Au royaume du Makhzen, la corruption est une pratique institutionnalisée depuis l’intronisation de la famille royale et la mise en place des fondations de l’administration.
C’est devenu une obligation à laquelle se soumettent tous les sujets sans que cela ne suscite une réaction des autorités. Le phénomène était toléré par les institutions et les ONG internationales, mais depuis qu’il a commencé à impacter les engagements du pays avec des organismes et des entreprises internationales la situation a changé et aujourd’hui le Maroc figure dans une position peu enviable du classement de l’organisation Transparency internationale de lutte contre la corruption. Le dernier classement de cette ONG intervient alors que des scandales à profusion ont secoué le Maroc. Dans un article, le journal Modèle East Eye a indiqué que, « l’antenne marocaine de Transparency International estime que la corruption menace la stabilité du pays, qui a enregistré un nouveau recul dans son classement annuel mondial recensant ce fléau ». Le Maroc occupe la 97e position dans le classement de 2023 publié mardi 30 janvier par l’ONG, qui mesure la perception de la corruption au sein du secteur public dans 180 pays. Le royaume a reculé de trois places par rapport à l’année précédente et vingt-quatre en cinq ans. Depuis quelques années, le classement de cette ONG est pris en considération par de nombreuses firmes étrangères dans leurs négociations de marchés ou transactions avec les institutions ou sociétés de ce pays. L’antenne locale de Transparency Internationale dans un communiqué tire la sonnette d’alarme en affirmant : « La corruption systémique et endémique menace la stabilité sociale, économique et politique de notre pays et encourage l’économie de rente et la protection des activités illicites. La corruption continuera à prospérer jusqu’à ce que les systèmes judiciaires soient capables de punir les actes répréhensibles et de contrôler les gouvernements. Lorsque la justice est achetée ou politiquement entravée, ce sont les gens qui souffrent ».Il faut préciser que la publication de ce classement intervient dans un contexte très délicat pour le monde politique marocain empêtré dans le scandale du Maroc Gate où sont cités plusieurs eurodéputés soudoyés par le Makhzen ou encore l’affaire de « Pablo Escobar du Sahara » qui met en cause des responsables politiques, des intouchables de l’administration, des responsables de clubs sportifs et des membres des services de sécurité. Cette affaire met en cause particulièrement Saïd Naciri, président du Conseil préfectoral de Casablanca (Ouest) et patron du club de football le Widad Casablanca, et d’Abdennabi Biioui, président du Conseil régional de l’Oriental (Est). En détention depuis le 22 décembre, ils ont été auditionnés le 25 janvier par un juge d’instruction. Ils sont soupçonnés d’être en lien avec Hadj Ahmed ben Brahim, un Malien qui purge une peine de dix ans au Maroc pour une affaire de trafic international de stupéfiants. Surnommé le « Pablo Escobar du Sahara », Ahmed ben Brahim a été arrêté en 2019 à Casablanca, dans le cadre d’une enquête sur la saisie record de 40 tonnes de résine de cannabis en 2015 dans des camions lui appartenant. Selon l’enquête préliminaire, les deux élus auraient joué un rôle clé dans un réseau tentaculaire déployé en Algérie, au Niger, en Libye et en Égypte.
Si d’habitude ce sont les sous-fifres qui sont cités dans des affaires de corruption, c’est la première fois que deux figures politiques d’un tel rang sont mises en cause dans une affaire de drogue d’une telle ampleur dans le pays. L’enquête concerne au total 25 personnes, dont 20 sont incarcérées. Elles sont soupçonnées notamment de « détention, commercialisation et exportation de drogues » et « corruption ». D’autres élus ont par le passé été poursuivis ou fait l’objet d’enquêtes pour corruption. Le député du Mouvement populaire (MP, centre droit) et ancien ministre délégué Mohamed Moubdii, 69 ans, a été placé en détention provisoire en avril 2023 dans une enquête pour corruption dans l’octroi de marchés publics. Mais l’affaire du « Pablo Escobar du Sahara » n’a été traitée par la justice marocaine qu’après des injonctions de partenaires étrangers, notamment la France et l’Espagne, qui avaient ouvert des enquêtes et s’apprêtaient à lancer des mandats d’arrêt internationaux contre les mis en cause. Pour éviter que la famille royale ne soient éclaboussés, le Makhzen a décidé de sacrifier ces fusibles pour bien se mettre à l’abri de remontrances internationales. Finalement, la corruption est une marque déposée du Makhzen. Il en tire sa puissance, et elle est l’essence même de son existence depuis que le Général Lyautey a installé aux commandes la famille royale et mis en place l’embryon de l’administration et du gouvernement marocain et ses institutions.
Slimane B.