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Tir mortel de Baldwin : La pression sur les tournages, facteur d’insécurité ?

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Après l’arrêts des tournages pendant de long mois au début de la pandémie, la demande pour de nouveaux films est plus forte que jamais et les productions peuvent être tentées de rogner sur les coûts et la sécurité pour « accélérer le mouvement », déplorent des professionnels du cinéma après l’accident mortel sur le tournage de « Rust ».

Lorsque l’acteur Alec Baldwin a tué la directrice de la photographie avec un revolver qu’on lui avait présenté comme inoffensif, le western tentait ainsi de rattraper le retard provoqué par le départ de certains employés protestant contre leurs conditions de travail. Beaucoup des membres de l’équipe de ce film d’action à petit budget (moins de 7 millions de dollars selon des médias spécialisés) manquaient en outre cruellement d’expérience. Sans soutien de la part d’un grand studio, « Rust » a été financé par un assemblage de petites sociétés et devait être diffusé sur une plateforme de vidéo à la demande, selon le Wall Street Journal. D’après des experts interrogés, ces conditions de tournage précipitées sont en train de devenir la norme à Hollywood, avec une demande croissante pour alimenter les services de streaming, gros consommateurs de contenus. « Il y a une forte pression pour accélérer le mouvement. Et après le Covid, on a le sentiment qu’il y a encore davantage de pression parce que les gens tentent de sortir des films et ont des délais à respecter », déclare Joyce Gilliard, coiffeuse pour les studios d’Hollywood, à qui un tournage a failli coûter la vie. Son bras a été fracassé par un train qui avait heurté une équipe de tournage en 2014 pendant la production de « Midnight Rider », tuant une opératrice de 27 ans. Le drame survenu sur le plateau de « Rust » a « réveillé un énorme traumatisme », assure à l’AFP Mme Gilliard. « Si les productions et les studios ne pensent même plus à la sécurité, alors ça se répercute sur tout le reste de l’équipe. Ça doit venir d’en haut », estime-t-elle. Les producteurs de « Rust » n’ont pas répondu aux demandes répétées de l’AFP concernant les conditions de tournage du film. L’enquête en cours au Nouveau-Mexique sur le tir qui a tué la directrice de la photographie, Halyna Hutchins, n’a pas encore établi toutes les responsabilités et aucune interpellation n’a eu lieu.

« Frénésie »
S’il n’est pas possible d’établir de lien formel entre un petit budget et une éventuelle négligence, pour Gregory Keating, professeur de droit à l’Université de Californie du Sud (USC), c’est bien « le contexte de réduction des coûts qui semble jouer dans ce cas. C’est toujours plus cher de bien faire les choses. » Or « les gens utilisent des armes à feu comme accessoires dans les films depuis plus de 100 ans », et si les protocoles de sécurité sont suivis à la lettre, il est pratiquement impossible que quelqu’un se fasse tuer par une balle sur un tournage, observe-t-il. « Le problème vient toujours d’une précaution qui n’a pas été prise », selon lui. « Je pense qu’il y avait un certain laisser-aller sur ce plateau » de « Rust », a estimé mercredi le shérif du comté de Santa Fe, Adan Mendoza, qui supervise l’enquête sur l’accident. « Il y a des questions sur lesquelles l’industrie (du cinéma) et peut-être l’Etat (du Nouveau-Mexique) doivent se pencher », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse. Les critères de recrutement sur le tournage de « Rust » posent notamment question. Un chef accessoiriste expérimenté, Neal Zoromski, a décliné d’y travailler après avoir perçu d' »énormes signaux négatifs » durant ses discussions avec les producteurs du film. Ces derniers ont selon lui refusé d’embaucher à la fois un assistant accessoiriste et un armurier, comme M. Zoromski le leur demandait, arguant qu’une seule et même personne pouvait assumer les deux fonctions. « On ne prend jamais un assistant accessoiriste pour être aussi armurier », deux rôles très exigeants et difficilement compatibles, a-t-il assuré au Los Angeles Times. Le matin du drame, plusieurs opérateurs syndiqués avaient quitté le tournage, remplacés au pied levé par des techniciens non syndiqués, plus précaires et donc moins à même de demander l’application des règles de sécurité, note M. Keating. Un électricien de cinéma, qui a souhaité rester anonyme, a assuré à l’AFP que depuis la reprise des tournages paralysés par la pandémie, il n’a « jamais eu autant de mal à recruter des gens ». « C’est de la frénésie, cette pression pour produire des contenus et rattraper le temps perdu. »

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