenait avec Jérusalem n’avaient pas résisté à l’assaut donné par l’armée israélienne à une flottille humanitaire turque à destination de Gaza, en 2010.
Un accord de réconciliation a été signé le mois dernier, agrémenté des excuses du gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahu. Les retrouvailles avec Moscou seront peut-être plus laborieuses, mais les regrets exprimés récemment par la Turquie qui avait abattu un chasseur russe l’an dernier et les intérêts communs entre les deux pays dans la lutte contre Daech devraient au moins mettre un terme à la surenchère de communiqués belliqueux qui caractérisaient les relations bilatérales depuis le début du conflit syrien.

«Le ménage continue»
La tentative de coup d’État déjouée dans la nuit de vendredi à samedi est elle aussi de nature à restaurer l’image du président Erdogan dans les capitales étrangères pour peu que celui-ci ne cède pas à la tentation d’une répression tous azimuts. C’est très exactement ce qu’a voulu dire Angela Merkel en soulignant samedi que les putschistes devaient être traités « selon les règles de l’État de droit ». Dimanche c’était au tour de Jean-Marc Ayrault de durcir le ton. Le coup d’Etat raté en Turquie n’est pas un « chèque en blanc » au président turc, a déclaré le chef de la diplomatie française. « Nous voulons que l’état de droit fonctionne pleinement en Turquie », a déclaré le ministre évoquant des « purges ».
Car les premiers signaux envoyés par Ankara laissaient craindre le pire. Sur le sort réservé aux militaires factieux, le Premier ministre Binali Yildirim a déclaré que « ces lâches se verront infliger la peine qu’ils méritent », ajoutant que la peine de mort, qui a été abrogée en Turquie, pouvait sans difficulté être rétablie. Et dimanche, le ministre de la Justice a révélé que quelque 6 000 arrestations avaient été effectuées, avant de lancer : «Le ménage continue.». Un ménage qui ne se limite pas aux casernes, mais vise également des juges et des procureurs.

Article précédentFethullah Gülen, la bête noire d’Erdogan
Article suivantQandeel Baloch, la jeune fille qui bousculait le Pakistan