Depuis la normalisation de ses relations avec Israël, le palais royal du Maroc fait face à une contestation qui a dépassé le cadre social pour devenir un véritable rejet de la politique étrangère menée par le gouvernement, avec la bénédiction du makhzen et ses relais.
Il y’a environ un mois, en pleine euphorie de l’arrivée d’une délégation de haut niveau israélo-américaine à Rabat, le gouvernement sous couvert de la lutte contre le coronavirus avait décrété un couvre-feu. Cette décision qui avait fait sourire les observateurs était en réalité dictée par la peur du palais de voir la rue marocaine s’embraser pour dénoncer la normalisation avec l’État hébreu. Il est connu, depuis les événements du Rif, que les marocains optent généralement pour des manifestations nocturnes. La peur de voir la masse envahir la rue a poussé le Makhzen à anticiper les mouvements de contestation. Récemment, une manifestation des enseignants a été violemment réprimée par les forces de sécurité marocaines. Pourtant, les revendications des marcheurs étaient d’essence sociale et découlaient de la crainte des enseignants de voir s’installer au Maroc un système d’éducation à deux vitesses, un enseignement de qualité pour les nantis et un gavage sans aucune assise pédagogique pour la classe pauvre. Les enseignants ont été violemment réprimés par peur de voir le mouvement déborder pour investir le terrain de la contestation purement politique par le rejet de la normalisation des relations avec l’État hébreu.
Il y a quelques jours, un sit-in des étudiants organisé à l’appel de l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) dans l’enceinte de l’université de Rabat a été empêché par la police marocaine qui a violé la franchise universitaire pour réprimer violemment la manifestation. Les animateurs de l’UNEM ont été même pourchassés dans les rues de Rabat, ce qui démontre la crainte de voir le mouvement de rejet de la normalisation des relations avec Israël s’élargir. Les services de sécurité marocains sont à l’affût du moindre indice de contestation et un vaste mouvement de répression des animateurs du mouvement estudiantin s’est installé avec la bénédiction du Makhzen qui craint que les mouvements de protestation qui se déclenchent sporadiquement dans les villes du royaume ne fassent jonction pour aboutir à un raz-de-marée qui pourrait faire trembler le socle du royaume et mettre en danger l’existence même du système royal établi comme mode de gouvernance d’un pays qui n’arrive toujours pas à mater les velléités révolutionnaires des régions du Rif, ou encore moins la lutte que mènent les sahraouis dans les zones occupées du Sahara occidental. Le palais royal est devant un tournant qui pourrait ébranler ses bases. La normalisation des relations de son pays avec Israël qui était perçue comme un moyen d’asseoir son autorité sur le Sahara occidental et comme un moyen permettant la relance de son économie est aujourd’hui perçue comme une damnation. Mais le makhzen a-t-il le courage ou la volonté de faire machine arrière, surtout que le garant du plan de normalisation, le président américain Donald Trump, est sur le départ ?
Slimane Ben